A une semaine de la table ronde sur l’eau qui se tiendra les 20 et 21 septembre 2013 dans le cadre de la seconde Conférence environnementale, un groupe d’évaluation interministériel de la politique de l’eau vient de réaffirmer dans un rapport en date du 5 septembre 2013 la nécessité d’engager un audit indépendant du Système d’information sur l’eau français géré par l’ONEMA…
Intitulé « Evaluation de la politique de l’eau. Quelles orientations pour faire évoluer la politique de l’eau ? », ce rapport a été établi par l’équipe opérationnelle créée par le ministère de l’Ecologie, consécutivement au premier Comité interministériel de modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2012.
Cette équipe opérationnelle réunissait des représentants du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), de l’Inspection générale des finances, du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAER), de l’Inspection générale de l’administration et de l’Université Paris-Diderot.
La fiche 10 « Consolider le système d’information sur l’eau », en page 65 du Rapport, précise :
(…)
MESURES PRECONISEES
1- Se concentrer sur le modèle de base pour respecter les engagements communautaires
Le SIE couvre un champ très large qui porte sur des données exigées par des directives ou des règlements communautaires et par des politiques nationales mais également sur des données utiles à la mise en œuvre d’actions de portée plus locale ainsi que sur des actions de veille (exemple des résidus de médicaments) ou de connaissance patrimoniale (en matière de biodiversité par exemple). Il existe une forte pression pour augmenter la fréquence, le nombre de points de mesure et la nature des informations ce qui est hors de portée. Il faut instaurer le débat sur l’impact économique de cette « amélioration permanente » et sur sa pertinence, sinon le SIE risque de rester en devenir permanent engendrant de nombreuses frustrations. Il est indispensable de se concentrer sur un modèle de base ciblé en priorité sur les exigences des directives (DCE, DCSMM, nitrates,...) dont est sûr qu’il est respecté et mis en œuvre partout, rapidement et de manière homogène. Un audit du champ couvert par le SIE (réalisé par des agents publics) est indispensable ; il devrait être suivi par un audit (pouvant faire appel à une expertise privée) vérifiant l’adéquation des outils prévus aux ambitions affichées, éventuellement révisés à la baisse, tout au moins à court terme.
Avant, malheureusement, de poursuivre dans l’erreur, en recommandant :
« 2- Donner à l’ONEMA une responsabilité de chef de file du SNDE
Le SIE est un projet fédérateur dont la coordination est confié à l’une des parties concernées, l’ONEMA, qui n’a aucune autorité sur les tiers producteurs de données, d’une part, et sur les utilisateurs des données, d’autre part. Il convient de renforcer le rôle de chef de file du dispositif de connaissance assuré par l’ONEMA. Il faut également systématiser la formalisation des relations entre l’ONEMA et les différents acteurs du SIE. »
LA FIN DU DENI ?
Cette fois ce se sont donc pas de dangereux gauchistes et des medias sous influence qui disent crûment que le roi est nu, après que toute l’oligarchie de l’eau nous aît voué aux gémonies, et nous poursuive de sa vindicte depuis l’an dernier.
La manœuvre en cours est toutefois aventureuse.
Car à ce jour aucun audit indépendant du système de production de données sur l’eau français n’a été engagé. En dépit de l’engagement public de Delphine Batho, alors ministre de l’Ecologie, en dépit de la demande publique formulée par le président de la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, en dépit de la demande réitérée par Michel Lesage, parlementaire en mission et auteur d’un Rapport sur la politique de l’eau, remis au Premier ministre le 4 juillet dernier.
En dépit des inquiétantes découvertes et confirmations découlant de l’instruction d’une plainte diligentée au pénal dans l’affaire de l’ONEMA.
La manœuvre vise en fait, comme le détaille par ailleurs le Rapport précité, à revoir considérablement à la baisse les objectifs d’atteinte de bon état des eaux fixés par les textes communautaires, s’agissant de la prochaine étape de mise en œuvre de la DCE.
Mais pour ce faire il bien auditer l’actuel SIE, sans quoi, par ailleurs, la création de la future Agence française de la biodiversité est impossible : on ne va pas confier aux architectes d’un système d’information totalement défaillant, pour n’en pas dire davantage, la responsabilité de produire des informations sur la biodiversité, alors qu’ils ont totalement failli à leur tâche.
Dilemme impossible : ne rien faire c’est courir à la catastrophe, engager un audit du SIE c’est courir le risque d’un scandale sans précédent.
On attend donc avec grand intérêt de voir comment la Conférence environnementale va réagir à la demande renouvelée dans le Rapport Levraut de réalisation d’un audit du SIE…
NOUVEAUX CONFLITS D’INTERETS DANS LA RECHERCHE SUR L’EAU ?
On espère à l’identique que la Conférence environnementale, puis le gouvernement comme la représentation nationale n’avaliseront pas ce que la même Mission semble déjà considérer comme acquis, et qui signerait un dévoiement sans précédent de la recherche sur l’eau au profit des intérêts privés puissamment présents comme on le sait dans le secteur.
La fiche 9 dudit Rapport, intitulée « Une recherche en appui de la politique de l’eau », comporte en effet deux paragraphes proprement stupéfiants, et sur le fond et dans la forme (catégorique), en page 60 de notre Rapport :
(…)
Principales mesures préconisées
1. Définir un agenda stratégique et consolider la coordination des acteurs de la recherche sur l’eau
Dans le prolongement de la nouvelle loi de l’enseignement supérieur et de la recherche, un agenda stratégique et programmatique de la recherche fondamentale et appliquée va renouveler, à l’échelle nationale, la stratégie nationale de la recherche, sous la coordination du MESR après concertation avec les ministères et agences concernés, les collectivités territoriales, en particulier les Régions, et les acteurs de la société civile, afin de répondre aux défis scientifiques, technologiques et sociétaux tout en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau. Le Conseil stratégique de la recherche proposera les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche ; le comité de pilotage de la SNR, auquel sont associées les Alliances, aura à piloter le processus d’élaboration de la stratégie et de son volet programmatique. Une attention particulière aux enjeux thématiques prioritaires, scientifiques et technologiques, pour venir en appui de la politique de l’eau devra être faite à ce premier niveau d’orientation stratégique.
Un agenda national stratégique de la recherche et de l’innovation sur l’eau sera ensuite décliné, sous la coordination conjointe MESR-MEDDE. Le Conseil national de l’eau (CNE) viendra en appui de cette démarche en mettant en place un conseil de la recherche sur l’eau et les milieux aquatiques – CREMA (sur le même modèle que le COMER) constituant à la fois un lieu d’interface et d’échanges entre recherche scientifique et gestion collective de l’eau et des milieux aquatiques et un lieu d’expression des avis des parties prenantes sur les besoins et les orientations des recherches dans le domaine de l’eau. Cette instance de consultation assurera une représentation en cinq collèges (État, élus, employeurs, salariés et ONG) complétée par les groupements d’opérateurs de recherche et d’innovation (Alliance, pôles de compétitivité, COSEI, etc.). Le cadre opérationnel de coordination sera assuré par ALLENVI en lien étroit avec l’ONEMA, afin de favoriser l’interaction entre l’offre et la demande de recherche. »
Confier la responsabilité d’un « Conseil de la recherche sur l’eau et les milieux aquatiques » au Comité national de l’eau, point focal de tous les lobbies, reviendrait à asservir sans retour tous les acteurs français de la recherche sur l’eau à Suez et Veolia.