Le calendrier initial était déjà une gageure. A l’image de la cessation des travaux des chantiers des 68 gares du Grand Paris Express, ceux des infrastructures olympiques prévues en Seine-Saint-Denis sont à l’arrêt, sans qu’aucune date de reprise ne puisse être fixée. Mais il y a pire encore. M. Jean Castex, délégué interministériel aux JO s’est vu confier dans l’urgence le 3 avril dernier par le Premier ministre l’organisation du déconfinement, soit la “sortie de crise” du coronavius. Les Jeux Olympiques n’auront pas lieu dans la capitale en juillet 2024.
Les dizaines de milliers de carnassiers compradores et la horde de mercenaires stipendiés quêtant leurs libéralités qui s’apprêtaient à insulter le peuple en le noyant sous “le pain et les jeux” numérotent leurs abattis. La soupe populaire se profile.
La Nouvelle classe qui communie dans l’adoration éperdue de « l’attractivité des territoires » et du « marketing territorial » : urbanistes, architectes, paysagistes, designers, économistes, statisticiens, écologues, prospectivistes, Chief executive officers de filiales délocalisées de géants du BTP, des transports, des « multi-utilities », juristes, experts comptables, spécialistes de l’événementiel, catéchumènes de la Responsabilité sociale des entreprises, bureaux d’études en « smart cities » et « open data », entreprises de sécurité privées, start-up écolos de la circulation douce et de la transition énergétique, brokers de quinoa « responsable », tenanciers d’échoppes de co-working, Thénardier de fablabs et Joanovici de l’économie circulaire, publicitaires éco-responsables et autres gourous de la remédiation 3.0 des territoires délaissés de la République ne vont donc pas tarder à se retrouver sur le sable, lors même qu’après le « Grand Paris », les JO s’annonçaient comme le rêve absolu à la hauteur de leur rapacité sans égale.
Las, respectant les consignes gouvernementales, la Société du Grand Paris (SGP), a décidé le 17 mars 2020 de suspendre les chantiers du Grand Paris
express dont elle est maître d’ouvrage. Le temps de sécuriser les travaux, de s’organiser et de s’adapter. La reprise s’effectuera au cas par cas en lien avec les entreprises concernées…
Itou pour la Solideo, l’ahurissante société d’économie mixte au fonctionnement extravagant, supposée « livrer » les équipements des JO. Et qui n’a à ce jour bien évidemment "livré" quoi que ce soit à qui que ce soit (tic-tac-tic-tac, au delà de cette limite votre contrat n’est plus valable...).
En réalité la suspension des travaux suscite déjà d’inquiétantes tensions entre les maîtres d’ouvrage et les entreprises, comme le relatait le Journal du Grand Paris le 9 avril :
https://www.lejournaldugrandparis.fr/suspension-des-chantiers-qui-paiera/
Mais pour mesurer toute l’ampleur du cauchemar à venir - si d’aventure la folie JO survivait au Corona, et vous aurez compris que nous n’y croyons pas une seconde -, il faut revenir sur l’opération politicienne dans laquelle Anne Hidalgo s’est particulièrement illustrée, avec, par exemple, les mensonges éhontés sur les « baignades en Seine », dont nous dénonçons continument depuis 2016 l’inanité.
Ad libitum sur le "Cluster des medias", le "Village Olympique" et autres crétineries du même tonneau labellisées COJO, CIO, et toute la clique...
L’intendance suivra…
Mme Anne Hidalgo, après en avoir dans un premier temps rejeté l’idée, décidait en 2015 de présenter la candidature de Paris aux JO de 2024. Avant même l’attribution effective des jeux à Paris en 2017 la Ville va en populariser le concept en organisant chaque été des baignades « libres », mais encadrées au bassin de la Villette, alimenté en eau par le canal de Saint-Denis. A l’occasion se déploie surtout un véritable matraquage publicitaire qui prend quelques libertés avec la réalité.
Arguant de progrès « considérables » obtenus en matière de qualité de l’eau, la Ville n’hésite dès lors pas, s’appuyant sur plusieurs associations de fanas de la nage en eau libre, à balayer les questionnements et inquiétudes de nombre d’observateurs et praticiens qui savent pertinemment que la Seine est très loin d’atteindre les critères requis pour pouvoir revendiquer une qualité « d’eau de baignade », telle que définie par la Directive européenne du même nom.
