La question des barrages ne va pas tarder à revenir dans l’actualité, un peu partout en France, sous l’effet conjoint de plusieurs logiques dont la conjonction nous promet… des étincelles. D’abord l’avenir des 400 concessions historiques d’EDF, que Jean-Louis « Houdini » Borloo, eu égard à la libéralisation du secteur de l’énergie impulsée par Bruxelles, a quasiment, à l’insu de son plein gré, offert au plus offrant, et la procédure d’appels d’offre patinant dans la semoule, on peut augurer sans coup férir que le « général » Proglio n’est pas absolument disposé à se laisser dépouiller, ni par Suez, ni par les Allemands… Ensuite, plus cocasse, au vu des premières escarmouches dans le clan écolo, le regain de la « petite hydraulique » dans nos riantes montagnes, conséquence de l’engagement (solennel) de réduire nos dégagements de CO2 à l’horizon 2020, comme acté dans le marbre du Grenelle. Ce qui n’est pas sans contredire les objectifs de rétablissement de bon état écologique de toutes les masses d’eau à l’horizon 2015, en application de la sacro-sainte Directive-cadre européenne sur l’eau. Dit autrement, comme l’effet d’aubaine éoliennes a du plomb dans l’aile, la mafia de l’hydroélectricité et les vaillantes troupes de la FNSEA vont-elles réussir à passer un deal avec EDF pour asseoir (durablement), une nouvelle activité des plus rémunératrice, où les zouaves écolos, d’autant plus qu’ils comptent désormais des escouades d’élus vont-ils parvenir, y compris en se faisant violence quant à la réduction de nos rejets de CO2, à limiter le massacre qui s’annonce sur nos riantes rivières, enfin ce qui en reste, et c’est déjà pas beaucoup. Approchez messieurs-dames, la guerre des barrages, le retour !
Déjà noter, pour savoir un peu de quoi il s’agit, que l’Onema vient très opportunément de mettre un ligne un inventaire des ouvrages construit sur les cours d’eau français - barrages, seuils, écluses, digues, moulins…- réalisé pour la France métropolitaine., diffusé sous forme de carte qui permet de visualiser par département, par commune ou par cours d’eau, la position spatiale des ouvrages connus.
Ensuite retour au Grenelle, où nous l’avons compris de belle date, tout se commence, et surtout se termine, afin de prendre connaissance de la furieuse diatribe du sieur Germinal Peiro, éminent député socialiste du Sud-Ouest, qui part à l’assaut des funestes projets du gouvernement qui, à l’en croire, et là nous sommes tout à fait enclins à le croire, s’apprête à dévaster ce qui demeure de nos pauvres rivières, déjà massacrées, il est vrai, par d’innombrables calamités.
Nous aimons beaucoup l’intervention de M. Peiro, tant il est aussi plaisant qu’inaccoutumé d’ouïr un député commencer son intervention en en tenant « à dire tout le mal qu’il pense de l’hydroélectricité », ce qui, doublement plaisant, provoque immédiatement l’ire des députés UMP présents, du moins ceux qui n’étaient pas occupés à labourer leur circonscription pour tenter, sans succès, de réparer les innombrables « Madofferies » de l’actuel gouvernement, qui ne vont pas manquer de nous en débarrasser (l’actuel gouvernement) en 2012…
Or donc, lors de la deuxième séance de l’Assemblée du jeudi 16 octobre 2008 consacrée à l’examen du projet de loi Grenelle 1, ledit Germinal Peiro ne ménage pas son talent pour dire son fait à la mafia de l’hydroélectricité…
« Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro.
M. Germinal Peiro. L’article 17 traite des énergies renouvelables et je voudrais, si vous le permettez, chers collègues, vous parler d’hydroélectricité. Je tiens tout d’abord à vous dire tout le mal que je pense de la petite hydroélectricité, et ce pour plusieurs raisons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Paul Chanteguet. Il a raison !
