L’issue du conflit qui oppose depuis 2001 la ville de Neufchâteau dans les Vosges au géant français de l’eau Veolia pèsera symboliquement sur l’évolution des luttes que conduisent usagers et collectivités pour reprendre le contrôle de la gestion de l’eau, massivement déléguée en France à Veolia et Suez et Saur, leaders mondiaux des services à l’environnement. Mécontent de la manière dont l’entreprise assumait ses engagements, le maire socialiste de Neufchâteau, Jacques Drapier (PS), avait, fait rarissime, dénoncé unilatéralement en 2001 les deux contrats antérieurement signés avec la multinationale. Puis créé une régie autonome qui a multiplié les innovations et fait depuis lors figure de modèle. Attaquée par l’entreprise au tribunal administratif, devant lequel Veolia réclamait la somme exorbitante de 7,3 millions d’euros pour rupture unilatérale des contrats, la ville, d’abord confortée dans sa position lors d’une première audience en mai 2006, vient d’être condamnée par le Tribunal administratif de Nancy le 31 décembre 2007 à verser 1 674 951 euros à la Compagnie des eaux et de l’ozone. La mairie annonçait le lundi 7 janvier 2008 qu’elle allait étudier très rapidement l’éventualité de faire appel de ce jugement devant le Conseil d’Etat, tandis que de nombreux témoignages de solidarité affluaient à Neufchâteau.
Neufchâteau se situe à l’ouest du département des Vosges dans le secteur des villes d’eau Vittel et Contrexéville.
La ville est principalement commerçante et administrative puisqu’il s’agit d’une sous-préfecture. Elle dispose d’une industrie du meuble qui compose l’essentiel de l’activité économique locale, avec en complément une fromagerie et une industrie de traitement des corps creux plastiques destinés au recyclage dans le cadre de la filière nationale Valorplast.
Neufchâteau fait partie d’une communauté de communes regroupant 13 collectivités qui vont de 100 à 8000 habitants, et qui compte au total 13 200 habitants. Le maire de Neufchâteau en est le président, et il est également conseiller général des Vosges depuis mai 2004.
La commune, forte de 8040 habitants, compte quelques 3650 abonnés et produit environ 600 000 m3 d’eau par an. Elle compte également pour la partie assainissement deux industriels qui ont signé des conventions spéciales de déversement de leurs effluents dans les réseaux collectifs.
Jacques Drapier témoigne volontiers de son expérience, devenue emblématique, de la gestion de l’eau dans sa commune.
« Le service des eaux de Neufchâteau fut dans les années 65-70 et pendant une vingtaine d’années, concédé par contrats successifs à la Compagnie des eaux et de l’Ozone filiale de la Générale des Eaux, elle-même aujourd’hui filiale du groupe Veolia.
« Mon prédécesseur a prorogé la gestion de l’eau de la commune en 1988 pour trente ans à la Compagnie de l’eau et de l’ozone (CEO). Elu en 1989, j’ai fait de même pour l’assainissement en 1993, quelques semaines avant la promulgation de la loi Sapin, sous forme d’un contrat d’une durée de 30 ans, qui courait donc jusqu’en 2023...
« J’avais décidé d’affermer le service d’assainissement à cette époque, car cela m’apparaissait comme la seule solution pour réaliser des investissements importants et peu valorisants sans pénaliser les finances communales. A cette occasion un droit d’entrée de 75 000 euros fut versé pour réaliser un giratoire en ville. Celui-ci aura probablement coûté plus cher que si un emprunt bancaire avait été réalisé puisque les taux d’intérêts appliqués sur le droit d’entrée sont de l’ordre de 10 à 12%...
"Au bout de 7 ans, je me suis aperçu que je ne maîtrisais absolument plus le prix qui était facturé aux usagers.
"Or, quelle est la légitimité d’un élu qui ne se soucierait pas du pouvoir d’achat de ses administrés ? Pour moi c’est cela la "politique de la civilisation"...
Bras de fer
De 1993 à la fin de 1999 c’est en fait un bras de fer permanent qui s’établit entre le maire et les dirigeants de la société pour de multiples raisons.
En premier lieu le prix de l’eau, que la CEO accepte de diminuer de 15 centimes de francs alors que la formule de révision appliquée un mois plus tard l’augmente de 40 centimes de francs…
En second lieu l’entretien et le renouvellement du réseau. Quand la mairie demande des explications sur l’utilisation des fonds de renouvellement, elle obtient pour réponse : « Ce sont des sommes à valoir sur des changements de pièces importantes, cela ne vous concerne pas ».
Mais le principal point d’achoppement résidait dans l’opacité des comptes.
En effet, le rapport annuel du délégataire comportait, dans sa partie financière, quatre lignes en recettes et une vingtaine en dépenses… A l’issue d’entretiens houleux, le directeur régional de la CEO propose à l’équipe municipale de venir voir les livres de comptes au siège à Metz.
