Moins d’une semaine après la tenue de la seconde Conférence environnementale, le ministère de l’Ecologie a rendu publique le vendredi 27 septembre, un exploit, la « feuille de route » censée incarner les réformes mirobolantes qui vont permettre à la « transition écologique » de se déployer… Pour la politique de l’eau (comme pour le reste...), une douche froide. Rien, le néant absolu. La France n’a plus de politique de l’eau.
La Conférence environnementale avait été négociée par FNE avec le candidat à la présidentielle François Hollande (*).
La première Conférence, à l’automne 2012, rejouait le Grenelle en pleine bourrasque de rentrée pour le gouvernement, nous lestant au passage de "l’Agence française pour la biodiversité", prochain accident industriel d’un quinquennat qui n’en a aucunement besoin.
Ensuite tout est allé de mal en pis. Avant même l’éviction de Delphine Batho, ce sont le ministère de l’Agriculture et Matignon qui ont préempté l’écologie, et l’eau, et l’on sait depuis belle lurette que tout çà, « ça commence à bien faire »…
Ensuite, çà n’a pas traîné, Philippe Martin réhabilite l’irrigation et y gagne un maroquin. Va pouvoir continuer à se ronger les ongles à côté de la cheftaine de "La Firme"...
Coup de génie l’intronisation du Conseil national de la transition écologique (CNTE) le 11 septembre dernier a reproduit, en pire (Merci NKM), les travers du « dialogue environnemental » sauce Grenelle.
Pour la table ronde sur l’eau, ça donne 60 « parties prenantes », dont chacune aura droit à deux minutes de temps de parole.
Pas grave, le résultat final a été écrit une semaine plus tôt à l’interministériel.
La « table ronde » sur l’eau était présidée par deux ministres.
Stéphane Le Foll : « Les contraintes budgétaires ne le permettent pas ».
Pascal Canfin : « Excusez- moi, mais je n’y connais rien… »
Les « cahiers de propositions » du collège de la société civile (hormis FNE, Que Choisir et la CLCV, pour des raisons historiques contingentes, si bienvenues), étaient un accablant tissu de niaiseries totalement à côté de la plaque.
L’armée des lobbies omniprésents (à la Table ronde sur l’eau de la Conférence environnementale, pour le MEDEF, Olivier Brousse, DG de la SAUR, pour la CGE-CFC, un cadre de Veolia, etc, etc.), tient une ligne simple : non à tout. Non aux contraintes environnementales, non à la fiscalité écologique, non à la gouvernance rénovée, non aux mesures agro environnementales. NON.
Reçu 5 sur 5.
Les travaux de la quinzaine de groupes de travail mobilisés sur la réforme de la politique de l’eau depuis six mois, les centaines d’auditions, les milliers de pages de rapports : poubelle.
On va continuer comme avant, en mieux, c’est-à-dire en pire.
Les lobbies partout, l’administration à genoux, le politique absent, et pire incompétent, la « société civile », bafouée, outragée, méprisée, et pas prête d’être libérée, tant elle se précipite sourire aux lèvres, et badge autour du cou, dans les rets de la servitude volontaire.
Désintérêt, routine, aveuglement, népotisme et rente nous conduisent à l’abîme, perspective qu’une machinerie politico administrative dévoyée nie avec obstination.
Mais le « Village Potemkine » français de l’eau ne fait plus illusion à Bruxelles, qui va multiplier les poursuites contre une France qui ne tient aucun de ses engagements communautaires.
Discrètement, Bercy a déjà provisionné 400 millions d’euros pour faire face aux condamnations inévitables qui vont intervenir dans les toutes prochaines années. Directive nitrates, Directive eaux résiduaires urbaines, Directive-cadre sur l’eau, demain Directive eaux marines… Au total les amendes pourraient dépasser le milliard et demi d’euros…
Réaction ? Déni et « bunkerisation ».
Et ce n’est pas en infiltrant deux anciens de la DEB, as "experts" détachés de la Commission, que l’enfumage va sauver le "rapportage" des zozos de l’ONEMA et de l’OIEau.
La France n’a plus de politique de l’eau.
La célèbre adresse de Churchill reste furieusement d’actualité : " Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. "
(*) Partenaire officiel de l’écolo-tour, FNE, ouvertement cocufiée par "Mollet canal historique", ne sait plus comment sortir de la nasse. Elle a déjà signé des "partenariats" (d’avenir ?) avec Suez et Veolia. Comme Gazprom n’a pas encore franchi la ligne Maginot, les marges de progression se réduisent comme peau de chagrin.