Qu’importe, les medias s’extasient et c’est l’essentiel. Même si le divertissement festif et populaire doit être interrompu chaque été à chaque orage, qui rejette dans la Seine son lot de polluants charriés par les eaux pluviales rejetées dans le fleuve…
C’est le principe fondateur de notre affaire, son péché originel : l’intendance suivra… Sauf que non, elle ne pourra pas suivre, car la menace qui pèse sur les compétitions en « eau libre » entre le Trocadéro et l’Alma en juillet 2024 est multiforme, et engage pour la réduire à la réalisation de travaux colossaux, pour un coût qui l’est tout autant, évalué à 1 milliard et demi d’euros, que la multitude d’acteurs concernés, la ville de Paris, le SIAAP, les départements de la petite couronne, l’Agence de l’eau Seine Normandie…, n’ont pas les moyens de débloquer dans des délais de surcroît extrêmement contraints.
Le triomphe des Shadocks
La ville de Paris n’en affiche pas moins un volontarisme de façade, et multiplie les annonces fracassantes, comme celle d’édifier un nouveau gigantesque tunnel réservoir en amont de la Tour Eiffel, pour augmenter les capacités de celui édifié en 2010 entre Bercy et Masséna. TIMA 1 et 2, de gigantesques tunnels réservoirs, dont la construction a duré plus de 5 ans, et qui ont coûté près de 200 millions d’euros jouent un rôle de « tampons » et accueillent des quantités considérables d’eau de pluie à chaque orage, qui sinon se déverseraient directement dans le Seine. Acheminées jusqu’au colossal bassin enterré des Cormailles à Chevilly-Larue dans le Val-de-Marne, ces eaux pluviales rejoignent ensuite l’usine de Valenton du SIAAP où elles sont partiellement dépolluées, avent d’être à nouveau rejetées dans la Seine en amont de Paris…
Sauf que le dispositif n’a jamais donné entièrement satisfaction. Il est pratiquement à l’arrêt 7 mois par an et doit être curé des quantités considérables de sables qui s’y accumulent. Et manque de chance, le bassin des Cormailles de Chevilly-Larue a subi des graves dégâts au printemps 2019 après une inondation…
Mais qu’importe, la Ville s’entête et annonce vouloir construire un nouveau tunnel réservoir, d’abord sous le Jardin des Plantes, puis en aval de la Salpétrière, au grand dam du Museum d’Histoire Naturelle et de l’APHP que maintes algarades opposeront à la Ville qui finira par enterrer ces projets ubuesques.
Un « Plan pluie » largement inopérant
La loi sur l’eau de 1992 a imposé aux collectivités locales françaises d’adopter un « zonage pluvial », instrument de programmation opposable aux tiers, qui réglemente notamment le volume des rejets d’eaux pluviales qu’un promoteur est autorisé à effectuer dans les réseaux ou sur le voie publique.
Le Conseil de Paris n’a adopté ce zonage pluvial, dont l’élaboration a débuté dans le courant des années 2000, qu’à l’automne 2018 ! L’enquête publique qui l’avait précédé, à savoir la consultation du projet par le public dans chaque mairie d’arrondissement et le recueil d’éventuelles observations, n’avait pas enregistré une seule observation d’un seul Parisien ! Un record absolu en la matière.
Mais il y a mieux. Comme l’a établi une thèse soutenue en décembre 2019, consacrée à la gestion des eaux pluviales urbaines dans l’agglomération parisienne (1), le sous-sol de la capitale ne permet pas, à raison de la présence des anciennes carrières de gypse qui minent toute sa moitié nord-est, d’y infiltrer les eaux de pluie. Qui rejoignent donc les réseau d’égouts dit « unitaires » de la capitale (qui accueillent indifféremment eaux usées et eaux de pluie), avant que de les rejeter dans la Seine après leur traitement dans les stations d’épuration du SIAAP…
La « Task Force » du préfet Cadot
Il aura ensuite fallu attendre le 12 juillet 2019 pour voir l’Agence de l’eau Seine-Normandie adopter une délibération qui acte la création d’une Task Force pilotée par le Préfet de région Michel Cadot (2), groupe de pilotage qui signera formellement son engagement à rendre la Seine « baignable » en 2024, en novembre 2019.
– Le sous-groupe n°1 « priorisation des rejets », piloté par le SIAAP (GT1) vise à mettre en place un traitement bactériologique des eaux usées à la sortie des stations d’épuration ;
Les stations d’épuration (Step) permettent bien d’abattre 99 % des bactéries fécales mais, sur le 1 % restant, « un litre d’eau rejetée dans le milieu pollue 10 mètres cubes (soit 10 000 litres) du cours d’eau au plan bactériologique », signalait en 2016 Jacques Olivier, DG du SIAAP.