M. Germinal Peiro. Ce sont, pour la plupart, de petits ouvrages privés qui ont été construits sur des cours d’eau et qui bénéficient, vous le savez, d’un tarif préférentiel de rachat, notamment de la part d’EDF. L’apport de cette petite hydroélectricité est quasi nul en termes de fourniture d’énergie.
M. Jean Dionis du Séjour. C’est faux ! Cela représente 1 700 mégawatts !
M. Germinal Peiro. Non !
Mme la présidente. Seul M. Peiro a la parole !
M. Germinal Peiro. En revanche, elle présente des inconvénients majeurs. Des entrepreneurs privés barrent impunément nos cours d’eau pour leur seul profit. Ils infligent des dégâts à l’environnement, au milieu, aux paysages. Ils entravent la libre circulation de l’eau et des poissons, notamment des poissons migrateurs. Les mesures compensatoires coûtent très cher et ne sont d’aucune utilité. Enfin, ils entravent, quand ils ne créent pas de dangers mortels, la libre circulation des engins nautiques. Des dizaines de vallées de notre pays ont été défigurées pour rien, en termes d’énergie. Dans les Pyrénées, dans le Massif Central, dans les Alpes, partout en Europe, on a autorisé le massacre des rivières et des vallées pour une production nulle !
M. Jean Dionis du Séjour. Mais non !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Donnez des exemples précis !
M. Germinal Peiro. Toutes les associations de protection de l’environnement, toutes les fédérations de pêche, toutes les fédérations de loisirs nautiques vous tiendront le même discours. Nos rivières sont source de vie, or elles ont été traitées comme des égouts pendant des décennies ! Nous devons aujourd’hui nous soucier à nouveau d’elles. Elles ne peuvent pas être source de profit dans tous les domaines. Si nous voulons protéger l’environnement et conserver au monde rural son attractivité, la petite hydroélectricité est incompatible avec ces objectifs. Je dirai enfin un mot, et je serai bref, de la grande hydroélectricité. Contrairement à la petite, elle est utile en termes de production électrique. Elle présente surtout l’avantage d’être excessivement réactive, contrairement aux centrales thermiques ou nucléaires. En quelques minutes, pour ne pas dire en quelques secondes, on obtient la puissance maximale d’une grande centrale comme Bort-les-Orgues. Est-ce, pour autant, une énergie verte ? Je réponds non. En effet, si elle présente des avantages et un intérêt national, contrairement à la petite hydroélectricité qui ne satisfait que des intérêts privés, elle a également de gros inconvénients. Je prendrai l’exemple des éclusées. J’habite au bord d’une rivière où, tous les week-ends, l’eau baisse d’un mètre, quand ce n’est pas d’un mètre cinquante, ce qui a un impact terrifiant sur tout le milieu naturel, que ce soit sur les vertébrés, les invertébrés…
Mme la présidente. Pensez à conclure, monsieur Peiro.
M. Germinal Peiro. J’y pense, madame la présidente. Dans ce projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, nous devons parvenir, non à supprimer la grande hydroélectricité, mais à trouver des mesures compensatoires. La libéralisation des services de l’énergie ne fait qu’aggraver aujourd’hui le problème. En effet, le niveau de l’eau de la Dordogne ou de bon nombre de rivières de notre pays ne dépend plus du marché national, mais du marché européen. S’il fait très froid en Allemagne, l’eau monte d’un mètre à Castelnaud-la-Chapelle ! Je propose que le principe « pollueur-payeur » s’applique à tous les concessionnaires et à toutes les entreprises qui géreront les grands barrages et qui portent impunément atteinte à l’environnement. »
FNE sur le sentier de la guerre
Oui, enfin n’exagérons rien pour ce qui concerne nos amis à la fibre mollettiste bien trempée, qui n’en perdent pas moins jamais l’occasion de pointer les bêtises de nos gouvernants, même quand, réalisme oblige, ça s’arrête là…
Il n’empêche que sur cette affaire, comme en témoigne le communiqué de presse des susdits en date du 26 janvier 2010, FNE n’est pas dupe des entourloupes qui se préparent. Quant à les empêcher, c’est une autre affaire…
« Prolifération de projets de microcentrales hydroélectriques : Une menace bien réelle sur les gaves en haute vallée d’Aspe ! »
« Alors qu’un projet de microcentrale hydroélectrique est soumis à enquête publique jusqu’au 29 janvier 2010 à Lescun (en zone natura 2000, sur des têtes de bassin classés « en très bon état », réservoirs biologiques...), France Nature Environnement et sa fédération régionale en Aquitaine, la SEPANSO , tiennent à manifester leur désaccord quant au développement de l’hydroélectricité, qui se fait sans prendre en compte les impératifs environnementaux.