Mais ces livres présentaient les comptes globalisés de l’activité de tous les contrats de l’entreprise dans la région, donc, dans cette nébuleuse, impossible d’identifier clairement la comptabilité spécifique de Neufchâteau...
Au fil des années le climat se détériore.
En 2000 la mairie confie un audit à M. Jacques Michel, ancien directeur régional d’un autre grand groupe français gestionnaire et distributeur d’eau, rencontré par Jacques Drapier au cours d’une émission de télévision.
Retraité, M. Jacques Michel avait fait l’objet dans le courant des années 90 d’une tentative d’intimidation conduite par des sicaires, ce qui vaudra à ceux-ci, arrêtés en flagrant délit, des peines de prison…
Les conclusions de l’audit furent sans appel : « Si vous procédez à une rupture unilatérale de contrat, même avec versement d’une indemnité, la collectivité sera encore bénéficiaire ».
Toute collectivité a le droit de rompre un contrat unilatéralement, mais, en contrepartie elle s’expose de la part du fermier à un recours pour rupture abusive ou perte d’exploitation, c’est dire si pareille décision mérite réflexion.
La méthode d’analyse de Jacques Michel était basée sur son expérience personnelle, mais également sur des ratios calculés au plus juste en fonction des abonnés, des m3 vendus, du type de ressource, de la longueur de réseau, des installations et de leur vétusté etc. Ratios qui se sont ultérieurement révélés très proches de la réalité.
Mais la grande question était : sous quelle forme continuer le service public de distribution d’eau et de traitement d’eaux usées ?
La rupture des contrats
Jacques Drapier demande dès lors à ses proches collaborateurs, à ses adjoints et à ses conseillers de se prononcer sur l’opportunité de créer une régie, de quel type, avec quelles compétences, quel statut, quel personnel, et de lui donner les éléments financiers nécessaires à la création en termes de matériel, personnel, stock, etc.
« En dépit de mes demandes répétées d’explications, l’opacité des comptes était totale et l’entreprise me disait perdre de l’argent à Neufchâteau, poursuit Jacques Drapier. En 2001, il restait 18 ans de contrat à courir pour l’eau et 23 ans pour l’assainissement. J’ai rompu les contrats et nous avons repris l’ensemble en régie, d’abord municipale, ensuite autonome."
Il s’agit là d’une volonté politique forte de la part d’un élu averti. S’il est de la responsabilité du maire d’être attentif à la bonne gestion des secteurs de l’eau et de l’hygiène, l’abandon massif de ces compétences à des opérateurs privés depuis des décennies en France prive trop souvent les collectivités de toute capacité de contrôle de ces services publics essentiels.
Ce transfert demandait un courage politique certain et n’aurait pu se réaliser en l’absence d’unité au sein de l’équipe municipale.
Une équipe qui souligne aujourd’hui, expérience faite, que la thématique de l’eau rapproche les élus de la population. Il est donc fondamental de les impliquer dans la démarche.
Techniciens et élus soulignent aussi l’importance de ne pas se précipiter dans l’action : le temps est nécessaire pour mûrir la réflexion, et une fois l’action lancée, il est alors tout aussi important de bien médiatiser l’évènement, surtout lorsque le retour en régie atteint effectivement les objectifs fixés.
Pour ce faire il faut disposer de tous les paramètres (état du patrimoine, des finances, etc.) afin de juger sur pièce de l’effet positif d’un retour en régie. Pour cela, il ne faut pas hésiter à s’entourer des compétences externes nécessaires.
M. Pascal Cabley, directeur de la régie, réalisera ainsi un tableau récapitulatif basé sur les rapports financiers de la CEO de 1995 à 2001, et de la régie de 2001 à 2003.
La création de la Reane
Aux termes d’intenses réflexions, l’équipe municipale décide donc en 2000 de mettre un terme unilatéralement aux contrats de délégation en cours. Une décision rarissime, tant les menaces de rétorsion des entreprises pèsent lourd dans la balance. L’autre cas emblématique en la matière est celui de Castres, où un maire UMP, prenant le relais d’une contestation portée des années durant par des associations d’usagers, boutera dehors Suez-Lyonnaise des eaux, qui sera finalement déboutée de ses demandes d’indemnisation au terme d’années de guerilla procédurale.
Neufchâteau plonge donc dans l’inconnu mais n’en crée pas moins la Reane (Régie autonome de l’Eau et de l’Assainissement de Neufchateau), première régie à personnalité morale et autonomie financière créée en France depuis des lustres.
La délibération de rupture des contrats fut actée en mai 2000, avec pour objectif la reprise en régie municipale à compter du 1er février 2001. A la demande du directeur général des services, la gestion de l’ensemble des phases que compose le cycle de l’eau et de l’assainissement (de la production d’eau potable au rejet des effluents après épuration en passant par la distribution, la relève et la facturation), fut retenue sans sous-traitance ou marché parallèle.