Traiter cette pollution résiduelle est relativement aisé par temps sec. En amont de Paris, le SIAAP pilote deux stations d’épuration : l’une sur la Marne, à Noisy-le-Grand, l’autre sur la Seine, à Valenton. La première (dite « Marne-aval ») était dotée d’une unité de désinfection par UV à sa mise en service, en 2009. S’avérant dispendieuse (150 000 euros par an de facture d’électricité), en l’absence de baignade alentour, elle a été mise en sommeil en 2013 et pourrait être réactivée. Resterait encore à équiper Valenton, pour une fourchette de coût grossièrement évaluée par le SIAAP en 2016 entre 50 et 80 millions d’euros.
Il était donc envisagé, comme annoncé publiquement à plusieurs reprises d’équiper Valenton d’un traitement complémentaire par UV. Cette option est-elle toujours d’actualité ? A quelle échéance et pour quel coût actualisé ? Il semble que non, avec le choix du SIAAP à l’automne 2019 (contre la volonté de Paris !) de l’acide performique (voir ci-après).
– Le sous-groupe « suppression des mauvais branchements », est piloté par le Conseil départemental du Val de Marne (GT2) :
Il s’agit principalement de créer les réseaux d’assainissement manquants et de résoudre les erreurs de branchements des immeubles dont les eaux usées se déversent dans le réseau d’eau pluviale, et réciproquement, pour aboutir ensuite dans les cours d’eau ;
Les études conduites depuis plusieurs années conduisent à estimer que les mauvais branchements du Val-de-Marne, en amont de Paris, sont à l’origine de 80% de la pollution bactériologique de la Seine dans Paris intra muros.
Selon les estimations rendues publiques, ces mauvais branchements seraient au nombre de 50 000 à 100 000 pour le seul département du Val-de-Marne ! Qui en a au mieux réparé quelques centaines chaque année depuis une dizaine d’années.
Aucun instrument réglementaire ne permet de faire mieux. Sur ce seul poste le budget des mises en conformité est évalué à près de 300 millions d’euros dont personne ne dispose aujourd’hui.
– Le 3ème sous-groupe « gestion des eaux pluviales », piloté par le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis (GT3) a pour objectif de maîtriser les rejets de temps de pluie des réseaux d’assainissement. Il s’agit principalement de réduire les apports d’eaux pluviales dans ces réseaux et d’améliorer leur gestion pour limiter les déversements d’un mélange d’eaux usées et d’eaux pluviales.
La ville de Paris, nous l’avons vu, n’a formellement adopté un « zonage pluvial » qu’en 2018… Il s’agit d’un ensemble de mesures destinées à réduire l’apport des eaux de pluie dans les réseaux. Mais Paris est la capitale la plus minéralisée (bétonnée) d’Europe. Il faudrait désimperméabiliser le sol, mais tout le monde s’y oppose : les services de la voirie, la RATP, les promoteurs… L’espoir de gagner en capacité d’infiltration dans Paris intra-muros est-il donc vain ?
– Le quatrième sous-groupe « bateaux et établissements flottants », piloté par HAROPA-Ports de Paris (GT4) vise à traiter les sources locales de pollution, en supprimant les rejets d’eaux usées des bateaux.
Les 200 bateaux d’habitations présents dans Paris intra-muros ne représentent (eaux noires + eaux grises) que 2 à 3% de la pollution bactériologique enregistrée dans la Seine à Paris. Haropa-Ports de Paris veut pourtant à toute force imposer la création de stations de raccordement au réseau d’assainissement sur les berges, pour un coût unitaire de 200 000 euros, ce qui imposerait à chaque propriétaire des travaux d’aménagement intérieur pour un coût de 40 000 euros ! Pourquoi Haropa refuse-t-il les solutions alternatives (toilettes sèches et phyto-épuration sur radeau flottant) développées par l’association des propriétaires de bateaux-habitation ?
En fait les bateaux-logements s’ils ne polluent qu’à la marge, ont délibérément été « ciblés » par l’ajout d’un paragraphe dans la « loi JO », manière de désigner un bouc émissaire facile alors que l’ensemble des acteurs sont dans l’incapacité d’atteindre la qualité baignade à l’Alma en juillet 2024.
– Enfin, le 5ème sous-groupe « amélioration de la connaissance » portant sur la qualité des cours d’eau en vue de la baignade, est piloté par la Ville de Paris (GT5).
La baignade dans la Seine demeure interdite par un arrêté préfectoral de 1923 toujours en vigueur. La directive européenne « baignade » stipule que l’obtention du label qualité baignade est subordonné à l’établissement d’un « profil ». Celui-ci est établi via une campagne de mesures approfondies d’une durée de 4 ans avant l’obtention dudit label. Aucun facteur déclassant (présence d’Escherichia coli ou d’entérocoques fécaux supérieure aux normes) ne doit être enregistrée durant ces 4 années.
Qui va conduire cette campagne de mesures ?
