A la faveur d’une réponse ministérielle à une question parlementaire, on imaginera aisément combien l’ingénierie réglementaire de nos administration centrales précipite à une vitesse grand v les collectivités locales concernées dans un gouffre qu’envahiront inévitablement les tempêtes à venir…
- La question écrite n° 13948 de M. Olivier Paccaud (Oise - Les Républicains-R), publiée dans le JO Sénat du 23/01/2020 - page 380 :
« M. Olivier Paccaud attire l’attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la politique de gestion du risque d’inondation.
Conséquence de la loi n° 2014–58 du 27 janvier 2014 (loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles - « MAPTAM »), le décret n° 2019–715 du 5 juillet 2019 statue sur des principes applicables aux prochains plans de prévention des risques d’inondation (PPRi).
Ce texte impose que les digues de protection soient systématiquement classées en zones d’aléa « très fort », supposant qu’aucune construction nouvelle ne pourra être acceptée.
Ces bandes, d’une largeur de cent fois la hauteur de digue, gèlent de larges territoires, même s’il est possible d’en diminuer l’emprise au sein des études de danger.
Avant cette publication, la réglementation ne visait que des digues d’une hauteur atteignant au moins 1,50 m en pied en un point de leur linéaire (décret n° 2015–526 du 12 mai 2015).
Or, le décret n° 2019–895 du 28 août 2019 a abrogé ce seuil de sorte que tout ouvrage de protection, quelles que soient sa hauteur et la population protégée, devient un système d’endiguement à classer.
Comment expliquer aux riverains que les contraintes à l’urbanisation dans les zones protégées seront dorénavant très supérieures à ce qu’elles seraient en l’absence d’ouvrage de protection ?
Lorsque le risque d’inondation se limite à quelques décimètres, le zonage usuel en l’absence d’ouvrage relève de l’aléa « faible », autorisant les constructions moyennant une rehausse du niveau de plancher.
En présence d’une digue de protection classée, inspectée par des bureaux d’études agréés, obligatoirement entretenue par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au titre d’une compétence obligatoire, les règles d’urbanisation gèlent l’existant au motif qu’une rupture est possible.
Outre qu’elle soit improbable, le risque en de telles circonstances ne porte pas sur l’aggravation du dommage (puisqu’il y aurait rehausse de plancher) mais sur le caractère soudain de l’inondation pouvant conduire à des noyades.
Au lieu de s’appuyer sur des principes d’inconstructibilité systématique, il souhaite savoir si certaines zones pourraient plutôt être visées par des dispositions d’information, de surveillance, d’alerte voire d’évacuation préventive en situation critique. En effet, l’actuelle disposition ne réduit pas le risque sur la vie humaine des habitants en place. Imposer une articulation avec les plans communaux de sauvegarde (PCS) serait bien plus pertinent. »
- La réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire, publiée dans le JO Sénat du 09/07/2020 - page 3192 :
« L’attention du Gouvernement a été appelée sur les conséquences de la présence de digues dans l’établissement des zonages réglementaires des plans de prévention des risques naturels concernant les « aléas débordement de cours d’eau et submersion marine ».
Le décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 qui est relatif aux plans de prévention des risques d’innondation (PPRI) impose la prise en compte systématique de l’aléa dans les zones inondables protégées par des digues.
En effet, ces ouvrages ne sont jamais infaillibles.
Le décret précité demande en complément la détermination d’une bande de précaution derrière ces ouvrages pour tenir compte des risques aggravés que génère toute rupture de digue sous l’effet d’un aléa excédant sa capacité de protection.
En effet, les personnes situées au niveau d’une brèche ou dans le chemin emprunté par les eaux à l’occasion d’une rupture sont mises en danger par l’importance du volume d’eau se déversant et par la brutalité du phénomène, la vitesse de l’écoulement étant bien supérieure à celle correspondant à une montée des eaux sans digue.
Face à ce danger élevé, le décret ne fait que reprendre les bonnes pratiques déjà inscrites dans les circulaires appliquées par les services du ministère.
La réglementation afférente aux digues dorénavant organisées en systèmes d’endiguement, instaurée par les décrets n° 2015-526 du 12 mai 2015 et n° 2019-895 du 28 août 2019, n’a pas eu pour conséquence de rendre plus restrictifs les plans de prévention « aléas débordement de cours d’eau et submersion marine ».
En premier lieu, la suppression de la mention d’un seuil de hauteur de digue (1,50 mètre), qui existait avant le décret n° 2019-895 du 28 août 2019, est une simple clarification de la règle de droit, sans obligation nouvelle pour les autorités qui exercent la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (compétence GEMAPI) dès lors que la pérennisation de la digue est décidée par la collectivité, ce qui n’est pas une obligation dans le cadre du principe de libre administration des collectivités.
En outre, pour les digues de moins de 1,50 mètre de hauteur qui seront pérennisées sous la forme d’un système d’endiguement, il convient de noter que la réglementation applicable en matière de zonage pour les plans de prévention des risques « aléas débordement de cours d’eau et submersion marine » tient compte d’un risque moindre pour la détermination de la bande de précaution évoquée plus haut.
En effet, si la règle générale fixe cette largeur de bande à 100 fois la hauteur de la digue avec possibilité de la restreindre à 50 mètres sur la base d’informations techniques objectives statuant de la solidité de l’ouvrage, dans le cas où la digue a une hauteur inférieure à 1,50 mètre, ce minimum est fixé à 33 fois la hauteur de la digue.
Enfin, il convient de rappeler que si la présence d’un endiguement n’efface pas les risques dans les zones inondables, la représentation cartographique associée à un plan de prévention des risques « aléas débordement de cours d’eau ou submersion marine » fera apparaître, à titre informatif, les zones protégées par un système d’endiguement dont le niveau de protection est au moins égal à l’aléa de référence.
Dans ces zones protégées, le règlement déterminant les limitations au droit de construire pourra prévoir, sous conditions, que certaines exceptions soient autorisées. En particulier, le renouvellement urbain, dès lors qu’il permet une réduction de la vulnérabilité, est possible. »