« Il suffit de regarder la multiplication des projets qui fleurissent partout en France, notamment sur des sites naturels protégés et vierges. Michel Rodes, Président de SEPANSO Béarn ajoute : « Dans les Pyrénées, l’hydroélectricité affecte plus de 85 % des cours d’eau. Mais si les grands barrages produisent l’essentiel, le développement envisagé de nouvelles microcentrales (qui ne fournissent que 0,6 à 1,2 % de la production électrique française) est une menace pour les dernières rivières vivantes des Pyrénées. De nombreux projets « fleurissent » en Ariège, en Haute-Garonne et Pyrénées-Atlantiques ».
« Les barrages sont souvent présentés, à tort, comme un moyen de produire une énergie propre et sans danger pour l’environnement. Actuellement, une « convention d’engagements pour le développement d’une hydroélectricité durable en cohérence avec la restauration des milieux aquatiques suite au Grenelle de l’environnement » est en cours d’élaboration par le MEEDDM, associant l’ensemble des acteurs. Cette convention reste inacceptable en l’état pour FNE. Bernard Rousseau, responsable des politiques de l’eau à FNE précise que « FNE a déjà dénoncé ce projet de convention, qui flatte les appétits des industriels de l’hydroélectricité sans intégrer suffisamment de gara ntie de progrès environnemental, hormis l’éventuel démantèlement symbolique de 2 ou 3 sites. »
« Il existe en France plus de 60 000 barrages, dont moins de 10% ont un usage économique avéré. Alors que les barrages, petits et grands, sont aujourd’hui l’une des principales causes de non atteinte du bon état des eaux en 2015 dans tous les bassins, en ajouter encore quelques centaines aggraverait notablement l’état de dégradation généralisé de nos cours d’eau, sans compter le non respect de l’obligation de continuité écologique imposée par la Directive Cadre sur l’Eau.
« Pour FNE et son mouvement, 3 points sont incontournables pour toute approche concernant l’hydroélectricité, en lien avec l’atteinte du bon état écologique :
– Il est inconcevable de développer l’hydroélectricité sur les cours d’eau encore préservés et non aménagés ;
– Avant tout développement nouveau, il est impératif d’optimiser les équipements qui ont une réelle utilité, et de diminuer rapidement les impacts sur les cours d’eau ;
– Il est nécessaire de prévoir le démantèlement de bon nombre de seuils et autres barrages inutiles. Le démantèlement de certains ouvrages très perturbateurs sur des axes migrateurs étant la priorité. »
Et d’inviter à signer une pétition contre le projet de microcentrale de la vallée d’Aspe.
Ne croyez pas toutefois vous en sortir à bon compte en cliquant négligemment sur la pétition en ligne.
La nouvelle « guerre des barrages » ne fait que commencer…
Et ce n’est pas la signature d’une Charte de l’hydroélectricité durable, discrètement portée sur les fonts baptismaux ces dernières semaines par « Houdini » Borloo qui va calmer le jeu. On aura compris que FNE ne va pas la signe, même si d’autres le font… Affaire à suivre.
Voir aussi :