Les incertitudes liées à la pandémie du COVID ont frappé de plein fouet le projet d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris en juillet et août 2024. L’ensemble des acteurs concernés actent déjà, pour l’instant, d’une sévère révision à la baisse du projet initial. Ces tensions révèlent aussi en creux l’imposture d’une communication lénifiante, qui dissimule sous les atours d’une grande fête populaire “inclusive”, la poursuite acharnée d’une entreprise de spéculation foncière et immobilière sans précédent, conduite en Ile-de-France depuis un demi-siècle.
Car un fil rouge relie les projets d’aménagement de la région parisienne initiés il y a un demi-siècle au projet d’accueil des Jeux olympiques et paralympiques censés se dérouler en juillet et août 2024 à Paris et en Seine Saint Denis : celui d’une spéculation foncière et immobilière effrénée qui a déjà rapporté des milliards aux leaders français du BTP. Les soutiens politiques apportés à ces projets successifs dessinent en creux le triomphe d’un néo-libéralisme enragé qui fait fi de toute considération sociale et environnementale.
Après les villes nouvelles de Delouvrier à l’orée des années 60, puis le processus de gentrification de la capitale qui va se déployer dès le premier mandat de Bertrand Delanoë (2001), avant le projet de création d’un Grand Paris sous Nicolas Sarkozy (2007), puis celle d’un nouveau super métro automatique en petite et grande couronne (2008), avant l’avénement de la Métropole du Grand Paris sous François Hollande (2016), la spéculation est bien le fil rouge qui nous conduit au projet de “Paris 2024”.
Analysée sous cet angle, la réthorique olympique, l’évènement total des JO, la “grande fête populaire” ne sont plus qu’arguments de camelots et d’agioteurs sans foi ni loi.
En 2014, toute juste réélue, Anne Hidalgo se jette à l’eau, et annonce tout à trac un matin à la radio que Paris sera candidate aux JO de 2024.
Un mois avant elle ne voulait pourtant pas en entendre parler
Le gouvernement de Jean Marc Ayrault s’apprête à créer des métropoles. Avec la Métropole du Grand Paris (MGP), l’imperium de la capitale est menacé. Les JO peuvent redonner de l’air à la maire de la capitale qui va ensuite très vite se rêver un destin national, à mesure que le quinquennat de François Hollande vire en descente aux enfers
Pendant qu’une équipe dédiée prépare la candidature parisienne à l’attention du CIO, Paris va mettre en scène une pantalonnade à grand spectacle : les baignades au bassin de la Villette l’été, censées préfigurer les épreuves de natation des JO en 2024, prétendument inoffensives puisque des “mesures” sont mises en oeuvre pour obtenir une qualité de l’eau conforme aux impératifs de la directive européenne sur les eaux de baignade.
Un mensonge colossal. Paris et la Seine ne pourront jamais atteindre cette qualité “eau de baignade”.
Explication : l’héritage d’Hausmann et de Belgrand, les infrastructures de traitement des eaux usées de la région parisienne reçoivent aussi les eaux pluviales qui ruissellent sur les chaussées de la capitale et de la petite couronne, fortement polluées. En cas d’orage des millions de M3 d’eau polluée non traitées sont dès lors rejetées dans la Seine.
L’équipe d’Hidalgo va multiplier les actions les plus démagogiques pour tenter de camoufler cette impasse.
Dans le même temps le 1er janvier 2016 va être créée la métropole du Grand Paris. Un accident institutionnel sans précédent. La MGP est totalement dysfonctionnelle : des Etablissements publics territoriaux (EPT) sans moyens, un financement inexistant, etc.
Surtout cette nouvelle strate s’ajoute à l’inextricable mille-feuilles de l’IDF, les communes, les intercommunalités, les départements, la Région… sans oublier les grands syndicats techniques franciliens, des états dans l’Etat, véritables décideurs de tout l’aménagement urbain en IDF, un monstre ingouvernable avec ses milliers d’élus accrochés comme des moules à leurs prébendes.
Anne Hidalgo négocie avec la droite (André Santini), et devient 1ère VP de la MGP, en charge… des affaires internationales. Et se remue par ailleurs pour prendre le leadership du groupe constitué par 40 grandes métropoles mondiales, qui vont s’illustrer à mesure qu’approche la grand messe du climat, la COP 21.
A ce stade la descente aux enfers de François Hollande, du PS et de la gauche s’accélère.
Pour Anne Hidalgo l’avenir s’annonce dès lors radieux puisqu’elle pense être la seule, sous réserve de pouvoir se faire réélire en 2020, à être en situation de candidater à la présidentielle de 2022, forte de son aura de cheffe des JO de 2024.
