Le ministre de la "Transition écologique et solidaire" a adressé le 28 novembre 2017 un courrier aux présidents des Comités de bassin, qui explicite et éclaire, en réécrivant l’histoire, le coup de force opéré par le gouvernement sur l’un des instruments majeurs des politiques publiques de l’eau. Au fil des principales orientations déclinées par le ministre se dessinent aussi les lignes directrices d’une “nouvelle” politique environnementale : l’accompagnement, aussi mensonger que surmédiatisé, du libéralisme économique macronien.
Rappelant de manière liminaire les deux rencontres tenues avec les présidents des comités de bassin les 3 août et 11 septembre 2017, Nicolas Hulot “confirme et précise” les principales orientations stratégiques et budgétaires dont il leur aurait fait part, relativement au 11ème programme des Agences pour les années 2019 à 2024.
Faisant mine d’ignorer la bronca sans précédent des Comités de bassin, des Agences et des élus qui y siègent, il remet ainsi d’emblée en cause l’autonomie des Comités de bassin, dont il ne saurait pourtant se prévaloir d’en exercer la tutelle, comme c’est le cas pour les Agences de l’eau.
“Je décide, vous exécutez”, véritable mantra de la Macronie qui est au coeur du conflit persistant du gouvernement avec les élus territoriaux de toute obédience, conflit aggravé par l’absence des REMouleurs dans les collectivités locales, en dépit de quelques ralliements opportunistes encore très minoritaires.
“Les Agences de l’eau, fer de lance de l’adaptation au changement climatique”, proclame ensuite le ministre, se livrant à un véritable détournement. Car les Agences n’ont jamais eu vocation à exercer une “mission structurelle et durable d’adaptation au changement climatique”, comme le soutient sans vergogne Nicolas Hulot, qui réécrit allégrement l’histoire, pour les mettre au service de la “première de ses priorités”.
Ici rien d’anodin ni d’anecdotique. Les Agences sont des établissements publics administratifs dont les missions sont définies par la loi.
Nicolas Hulot n’en a cure, ce qui pose un premier problème.
L’invocation de l’adaptation au changement climatique sert en fait à introduire dès le paragraphe suivant “la priorité donnée aux économies d’eau, là où l’eau devient rare, autant en ville que dans l’agriculture.”
Ici le ministre évoque en fait la relance de l’irrigation à outrance, déjà actée par sa “communication” du 9 août 2017, conséquence de l’acceptation par le candidat Macron durant sa campagne électorale du diktat de la FNSEA…
http://www.eauxglacees.com/Emmanuel-Macron-et-Nicolas-Hulot
Voir ainsi la pétition lancée contre la construction sur fonds publics de 41 nouvelles retenues d’eau pour l’irrigation dans le bassin du Clain (Vienne) :
Une décision désastreuse, aux conséquences qui le seront plus encore, dont on espère désormais, au ministère comme au Château, qu’elle continuera à passer inaperçue, après le renoncement à Notre-Dame-des-Landes, qui est en passe de conférer à Nicolas Hulot un statut d’intouchable, lors même que l’exécutif actuel se fichait éperdument de cet “aéroport de m.”, et qu’au quotidien ses décisions détricotent des pans entiers du droit de l’environnement et des politiques publiques censées en assurer la préservation.
Voir ainsi le "Projet de loi pour une société de confiance", qui sera examiné en procédure accélérée par l’Assemblée nationale, à partir du 23 janvier :
Son article 26 autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance pour autoriser, en vue de « faciliter la réalisation de projets de construction », les maîtres d’ouvrage « à déroger à certaines règles de construction sous réserve qu’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé ».
En commission spéciale, les députés ont cependant encadré ce dispositif avec des contrôles avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, puis à l’achèvement du bâtiment.
L’article 33 prévoit, lui, une expérimentation concernant les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) et les IOTA (installations, ouvrages, travaux et activités) nécessaires à l’exercice d’une activité agricole. Ces installations pourraient désormais ne plus faire l’objet d’une enquête publique, remplacée par une simple consultation du public par internet. La commission a encadré cette expérimentation qui devra prévoir des dispositifs d’accompagnement afin « d’intégrer les citoyens éloignés du numérique ».
La conclusion du même paragraphe, aide à la GEMAPI et sempiternel blabla bobo inepte : “Enfin les villes devront aussi se verdir et réinfiltrer les eaux pour limiter les risques d’inondation et atténuer les phénomènes d’ilôts de chaleur", prête d’autant plus à sourire quand on sait que le même ministère de M. Hulot a solidement enterré, et refuse de publier depuis décembre 2016, le rapport du CGEDD sur la gestion des eaux pluviales urbaines, et donc les phénomènes de ruissellement, rapport que ledit CGEDD a refusé de nous communiquer, à la suite de quoi nous venons donc de saisir la CADA.
Oh, il s’agit d’une paille, le financement très largement illégal, à hauteur de 2 milliards et demi d’euros par an, de la gestion des eaux pluviales urbaines.
Alors quand çà s’agite aussi en coulisses sur une fumeuse nouvelle redevance contre l’imperméabilisation des sols, autre marotte de Hulot semble-t-il, on attend avec inquiétude la nouvelle usine à gaz en cours de gestation. Qui va payer des millions ?
