Jean-Jacob Bicep, eurodéputé EELV, Garcin Malsa, maire de Sainte-Anne, et Henri Louis Régis, président de l’Assaupamar. interpellaient le 26 novembre dernier les ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture, pour les informer que les associations AMSES (Association pour la sauvegarde de l’environnement et de la santé) et ASSAUPAMAR (Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais), allaient porter plainte au pénal contre le préfet de la Martinique, qui a autorisé le 18 novembre la reprise des épandages aériens de pesticides, qui ont effectivement repris le 25 novembre, alors que la précédente dérogation est encore sous le coup d’une suspension, et trois jours avant que le Tribunal administratif n’examine le 28 novembre une nouvelle demande d’annulation demandée par les associations ASSAUPAMAR, AMSES et FNE !
« Messieurs les Ministres il y a urgence : nous devons stopper les épandages qui ont repris hier alors que le tribunal n’a toujours pas statué après les récentes suspensions.
Notre réaction fait suite à la signature de l’arrêté préfectoral n° 2013-323-0016 du 19 novembre 2013 qui autorise l’épandage aérien de fongicide. Nous sommes aujourd’hui le mardi 26 novembre, les épandages aériens ont repris hier dans les quartiers de Basse pointe, de Sainte Marie et de Macouba. Cela alors même que le tribunal administratif a suspendu tout épandage aérien de pesticides en Martinique. Le jugement en annulation, suite aux précédentes suspensions des derniers arrêtés, doit avoir lieu ce jeudi 28 novembre, mais le préfet n’en n’a tenu compte puisqu’il autorise à nouveau cette pratique.
Alors que vous n’êtes pas sans ignorer les conséquences désastreuses de tel procédé sur les hommes et les femmes de ce pays, vous n’êtes pas non plus sans ignorer la situation sanitaire et environnementale de la Martinique.
L’épandage aérien de pesticides est une technique à la fois nocive pour l’environnement et pour la santé publique. Mais apparemment cela ne bouleverse que très peu de personnes en France puisque vous réitérez encore cette scandaleuse expérience de mettre en application cette "arme de destruction massive" sur un peuple qui n’a rien demandé mais qui, aujourd’hui, vous demande de les écouter avant que cette triste aventure des épandages ne tourne bien plus en cauchemar qu’elle n’a déjà commencé.
Or Messieurs les Ministres laissez nous vous rappeler à vos bons souvenirs les éléments qui suivent :
– Le 13 juillet 2012 : La préfecture publie un arrêté préfectoral qui autorise l’épandage aérien de fongicides sur les bananeraies de Guadeloupe dans le cadre de la lutte obligatoire contre les cercosporioses du bananier.
– Le 3 octobre 2012 : Le Tribunal administratif de Basse-terre, par ordonnance, suspend l’arrêté du 13 juillet 2012
Le juge administratif a considéré que l’adjuvant Banole ne pouvait être utilisé en épandage aérien en l’absence d’une évaluation spécifique pour cet usage.
– Le 15 octobre 2012 : En conséquence, un arrêté modificatif supprimant le Banole de la liste des adjuvants autorisés est pris.
Parallèlement, le préfet saisit le tribunal administratif en lui demandant de mettre fin à la suspension qu’il a ordonné le 3 octobre 2012 compte tenu de deux éléments nouveaux à savoir, d’une part, un courrier du groupement des producteurs de bananes indiquant qu’il est possible d’utiliser de l’eau à la place du Banole comme adjuvant et, d’autre part, de l’arrêté du préfet qui modifie celui du 13 juillet 2012 en supprimant le Banole de la liste des adjuvants autorisés
– Le 10 décembre 2012 : le tribunal administratif de Basse-Terre annule les arrêtés du préfet de la Guadeloupe des 13 juillet et 15 octobre 2012 relatifs à l’épandage aérien de produits phytosanitaire.
– Le 16 janvier 2013 : Le groupement des producteurs de banane de Guadeloupe dépose le 16 janvier une nouvelle demande de dérogation à l’interdiction du traitement aérien.
– Le 29 avril 2013 : La préfète de Guadeloupe publie un nouvel arrêté autorisant l’épandage aérien pour une durée d’un an.
– Le 31 mai 2013 : l’association EnVie-Santé dépose un recours contre ce nouvel arrêté.
– Le 3 juin 2013 : la préfecture publie un autre arrêté, tentant d’anticiper le jugement, qui établit la liste des produits autorisés.
– Le 5 juillet 2013 : Le tribunal administratif de Basse-Terre suspend l’exécution des arrêtés des 29 avril et 3 juin 2013.
Dans le même temps en Martinique :
– Le 11 décembre 2011, 1er arrêté du préfet Prévost pour autoriser l’épandage aérien de pesticides par dérogation à l’interdiction de la Directive européenne de 2009 introduite en droit français à l’article L. 253-8 du code rural .
