Polémique. Il est de bon ton « à gauche », très « à gauche », de dépenser une énergie et un temps considérables à dénoncer - en pure perte -, des accords de libre-échange que leurs contempteurs assimilent à un quasi-retour à l’esclavage. Pendant ce temps là, les « forces vives » insoumises, debout, et toutes ces sortes de choses restent l’arme au pied face à des dispositifs qui instaurent, en France même, dans l’indifférence générale des abominations libérales exactement équivalentes. Dans le domaine qui nous occupe, la directive concessions, les SemOp…, on en passe et des pires. Concernant les épouvantails CETA, TAFTA et TTIP, le Conseil d’Etat vient pourtant de rappeler qu’il entendait bien encadrer de très près les fameux « tribunaux d’arbitrage privés » qui auraient déjà, si l’on en croit nos avant-gardes, mis à bas la République. Pures billevesées.
Un arrêt important précise en effet pour la première fois l’étendue et les modalités du contrôle du Conseil d’Etat sur les sentences rendues d’arbitrage international en matière de contrats publics.
« L’établissement public Gaz de France conclut, avec un groupement d’entreprises, un contrat pour la construction d’un terminal méthanier à Fos-sur-Mer puis le cède à la société Fosmax. Par avenant, les parties insèrent dans le contrat une clause compromissoire selon laquelle tout différend sera tranché conformément au règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale. L’exécution de ce contrat ayant suscité un litige, le tribunal arbitral condamne chacune des deux parties à verser certaines sommes à son adversaire.
Saisi d’un recours contre cette sentence, le Conseil d’Etat, après s’être reconnu compétent pour en connaître en premier et dernier ressort, expose longuement le mode d’emploi qu’il va désormais utiliser en la matière.
Il s’impose d’abord l’obligation de vérifier que la clause d’arbitrage est licite, compte tenu notamment du principe qui interdit aux personnes publiques de recourir à l’arbitrage, sauf dérogation. Si cette condition n’est pas remplie, la sentence devra être annulée et le juge administratif pourra alors statuer lui-même sur le litige.
L’office du Conseil d’Etat consistera, par ailleurs, à s’assurer :
– que la sentence est régulière, notamment au regard de la compétence du tribunal arbitral, de sa composition et du caractère contradictoire de la procédure ;
– qu’elle n’est pas contraire à l’ordre public, ce qui serait par exemple le cas si elle faisait application d’un contrat ayant un objet illicite ou entaché d’un vice de consentement, ou encore si elle méconnaissait des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger (interdiction de consentir des libéralités, d’aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont disposent ces personnes dans l’intérêt général).
Lorsque la sentence arbitrale sera irrégulière ou contraire à l’ordre public et qu’il y aura donc lieu de l’annuler totalement ou partiellement, le Conseil d’Etat ne pourra régler l’affaire au fond que pour autant que la convention d’arbitrage l’aura prévu ou que les parties l’auront invité à le faire.
A noter : cette nouvelle jurisprudence s’appliquera, en particulier, aux marchés de partenariat, régis par l’ordonnance du 23 juillet 2015 sur les marchés publics. En effet, l’article 90 de l’ordonnance autorise les « acheteurs » à recourir à l’arbitrage pour le règlement des litiges relatifs à l’exécution de cette catégorie de contrats publics. »
CE 9-11-2016 n° 388806, ass. Sté Fosmax LNG
Source : © Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne :
commentaires
C’est bien tout le débat, si c’est le droit français qui s’applique pourquoi agiter des craintes imaginaires ?
Bonjour,
Sauf erreur de ma part, la décision du Conseil d’État porte sur un arbitrage commercial classique entre entreprises, et non pas sur un arbitrage État-investisseurs tel que dénoncé dans le cadre du Ceta, Tafta, TTIP.
Il est vrai que l’article que vous citez mentionne le recours à l’arbitrage commercial pour les marchés de partenariat, autrement dit les PPP, mais l’ordonnance précise bien que c’est le droit français qui s’applique. Je ne suis donc pas sûr que vous parliez de la même chose.