Passagers clandestins
“Lutter contre l’érosion de la biodiversité”, enchaîne ensuite Nicolas Hulot. Là c’est la conséquence du complot ourdi par la “bande à biodiv”, les amis du ministre, que n’a pas vu venir, enfin trop tard, le petit monde de l’eau français. Une nouvelle génération post-Grenelle bien décidée à se faire une place au soleil, et donc à se tailler une part du gâteau, et qui a donc oeuvré, très concrètement à partir de l’engagement imbécile du candidat François Hollande à Montreuil devant FNE. On connait la suite, loi Biodiversité, AFB, modification du statut des Agences pour y glisser la biodiversité terrestre et marine et le tour est joué, par ici la monnaie, et les postes qui vont avec.
Non pas qu’il ne faille pas défendre la biodiversité, mais pourquoi faut-il que la bande de malandrins qui sont à la manoeuvre n’aient jamais envisagé de le faire autrement - et en aient aussi aisément convaincu l’ambassadrice des pingouins comme les futurs traitres d’EELV, depuis lors ralliés à la Macronie -, qu’en braquant les Agences de l’eau ? A l’évidence parceque c’était le plus facile, et qu’on trouverait des alliés à Bercy pour commettre le forfait.
Le tout pour alimenter un délire bureaucratique insensé, qui voit fonctionnaires et bureaux d’étude tourner en rond en alignant des collections d’acronymes abscons qui alimenteront rapports, projets, colloques, séminaires, programmes... à l’infini, dont l’impact, réel, sur la biodiversité, est égal à zéro :
Pas grave, la génération de petits bourgeois qui ne jouent pas aux Apaches dans les "Zad", y trouvera quelques débouchés :
http://x.actucomm.com/ats/msg.aspx?sg1=988749ad352428577cc0a7096828f68a
“Environnement et santé”. Là c’est encore plus facile d’agiter les gros bataillons des ménagères et des momans qui tremblent pour la santé de leurs chères têtes blondes. Démago à mort, donc ça marche à tous les coups. Et en avant pour la protection des captages et le futur plan Ecophyto. On comprend mieux le chantage à la santé publique quand on sait que la protection des captages et Ecophyto sont des plantages absolus, pour une raison et une seule, pas question de se castagner avec la FNSEA…
On a pu le vérifier vendredi dernier avec l’annonce par le même et trois autres de ses collègues ministres du “Lancement de la concertation sur les propositions de plan d’actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides » : ah que on a un problème, on va lancer de nouvelles études… Pitoyable. A pleurer, de rage.
« Une politique de l’eau et de l’assainissement plus solidaire »
Là c’est le bouquet. Innover sur le pluvial, on se marre, voir plus haut. Le blabla obligé sur la loi NOTRe, avant la surprise du chef.
« Un modèle financier plus efficace, plus sélectif et plus simple »
Et d’une je vous pique 500 millions d’euros, pour Bercy et mes petits copains de la bande à biodiv, ensuite on va réduire la masse salariale et le nombre d’agents dans les Agences : faire (beaucoup) mieux avec moins, vous dis-je !
Et ce n’est pas fini, la cerise sur le gâteau. Concernant le petit cycle, l’eau et l’assainissement, on ferme les robinets. Et les Agences ne financeront donc plus les projets qui sont de nature réglementaire !
Kézako ? Si la loi ou la réglementation prévoit qu’une collectivité DOIT financer tel ou tel projet car il figure dans ses compétences « petit cycle », et bien à l’avenir elle le financera toute seule, sans aides des Agences de l’eau !
Faut le lire pour y croire : « Vous continuerez à renforcer la complémentarité des vos aides avec le levier régalien en faisant porter les arrêts ou réductions d’aides sur les projets qui répondent à des obligations réglementaires, comme dans les domaines de l’assainissement non collectif, de l’eau potable ou de l’élimination des déchets dangereux. »
Enfin, comme nous l’avons déjà évoqué, une mission conjointe du CGEDD et de l’Inspection des Finances travaille déjà, dans la perspective de CAP 2022 à la « modernisation » des Agences de l’eau.
Avec Arnaud Leroy à la présidence de l’ADEME, ça ne vas pas traîner...
Et c’est donc ici, tout à fait logiquement, que va aussi resurgir le spectre d’une fusion-absorption du Comité national de l’eau, déjà subclaquant depuis un an, avec le Conseil national de protection de la nature...
Voir à cet égard ce que pèse désormais le "groupe continuité" de l’abracadabrandesque CNE :
http://www.hydrauxois.org/2018/01/1392-elus-et-349-associations-demandent.html
Actant symboliquement la dissolution de l’eau dans le grand bazar hollywoodien énergie-climat-biodiv mis en scène par le GO d’Ushuaïa.
"Water lost in transition..."
RIP Agences de l’eau.
commentaires
Ne pas oublier les 500 millions d’euros payés par l’usager via sa facture d’eau, subtilisés pour aller financer des activités qui n’ont rien à voir avec le service rendu audit usager, qui justifie (en principe), le prélèvement de la redevance...
si je comprends bien, on baisse la redevance agence de l’eau pour l’usager, qui voit donc le montant total de sa facture d’eau baisser.. puis on baisse la prime pour épuration au syndicat , qui pour compenser doit augmenter son tarif d’assainissement, ce qui se retrouve sur la facture de l’usager , qui la voit donc augmenter... On tournerait pas un peu en rond ??