Figure française du droit à l’eau, Henri Smets, ancien haut fonctionnaire de l’OCDE, président de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement (Adede) et membre de l’Académie de l’eau, vient d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice qu’il construit depuis des années en se mobilisant pour la promotion du droit à l’eau. Il a en effet présenté, lors d’une audition organisée le 29 avril 2009 à Genève par le Haut-commissariat aux Droits de l’homme de l’ONU, un nouveau plaidoyer, dédié cette fois au « Droit à l’assainissement en France ». Une remarquable synthèse, qui souligne à l’envi combien nous sommes encore loin de voir ce concept, qui fait pourtant figure d’évidence, traduire pleinement ses effets…
L’actualité récente a rappelé combien le concept générique du « droit à l’eau » faisait encore débat, après la déception enregistrée au dernier Forum mondial sur l’eau d’Istanbul, lors duquel la promotion de ce droit, défendu par la délégation française, n’a pu emporter l’adhésion de la majorité des délégations présentes.
Or la France affirme toujours qu’elle entend en assurer la promotion, si l’on en croit la réponse de Mme Chantal Jouanno, actuelle secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, à la question que lui avait posé M. Michel Bouvard, député (UMP), qui a été publiée par le Journal Officiel, dans son compte-rendu intégral de la séance de l’Assemblée nationale du 24 mars 2009 :
M. Michel Bouvard :
« Madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, vous étiez, avec Jean-Louis Borloo, au cinquième Forum mondial de l’eau, qui s’est achevé samedi. Ce forum a été l’occasion de rappeler les approches françaises en matière de gestion de l’eau dans le monde – approche de bassin, nécessité de se préoccuper à la fois de l’accès à la ressource et de sa préservation.
Il a aussi été l’occasion de montrer le savoir-faire des grandes entreprises françaises exportatrices dans le domaine de la gestion de l’eau.
L’enjeu de cette conférence était l’inscription dans sa déclaration finale du droit d’accès à l’eau, enjeu mondial, en particulier pour les pays du Sud, mais aussi moyen de limiter les conflits dans le monde. Malgré les efforts déployés par la délégation française, ce droit d’accès à l’eau n’a pu être inscrit dans la déclaration finale, et vous en avez, madame la secrétaire d’État, exprimé le regret.
Aujourd’hui, quelles initiatives comptez-vous prendre pour continuer à faire progresser cette idée, pour que la position de la France devienne européenne – ce qu’elle n’a été que partiellement à l’occasion de cette conférence –, pour permettre à tous ceux qui, dans le monde, n’ont pas cet accès à l’eau essentiel de vivre mieux, pour limiter les conflits ?
.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie :
« Ce forum a donné quelques satisfactions, et d’abord la participation : 29 000 participants, ONG, collectivités, parlements. Ensuite, de multiples conventions ont été signées, des principes ont été reconnus : assainissement, lien entre eau et climat, lien entre eau et énergie. Nous sommes déçus, il est vrai, que le droit d’accès à l’eau n’ait pas été intégré dans la déclaration finale des ministres. Nous avons conduit ce débat, ce combat même, nous ne l’avons pas gagné.
Mais nous allons le poursuivre dans l’enceinte des Nations unies, car nous sommes convaincus que le droit d’accès à l’eau est le socle de l’ensemble des droits de l’homme. Nous allons le poursuivre auprès des États-Unis. Nous allons le poursuivre pour le prochain Forum mondial de l’eau, qui aura lieu dans trois ans, je l’espère en France, puisque nous sommes candidats à son organisation. Nous allons le poursuivre également avec les ONG. Nous ne lâcherons pas sur le droit d’accès à l’eau. »
Le droit à l’assainissement en France : une promesse inachevée
Tout cela est bel et bien bon. Enfin presque, car on notera combien la promotion du « droit à l’eau » flirte volontiers avec le désir de témoigner de l’excellence des grandes entreprises françaises du secteur…
Mais plutôt que d’enfoncer des portes ouvertes, vérifions en prenant connaissance du mémoire d’Henri Smets, combien, en France même, aujourd’hui, le « Droit à l’assainissement » demeure encore hélas trop souvent une promesse inaboutie.
Un salutaire rappel à l’ordre qui tempère les envolées lyriques du MEEDDAT, par trop enclin à peindre de couleurs chatoyantes un « village Potemkine », dont les seuls dossiers DERU et ANC attestent les coupables faiblesses…
Lire aussi :
Pour un droit à l’eau effectif
Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 mars 2007
Droit à l’eau : le rôle des municipalités et des collectivités territoriales
Les eaux glacées du calcul égoïste, 31 mars 2007
Droit à l’eau : un tribunal administratif valide un arrêté « anti-coupures »
Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 juin 2007
Belgique/France : deux approches du service public de l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 juin 2007
Tarification sociale de l’eau, le combat continue
Les eaux glacées du calcul égoïste, 27 juin 2007
Tarification sociale de l’eau : le rapport étudié par la FNCCR
Les eaux glacées du calcul égoïste, 3 juillet 2007
Droit à l’eau : les ambiguïtés françaises
Carnets d’eau – Le Monde diplomatique, 11 octobre 2007
Gestion de l’eau (5) : les pauvres et l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 7 mai 2008
La tarification sociale de l’eau, mode d’emploi
Les eaux glacées du calcul égoïste, 1er janvier 2009
Polémique sur la tarification sociale de l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 janvier 2009
Tarification sociale de l’eau : un mémoire de fin d’étude à l’échelle du basin Seine-Normandie
Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 mars 2009
Plaidoyer pour le droit à l’assainissement en France, par Henri Smets
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 mai 2009
A SONG :