C’était compter sans le chamboule-tout Macron, dont l’accession au pouvoir en 2017 va coïncider (sans vraiment de lien de cause à effet), avec une féroce campagne d’”Hidalgo bashing”, qui cloue au pilori “Notre Drame de Paris”…
Le trou d’air va durer près de 18 mois. La mairie ferme les écoutilles, et ne communique plus que pour publiciser les “concours” du baron noir Jean-Louis Missika, qui vend Paris à tout ce que la capitale compte de promoteurs.
Sue le front des JO et des baignades en Seine, morne plaine. L’acteur incontournable pour la qualité de l’eau dans la région parisienne c’est le SIAAP, qui n’en a rien à faire des délires d’Hidalgo ni des JO. En coulisses se livre dès lors une bataille de voyous entre pro et anti JO.
En février 2018 le SIAAP se retrouve au coeur d’un scandale gigogne de marchés truqués impliquant Veolia, Suez et Saur, les trois multinationales françaises de l’eau.
Après que Paris ait “triomphalement” remporté les JO, après que tous les candidats se soient désistés, et avoir versé des centaines de millions de dollars à Los Angeles, l’ultime challenger, les difficultés vont commencer.
La constitution du “Comité” JO voit l’habituelle bataille des egos se déployer.
Très vite une “loi JO”, dérogatoire notamment aux règlements d’urbanisme, est adoptée au Parlement.
Mais des incertitudes demeurent quant aux projets d’Emmanuel Macron de réforme drastique du Grand Paris, l’une de ses promesses électorales qu’il ne pourra conduire à bien.
Car, avant même la crise des Gilets jaunes, Jupiter a calé sur la refonte du Grand Paris, qui ne sera donc pas réformé alors qu’il est totalement dysfonctionnel.
Les promoteurs des JO vont donc devoir négocier avec les mille et une coalitions d’intérêt qui se partagent la gestion de l’IDF…
Alors on bricole dans le plus grand désordre, à l’image de la création de la société mixte SOLIDEO, censée porter les aménagements qui seront implantés pour l’essentiel en Seine Saint Denis, le département le plus pauvre de France.
Les élus de l’ancienne banlieue rouge inventent le concept “d’héritage” pour justifier leur adhésion à l’entreprise de gentrification immobilière qui va accompagner les JO.
Dans le même temps éclate le scandale de la Société du Grand Paris (SGP), qui construit les 58 nouvelles lignes et gares du nouveau métro automatique, dont plusieurs sont censées être achevées pour permettre l’accès aux différents sites des JO… En quelques années le budget de l’opération a déjà quasiment doublé, au plus grand bonheur des entreprises du BTP.
Les municipales de 2020 s’annoncent déjà par ailleurs comme une nouvelle crise sans précédent de la représentation politique.
A dater de la rentrée 2018, après la crise des Gilets jaunes, les tensions sociales autour de la réforme des retraites, et la descente aux enfers de la Macronie ont redonné espoir à Anne Hidalgo, qui retrouve son projet de 2014 : la mairie de Paris, avant la présidentielle…
Puis vient la crise du COVID.
Les chantiers s’arrêtent. Les sponsors ne sont pas au rendez-vous. Jean Castex, délégué interministériel aux JO, puis M. Déconfinement devient Premier ministre.
Panique à bord. Sous la houlette du COJO va s’engager à la rentrée 2020 une sévère révision à la baisse du périmètre initial de la “folle aventure”.
En juillet 2020 Anne Hidalgo, triomphalement réélue maire de Paris, Mathieu Hanotin, nouveau boss (PS) de Saint-Denis et de Plaine Commune et Stéphane Troussel, président (PS) du 93, montent au créneau pour défendre “l’héritage”…
Sur le terrain la mobilisation se poursuit, des recours sont portés contre des projets d’aménagement qui font fi des réalités sociales et environnementales des territoires et de leurs habitants.
Les JO, stop ou encore ?
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Paris 2024 : les Jeux Olympiques n’auront pas lieu
Le calendrier initial était déjà une gageure. A l’image de la cessation des travaux des chantiers des 68 gares du Grand Paris Express, ceux des infrastructures olympiques prévues en Seine-Saint-Denis sont à l’arrêt, sans qu’aucune date de reprise ne puisse être fixée. Mais il y a pire encore. M. Jean Castex, délégué interministériel aux JO s’est vu confier dans l’urgence le 3 avril dernier par le Premier ministre l’organisation du déconfinement, soit la “sortie de crise” du coronavius. Les Jeux Olympiques n’auront pas lieu dans la capitale en juillet 2024.
Lire :
http://www.eauxglacees.com/Paris-2024-les-Jeux-Olympiques-n?var_mode=calcul
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 avril 2020.