Que se passera-t-il si avant 2024 des dépassements sont enregistrés, comme c’est le cas aujourd’hui à chaque orage, une cinquantaine de fois par an ?
Dans une réponse à une enquête parue dans l’Equipe Magazine le 11 janvier 2020, le cabinet de l’adjointe au maire de Paris en charge de l’eau expliquait ingénument comment « aménager » les obligations de quatre années de suite de prélèvement non déclassants pour l’obtention du label « eau de baignade » !
Désinfecter la Seine ?
Le chimiste finlandais Kemira commercialise depuis 2013 le procédé « DesinFix » pour la désinfection des eaux usées. Cette solution nécessite la production in situ d’acide performique dit « Dex », un oxydant très puissant mais instable, qui élimine les bactéries par réaction radicalaire.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_méthanoïque
Les deux précurseurs, à base de peroxyde d’hydrogène et d’acide formique, doivent donc être mis en contact directement dans la station d’épuration pour initier la réaction.
Enregistrés par la directive Biocides, ces composés sont autorisés en désinfection des eaux usées par le ministère de l’Environnement.
Le SIAAP envisage-t-il sérieusement cette seconde option alors que la solution Kemira n’a été implantée en France en vraie grandeur qu’à Biarritz, dans un cadre qui demeure largement expérimental, dans le cadre d’un suivi de l’IFREMER ?
La réforme introuvable du “Grand Paris”…
C’était une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron. Elle s’est fracassée sur la realpolitik. Sans cesse annoncée, toujours différée, elle n’a jamais eu lieu. Gilets jaunes, réforme des retraites, fronde permanente des élus locaux, mais surtout résistance farouche des “grands élus” franciliens, barons locaux acagnardés dans leurs bastions, qui n’entendaient aucunement abandonner pouvoir, ressources (considérables), clientèles, qui le sont tout autant, aux playmobil de la Macronie.
Un temps, l’an dernier, avant les municipales, certains de nos grands barons LR, dans les Hauts-de-Seine surtout, ont semblé pactiser avec la Macronie. Un pacte gagnant-gagnant “On vous donne les clés du coffre, vous nous garantissez une retraite dorée…”
Raté, la pandémie et la tragi-comédie des municipales ont tout mis à bas.
Patrick Devedjian et Jean-Charles Nègre viennent de disparaître, victimes diu coronavirus. Tout un monde s’efface.
La Seine-Saint-Denis post-pandémie ça va plutôt ressembler au Vietnam après le départ des Américains (attendez le Ramadan, on n’a encore rien vu…), qu’à l’Olympie de l’antiquité. Il est dès lors plus que temps d’arrêter les conneries.
"Avec l’invraisemblable merdier de la région parisienne, Paris, les communes, les EPT, les départements, la MGP, la Région... et autant d’élus attachés à leurs prébendes comme des moules à leurs rochers, de toute façon c’était infaisable", nous confie un observateur avisé du Schmilblick.
L’appel du collectif Non aux JO
Publié le 10 avril, un appel parfaitement documenté du collectif « Non aux JO » appelle à l’annulation pure et simple, dans les plus brefs délais de cette scandaleuse pantalonnade :
« Avec ou sans coronavirus, il faut annuler les Jeux Olympiques. Sans attendre un autre virus ou un autre épisode apocalyptique, il faut annuler ces Jeux anachroniques bricolés à partir de fantasmes sur l’Antiquité grecque. »
Le soldat Philippe en réserve de la République ?
L’homme est essoré. Il quiittera Matignon à la rentrée. Les municipales étant astucieusement repoussées sine die, début 2021, peut-être, à moins qu’on ne les couple avec les départementales, les sénatoriales, les régionales (?), notre homme, rien moins qu’assuré de retrouver son fief du Havre, pourra dès lors s’attaquer à déloger Mme Hidalgo de la mairie de Paris.
Ceci fait, parfaitement informé par Jean Castex du cauchemar des JO, ne restera plus qu’à enterrer ceux-ci, au nom de la grande relance post pandémie qui nécessitera de mobiliser toutes les énergies pour “reconstruire la France” et “réconcilier les Français”, et non de se perdre en pitreries clownesques télédiffusées worldwide, vérolées par le dopage, le harcèlement sexuel et l’argent roi.
OK boomer, faites vos Jeux…
NOTES :
(1) Délibération n° CA 19-33 du 12 juillet 2019 relative au protocole d’engagement des acteurs du plan d’action baignades pour la Seine et la Marne. Agence de l’eau Seine Normandie.
(2) La villeàfleurd’eau : Doctrines,techniques et aménagementsdel’eaudepluieetdescoursd’eaudans l’agglomération parisienne,1970-2015 Emma Thébault.