La pollution du Rhône par les PCBs a suscité nombre de réactions depuis quelques mois. Les pouvoirs publics ont annoncé le lancement de plusieurs enquêtes. La commission de suivi du Plan national d’élimination des PCBs se réunit le 2 octobre 2007. Une rencontre est organisée le 10 octobre 2007 à Lyon sous l’égide de la Préfecture de région, à laquelle participeront notamment la Frapna et FNE. Plusieurs dizaines de collectivités ont porté plainte contre X et une enquête sur les origines de cette pollution sans précédent est diligentée par la gendarmerie. Plusieurs élus ou associations d’élus et nombre d’ONG ont fait part de leur intention d’évoquer la pollution du Rhône dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Cette mobilisation multiforme n’augure malheureusement pas que des réponses à la hauteur des enjeux soient effectivement apportées à cette catastrophe environnementale dans les mois et les années qui viennent. Si des réponses sans équivoque ne sont pas apportées aux demandes et questions ci-après, le dossier voguerait vers un nouvel enterrement, comme c’est le cas depuis vingt ans.
L’ensemble des acteurs concernés auraient tout à gagner à répondre clairement aux questions et requêtes ci-après. La liste n’est pas exhaustive. Elle dessine seulement les différentes dimensions d’un dossier-gigogne.
Faute de l’appréhender dans toutes ses dimensions on ne saurait prétendre que la pollution du Rhône a été sérieusement prise en compte par tous les acteurs concernés, de près ou de loin, par une catastrophe environnementale majeure. L’enjeu est d’importance si l’on considère que d’autres fleuves et rivières français sont eux aussi concernés par la pollution aux PCBs .
1. Accès à l’information au titre de la Convention d’Aahrus et des différentes directives européennes relatives à l’accès public aux données relatives à l’environnement :
– Communication des études d’impact ayant précédé la délivrance des arrêtés préfectoraux autorisant des rejets de PCBs dans le Rhône par l’usine Tredi de Saint-Vulbas (Ain), et par l’usine Arkema de Saint-Auban (Alpes de Haute-Provence).
– Communication de l’intégralité des arrêtés préfectoraux ayant été délivrés depuis 1980, relatifs aux autorisations de rejet de PCBs accordées aux sites de Saint-Vulbas et de Saint-Auban.
– Communication de l’intégralité de l’historique des contrôles effectués par les différents services de l’Etat habilités à vérifier le respect des arrêtés préfectoraux précités autorisant les rejets de PCBs dans le Rhône par les sites de Saint-Vulbas et de Saint-Auban : DRIRE, DIREN, DDASS, SATESE, Agence de l’eau RMC, Distributeurs…
– Recension et communication de l’ensemble des enquêtes, analyses, expertises, commanditées depuis les années 80 par la puissance publique, ou effectuées de leur propre initiative, par tous types d’acteurs impliqués : services de l’état, laboratoires d’analyse, laboratoires scientifiques…
– Les sites de Saint-Vulbas et de Saint-Auban disposent-ils à ce jour d’autorisations de rejet ? Ces autorisations vont-elles être revues ? A quelle date ?
– Quels sont les volumes des importations de PCBs intra-communautaires et extra-communautaires, qui ont été autorisés à être traités (décontamination et incinération) par les sites de Saint-Vulbas et de Saint-Auban depuis les années 80 ?
– Quels sont les volumes totaux de PCBs qui ont fait l’objet de traitement (décontamination et incinération) par les sites de Saint-Vulbas et de Saint Auban depuis l980 ?
2. Recherche :
– La puissance publique dispose-t-elle ou a-t-elle relancé, voire initié, une identification exhaustive de l’ensemble des sites potentiellement susceptibles de participer au relargage de PCBs, notamment par voie atmosphérique, à l’échelle régionale, du bassin, et supra-régionale ? (Sites industriels en activités, friches industrielles, décharges…)
– Les pouvoirs publics disposent-ils ou ont-ils initié des recherches relatives à l’analyse de l’impact de la pollution du Rhône par les PCBs, tant sur les activités agricoles concernées à l’échelle du bassin (prise d’eau BRL sur le Rhône alimentant la région de Montpellier, riziculture Camargue…), la pêche et la conchyliculture en Méditerranée, que sur les différentes sources d’approvisionnement en eau potable de la population concernée à l’échelle du bassin : nappes d’accompagnement, nappes phréatiques, champs captants…
– Quel est le bilan national de la contamination par les PCBs, dont on sait qu’elle affecte aujourd’hui, au-delà du Rhône, de nombreux autres fleuves et milieux aquatiques en France : Somme, Meuse, Loire, Seine ?
– Quelles sont les perspectives précises d’amélioration technique des process de traitement des PCBs (stockage, décontamination, incinération…) aujourd’hui existants ?
– Quels sont les programmes initiés en vue d’améliorer ces process et les investissements publics en la matière ?
3. Europe :
– Bilan des programmes de recherche communautaires auxquels la France est associée.