– Août 2012, 2ème arrêté dérogatoire du préfet Prévost pour 6 mois.
– Le 10 octobre 2012, suspension partielle de cette dérogation par le juge des référés, en ce qu’elle autorisait illégalement l’épandage aérien du banole.
– Le 26 février 2013, 3ème arrêté de dérogation pris pour 1 an cette fois par le même préfet Prévost.
– Le 28 août 2013, suspension de cette 3ème dérogation par le tribunal administratif de Fort-de-France siégeant en référé, au motif que les conditions de la dérogation ne sont pas remplies dans la mesure où il existe des alternatives viables à l’épandage aérien.
– Le 18 novembre 2013, le préfet Prévost prend une nouvelle dérogation pour permettre l’épandage aérien de pesticides en Martinique, la 4ème en moins de 2 ans, alors que la précédente dérogation est encore sous le coup d’une suspension.
– Le 25 novembre 2013, reprise des opérations de pulvérisation aérienne de pesticides, alors le tribunal doit se prononcer le 28 novembre 2103, dans 3 jours donc, sur leur annulation demandée par les associations ASSAUPAMAR, AMSES (Association médicale pour la sauvegarde de l’environnement et de la santé), APNE (Association de protection de la nature et de l’environnement) et FNE (France Nature Environnement).
En effet, force est de constater que de nombreuses dérogations sont accordées en violation, entre autre, de l’article 9, §2. de la directive 2009/128/CE qui exige qu’aucune autre solution viable ne soit possible ou que la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’application terrestre des pesticides et de l’article 9§2.e, qui exige que des mesures garantissant l’absence d’effets nocifs pour la santé des passants soit appliquées.
Aujourd’hui vous n’êtes pas censés, Messieurs les Ministres, ignorer, et ce n’est pas nous, Messieurs les ministres, qui allons vous l’apprendre, qu’avec ce quatrième arrêté vous cautionnez à nouveau une nouvelle transgression du droit français et européen.
A travers cet arrêté vous polluez les sols dont se nourrissent les végétaux, les nappes phréatiques et les sources d’eau potable.
Non vous ne pouvez plus continuer, seule la justice, et la vraie, sera en mesure d’arrêter de tels arrêtés, il faut que cela cesse.
Il faut d’ailleurs que les populations victimes obtiennent réparation.
Devons-nous encore et toujours faire état du nombre croissant de cancers et de malformations ?
Nous apportons notre soutien à la population et vous demandons de réagir face au 4ème arrêté préfectoral de dérogation qui vient d’être accordé en Martinique et cela sans en avoir au préalable consulté la population.
Population qui se sent méprisée au plus haut point, nous ne sommes pas seuls à dénoncer ce scandale puisque quatre-vingt-neuf experts scientifiques ont lancé un appel urgent à l’action réglementaire sur les perturbateurs endocriniens, la "Déclaration de Berlaymont sur les perturbateurs endocriniens". Ce texte renseigne sur les résultats scientifiques qui s’accumulent depuis de nombreuses années sur les effets délétères de plusieurs centaines de substances chimiques, et l’urgence d’une réglementation des plus strictes de l’UE.
Messieurs les Ministres, nous considérez-vous encore comme une colonie ou un pays avec des droits et des principes ?
Nous attirons votre attention sur l’urgence de la situation.
Il faut que cesse le jeu incessant des dérogations à outrance, cela n’a que trop longtemps duré.
Ne voyez-vous pas, Messieurs les Ministres, dans quelle spirale infernale sommes-nous entrés tous autant que nous sommes, nous ne pourrons éternellement rejouer les mêmes scènes sans qu’un scandale sanitaire d’ampleur nationale ait lieu. Ce jeu doit cesser, nous ne pouvons plus céder aux pressions des lobbyistes, il faut que justice soit faite et soit rendue. L’opinion publique doit être alertée de ce problème, la population antillaise mérite bien plus de considération et d’écoute.
Vous devez en tant que représentants de l’État unir vos forces avec celles des citoyens et de la société civile pour sauver des vies et laisser un environnement sain aux générations futures. Car "cette arme de destruction massive" que constituent les épandages aériens est en train d’anéantir toute une génération, tout un peuple.
Nous vous demandons Messieurs les Ministres :
– La suppression définitive de tout épandage de pesticides ;
– La fin de cette monoculture bananière d’exportation mortifère ;
– La mise en place d’une agriculture diversifiée et raisonnée en mesure de nourrir la population antillaise dans le respect de leur santé et de leur environnement.
Nous espérons Messieurs les Ministres au nom du peuple antillais que vous serez à l’écoute de ces hommes, femmes et enfants. »
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