Lire aussi :
- Six ONG et la CGT rejettent la "feuille de route verte" du gouvernement
Temps réel, Le Nouvel Observateur, 1er octobre 2013.
Le Communiqué de FNE :
Mercredi 2 octobre 2013
Conférence environnementale : une feuille de route transparente…
"Le gouvernement vient de publier la feuille de route issue de la conférence environnementale 2013. Après les discours décevants du président de la République et du Premier ministre, FNE attendait beaucoup de cette feuille de route. Pas d’engagements forts, pas d’objectifs clairs, pas de calendrier de mise en œuvre... La déception est encore au rendez-vous.
Des mesures recyclées pour l’économie circulaire
Pour initier les premières étapes de l’économie circulaire, nous saluons l’annonce de la conférence de mise en œuvre mais beaucoup des mesures annoncées pour cette table ronde ne sont en fait que du « recyclage ». La feuille de route annonce que seuls les déchets non valorisables pourront aller en décharge. A noter que cela figure déjà dans la loi de juillet … 1992 ! Quant aux questions stratégiques d’un fonds de soutien aux entreprises pour développer l’économie de la prévention (éco-conception, réemploi, réparation, fonctionnalité, re-fabrication) et, parallèlement de la courbe de progression de la TGAP (1) déchets, vrai levier en faveur de la prévention et de l’économie circulaire, elles sont encore mises sous le tapis…
Emplois : pas de passerelle
L’enjeu principal de cette table ronde était de trouver un moyen d’inscrire un dialogue dans le temps entre les instances de l’emploi et la formation et les acteurs environnementaux. La feuille de route prévoit bien un accompagnement des emplois émergents, mais au sein de la Conférence Nationale de l’Industrie, où les associations de protection de la nature et de l’environnement ne sont pas représentées. Une fois de plus, le compte n’y est pas.
Eau : toujours pas d’application du principe « pollueur/payeur »
Cette feuille de route ne contient aucune avancée en faveur de la fiscalité écologique qui doit favoriser une plus grande application du principe préleveur / pollueur / payeur, faisant fi des positions exprimées majoritairement en ce sens lors de la table ronde. De la même manière, la feuille de route annonce la poursuite des programmes des agences de l’eau pour lutter contre les pollutions diffuses alors que le PLF 2014 vient de couper le budget de ces mêmes agences. Avec de telles mesures, FNE ne voit pas bien comment la France va atteindre les objectifs de la Directive Cadre sur l’Eau prévus pour 2015. Ce sont donc le contribuable et l’usager des services publics d’eau et d’assainissement qui continueront de payer la facture pour la dégradation de l’eau, dont la qualité, par ailleurs, reste très médiocre dans le milieu naturel.
Mer et océans : parcs marins en rade
Nous regrettons l’absence d’annonce concernant la création dès 2014 des parcs naturels marins du Bassin d’Arcachon, et de l’estuaire de la Gironde et des Pertuis charentais. Ces deux parcs sont pourtant finalisés depuis plus d’un an et n’attendent plus que leur décret de création ! Pas d’objectif clair non plus pour la diminution des pollutions en mer, alors que la France doit parvenir au bon état de ses eaux marines en 2020 conformément à la directive européenne pour le milieu marin.
Education : comprendre le vivant n’est pas une priorité
Alors que le travail préparatoire avait été concerté et confirmé par les échanges de la table-ronde, la feuille de route contient peu de mesures concrètes, pour ne pas dire rien sur la biodiversité, alors que c’est un enjeu majeur que de rendre les citoyens sensibles à cette thématique. Rien non plus sur les coopérations et l’action des ONG, rien sur le grand public et les citoyens, rien sur le monde de l’entreprise. Beaucoup des mesures proposées sont en fait la mise en œuvre de mesures déjà prévues par ailleurs. L’urgence environnementale est là et l’EEDD est transversale à l’ensemble des problématiques.
Bruno Genty, président de FNE, conclut : « Sur la grande majorité des sujets, la rédaction ne dépasse pas les bonnes intentions déjà maintes fois affichées. FNE demande, avec d’autres acteurs de rediscuter la feuille de route et de sa mise en oeuvre. Plus globalement FNE demande avec force une nouvelle méthode permettant un véritable dialogue entre les parties prenantes. »
(1) Taxe Générale sur les Activités Polluantes