– Va-t-on renforcer la coopération et la mutualisation des actions de recherche impliquant, notamment, la France, la Suisse, l’Allemagne et la Méditerranée ?
4. Plan national d’élimination des PCBs :
– Quels moyens vont-être accordés par l’Etat à la relance-actualisation de l’inventaire initié par l’ADEME en 2001, aujourd’hui nécessaire puisqu’il a dû être interrompu faute de moyens, notamment humains et financiers ?
– Bilan précis des actions spécifiquement conduites par EDF.
– Actualisation de la cartographie de l’intégralité des sites homologués pour le regroupement, le stockage, la décontamination, l’incinération, l’enfouissement de tous produits contenant du PCBs et des sous-produits résultant de leur élimination.
– Bilan du programme national au regard des engagements communautaires (échéance 2010).
5. Sédiments :
– Bilan exhaustif des opérations de draguage du Rhône régulièrement effectuées par différents intervenants (BRL, entreprises spécialisées…)
– Quelles sont les mesures à l’étude au regard de la contamination avérée de centaines de milliers de tonnes de sédiments du Rhône ?
6. Santé publique :
– Recension et communication de l’ensemble des études épidémiologiques réalisées depuis les années 80, concernant les différentes populations animales et humaines exposées.
– Communication des résultats de l’enquête initiée en 1987, sur les recommandations de l’Inserm, par la DDASS 69, et confiée à l’Observatoire régional de la santé, qui portait sur les habitudes alimentaires des populations asiatiques implantées en région lyonnaise, sur un échantillon de 100 familles.
– Les risques pathologiques engendrés par la contamination de l’ichtyofaune par les PCB, pour le consommateur et pour l’espèce elle-même, et donc pour la biodiversité, ne semblent pas, pour l’heure, avoir suffisamment été pris en compte. Depuis plusieurs années on a classifié les PCB en PCB indicateurs et PCB dioxin-like. On exprime donc leur toxicité en « équivalents toxiques ».
Cette expression facilite grandement les analyses toxicologiques.
Néanmoins, les questions restent nombreuses :
Ces substances hautement lipophiles sont susceptibles non seulement de se retrouver dans les graisses « de réserve » des consommateurs, mais aussi dans les lipides de structure, comme cela a largement été démontré pour d’autres composés organochlorés (lindane, DDT).
Autrement dit, ces xénobiotiques peuvent s’incorporer aux membranes cellulaires.
– Quels en sont les effets ?
– Sont-elles potentiellement actives sur les fonctions membranaires et cellulaires ?
– Sont-elles transmissibles à la progéniture ?
– Ces molécules étant extrêmement stables, quelle est l’efficacité des mécanismes de métabolisation (biotransformation) in vivo ?
– Connaît-on les pathologies éventuelles liées à ces substances en Europe chez des individus bénéficiant d’une alimentation diversifiée ? (de très nombreuses études ont été réalisées chez les Inuits, dramatiquement exposés).
– Comme certains organochlorés les PCB sont-ils responsables in situ de perturbations endocriniennes ?
– Qu’en est-il de l’effet sur les populations et les communautés aquatiques ?
– Pour résumer, en se basant sur les constats du Cemagref, dont un rapport d’étape a été rendu public par la préfecture du Rhône le 21 juin 2007, et sur les autres études réalisées dans l’ensemble de la zone rhodanienne, il paraît importun (voire urgent) de mettre en place une vaste étude de terrain pluridisciplinaire dotée de moyens financiers et humains suffisants reprenant entre autres les divers points évoqués ci-dessus. Les pouvoirs publics peuvent-ils s’engager précisément sur ces différents points ?
– D’une manière plus pragmatique, est-il prévu aujourd’hui de développer un biomonitoring de ces substances sous forme globale (indicateurs, marqueurs chlorobiphényls représentatifs comme le CB153, indicateur et CB126, dioxin-like par exemple) dans des réseaux d’observation ?
7. Social :
– Application du principe « pollueur-payeur » ?
– Accompagnement et indemnisations des pêcheurs professionnels pour préjudice économique résultant de la cessation de leur activité ?
– Modalités de l’accompagnement du secteur de la pêche de loisir ?
Lire :
Le Rhône pollué par les PCB : un Tchernobyl français ?
Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 14 aout 2007.
Pollution du Rhône : 10 questions sur un désastre écologique majeur.
Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 aout 2007.
« Le Rhône interdit : il est pollué jusqu’à la Méditerranée »
Le Nouvel observateur, 23 aout 2007.
Le « couloir de la chimie » sur la sellette
Les eaux glacées du calcul égoïste, 28 aout 2007.
Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 30 aout 2007.
Le pyralène, poison des poissons du Rhône
Rue 89, 1er septembre 2007.
Pollution du Rhône : la video qui accuse
Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 septembre 2007.
Pollution du Rhône : questions sans réponses
Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 septembre 2007.
A SONG :