Dans une interview accordée à Politis, Denis Dessus, vice-président du conseil national de l’Ordre des architectes dénonce la création d’un statut de « société d’économie mixte à opération unique », un nouvel outil de partenariat public-privé destiné aux collectivités territoriales.
« Une proposition de loi créant des sociétés d’économie mixte (SEM) à opération unique a été adoptée le 7 mai par les députés, après un vote en première lecture au Sénat en décembre 2013. Les collectivités territoriales qui souhaitent passer par un mode de gestion privé de services publics locaux pourront ainsi utiliser ce nouvel outil, « alors que la gestion en régie a montré ses limites et que les expériences passées de partenariat public-privé (PPP) ont suscité de nombreuses critiques quant à leur coût pour la collectivité et aux limites induites par leur mise en œuvre », explique Erwann Binet, député PS et rapporteur du texte présenté par les sénateurs Jean-Léonce Dupont et Hervé Marseille, membres du groupe UDI-UC.
« La SEM à opération unique pourra se substituer au PPP et est présentée comme étant un élément de la réorganisation du droit français de la commande publique, qui « va devoir être profondément revu dans le cadre de la transposition, au plus tard en avril 2016, des trois directives européennes », sur la passation des marchés publics et sur les contrats de concession, ajoute le rapporteur. Le nouvel outil permettra-t-il cependant de mettre fin aux dérives des partenariats avec le secteur privé ? Alors que les élus sont confrontés à la baisse des dotations budgétaires de l’État, à un accès restreint à l’emprunt bancaire et au démantèlement de services techniques locaux, ce type de société pose de nombreuses questions, auxquelles répond Denis Dessus, vice-président du conseil national de l’Ordre des architectes.
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« Certaines collectivités pensent avoir trouver la formule, la simplification d’un contrat global sur des décennies, la possibilité d’éviter les dérives des PPP et de s’affranchir des règles et du contrôle du code des marchés publics, alors qu’elles vont au contraire se retrouver piégées, et les usagers encore plus ! Cette proposition de loi a été voulue par les établissements publics locaux (EPL), organismes avec les élus des collectivités comme administrateurs, qui se développent partout sur le territoire en raison du retrait des services de l’état.
« L’autre lobby est celui des grandes entreprises, de l’eau notamment. En privatisant les services publics, sans contrôle possible et de façon quasi définitive, car comment imaginer que la SEM qui aura grossi et embauché sera dissoute au bout de 20 ou 30 ans, les décideurs politiques jouent un jeu dangereux qui engagera leurs collectivités bien au-delà de leurs propres mandats. Dans cette procédure, l’entreprise, major du secteur, devient l’opérateur global, dans l’objectif, naturel pour une société privée, de faire le plus de profit. La conséquence inévitable de l’absence de remise en concurrence sera l’augmentation des prix des services payés par l’usager ! (…) »
- Lire la suite de l’entretien « Les majors du privé vont devenir opérateurs publics », réalisé par Thierry Brun, Politis, 7 mai 2014.