Après une thèse d’ingénieur docteur soutenue en 1974, et durant 38 ans de carrière universitaire à Montpellier, Michel Desbordes a été membre de multiples commissions interministérielles sur la question de l’assainissement urbain et des inondations. Il avait présenté une remarquable analyse historique sur le sujet (voir en fichier joint ci-après), à l’occasion du colloque « Quel avenir pour la gestion durable des fleuves et rivières de France », organisé les 5 et 6 octobre 2009 à Périgueux par l’Association française des établissements publics territoriaux de bassins.
Extrait
« (…)
En matière d’hydrologie, quelque soit l’équipement envisagé, se pose le problème de l’évaluation des variables de projet autorisant le calcul des dimensions de cet équipement (4) (8). Les précipitations à l’origine des écoulements ayant, au regard de nos connaissances, un caractère aléatoire dans le temps et l’espace, le calcul des dimensions des équipements repose sur l’estimation de leur risque de défaillance en terme de fréquence ou période de retour de ce risque. La première difficulté réside donc, bien sûr, dans le choix de cette variable de projet. Une approche rationnelle voudrait qu’il s’appuyât sur des considérations socioéconomiques analysées par la voie de la recherche opérationnelle. En réalité, s’agissant d’événements peu fréquents à rares, qui plus est mal connus, cette approche tentée de temps à autre, principalement par des chercheurs, s’est révélée peu fructueuse en raison de la rareté des données fiables relatives aux coûts des dommages directs et indirects. Les périodes de retour de projet ont donc été plus imposées par des considérations « administratives » ou juridiques, voire par l’habitude ou par des « dires d’experts » aux connaissances imparfaites. Ainsi, en matière d’assainissement pluvial urbain, la sacro-sainte fréquence décennale fut érigée en principe inaltérable au fil des ans jusqu’à un passé récent. Certes, les rédacteurs indiquaient avec prudence, dans la dernière instruction technique (1977, page 22) : « Il est souvent admis a priori qu’il est de bonne gestion de se protéger du risque de fréquence décennale. Cependant, un degré moindre pourra être considéré comme acceptable par le maître d’ouvrage dans les zones modérément urbanisées et dans les zones où la pente limiterait strictement la durée des submersions (…). En sens inverse, dans les quartiers fortement urbanisés et dépourvus de relief, le maître d’ouvrage n’hésitera pas à calculer des collecteurs principaux en vue d’absorber les débits de période de retour 20 ans, voire 50 ans, même à de tels intervalles, des inondations étendues et prolongées compte tenu de la longévité des ouvrages et de l’accroissement continuel du coefficient de ruissellement ». Plus encore, au chapitre 1 de cette instruction, paragraphe 1.4.00 « La pluviométrie de la région », les rédacteurs écrivaient : « Il est donc inévitable d’accepter des insuffisances occasionnelles pour les ouvrages du réseau et d’en mesurer les conséquences (…) et en examinant les cheminements de l’eau en cas d’insuffisance des réseaux ». Cette modularité de la période de retour de projet eut cependant du mal à être appliquée en raison du poids des habitudes techniques et des questions de jurisprudence, mais également de l’absence d’outils de simulation permettant de juger rapidement des conséquences d’un choix donné. Il en fut de même de l’examen des chemins de l’eau en cas d’événement de fréquence plus rare que celle de la fréquence de projet. Ces outils existent aujourd’hui, depuis peu il est vrai, mais leur utilisation demanderait des durées et des coûts d’études beaucoup plus importants, de plus en plus mal acceptés par les maîtres d’ouvrage en raison de la concurrence des sociétés d’ingénierie, même si ces coûts sont généralement dérisoires au regard de ceux des travaux engagés ou des dégâts résultant de défaillance significative des ouvrages. Aujourd’hui, la tendance est à l’accroissement des périodes de retour de protection des travaux neufs, ne serait-ce que pour compenser certaines erreurs du passé ou l’augmentation des coefficients de ruissellement résultant de la densification des secteurs déjà construits. »
(*) Michel DESBORDES, Professeur Honoraire, Polytech’Montpellier, Université Montpellier 2.