Neufchâteau a en effet le privilège de posséder une ressource en eau suffisante, par le biais d’un champ captant composé de 4 puits à 240 mètres de profondeur pour une production de 3500 m3 par jour, ce qui évite un marché de fourniture d’eau.
En l’espace de six mois, la régie municipale était mise en place : recrutement du personnel, achat du matériel et des véhicules, élaboration d’un règlement d’eau et d’assainissement, et surtout préparation de la remise de service au 31 janvier 2001.
A cette date le prix du m3 qui pour 120 m3 par an était de 4,02 euros, est passé à 3,02 euros, puis fin 2005 à 2,98 euros toutes taxes et toutes redevances confondues.
Une augmentation en 2006 à 3,13 euros sera ensuite nécessaire pour financer la reconstruction de la station d’épuration.
L’équipe municipale a eu à répondre à des pressions de toutes sortes sur « l’erreur monumentale » qu’elle allait commettre, ou sur les compétences qu’elle ne possédait pas. Et a du répondre à des désapprobations de l’opposition municipale, voire de certains abonnés qui voyaient la remunicipalisation de ce service comme le début de la faillite…
Il faut donc dans ces cas là, pour les élus, une solidarité autour du maire qui soit sans faille, et que cette même équipe soit également convaincue du bien fondé de la démarche, en sachant que si elle est positive, c’est un outil politique de premier ordre mais qu’elle comporte des risques.
Le retour à une gestion publique est finalement intervenu 3 mois avant les municipales de 2001, la campagne ayant tourné autour de ce sujet.
Jacques Drapier fut réélu au premier tour avec 60% des voix.
Ce n’est pas simple, mais Pascal Cabley, son directeur, explique très clairement les conditions de la réussite : "Reprendre le service de l’eau, c’est d’abord choisir un mode de gestion adapté. La loi autorisant la création d’une régie autonome existe depuis 1926. Elle est sous-utilisée et c’est dommage ! De plus, au cours des années, plusieurs amendements à cette loi ont permis aux régies de travailler avec leur propre comptable, d’avoir un compte bancaire dans un organisme privé, et de pouvoir ainsi gérer, de façon dynamique, les comptes et d’offrir aux usagers des modalités modernes de paiements (TIP, carte bancaire, chèque...).
En quelques années la régie va construire ses locaux, une station d’épuration et une usine d’eau potable, pour un peu plus de 7 millions d’euros...
"Malgré ces dépenses, poursuit Jacques Drapier, nous avons réussi à baisser le prix de l’eau d’un euro par m3. Nous avons engagé un expert qui, durant deux ans, a étudié la gestion de l’eau par la CEO à Neufchâteau (réseau mal entretenu, nombreuses fuites...). Un maire doit la transparence à ses concitoyens, c’est une liberté fondamentale qu’il faut savoir reconquérir. »
Un personnel motivé
Restait à trouver les hommes qui vont savoir assurer le service public. Pascal Cabley, à l’époque responsable des services techniques de la municipalité, et aujourd’hui directeur de la régie autonome, supervisera avec son équipe la réalisation et le succès de l’opération de reprise en main de la gestion de l’eau et de l’assainissement.
Les besoins sont multiples : dans le domaine des travaux publics, pour rechercher les fuites sur le réseau, dans le domaine administratif, pour faire signer de nouveaux contrats, pour relever les compteurs et établir la facturation.
Au total douze personnes seront recrutées, dont huit pour l’entretien des réseaux d’eau et d’assainissement et des usines (usine de production d’eau, station d’épuration).
Jusqu’en 2001 quinze personnes étaient réputées travailler à temps plein sur la commune de Neufchâteau pour le compte de la CEO, sans compter les agents préleveurs et la partie administrative.
Le dialogue instauré tout au long de la procédure de transfert en régie permettra de rassurer les employés. Ainsi 4 employés de la CGE rejoindront-ils les effectifs de la Reane. Leur crainte initialement exprimée de ne se voir dotés que de très peu de moyens pour l’accomplissement de leurs tâches disparaîtra rapidement devant les investissements en matériels divers. Ce qui a permis d’établir un réel climat de confiance.
Par ailleurs la faculté offerte par la législation de recourir à différentes formes de contrats de travail (tant de droit privé que de droit public), ainsi qu’une certaine forme d’attractivité des salaires, ont permis de renforcer la satisfaction des employés de la régie, tout en confortant leur professionnalisme.
Comptant 12 personnes au total (y compris le service facturation) pour gérer la production, le traitement et les réseaux d’eau potable, ainsi que les réseaux et l’usine de dépollution des eaux usées (station biologique avec traitement physicochimique de l’azote et du phosphore, et évacuation des boues par filière de compostage), la Reane a permis de réaliser une économie de 40% en terme de charges de personnel par rapport à la situation antérieure de délégation de service public…
Une régie performante
Pour la partie technique, il était indispensable de connaître les réseaux et de disposer d’un personnel adapté et formé pour chaque type de mission.
Neufchâteau a eu la chance de récupérer trois personnes essentielles dans le système :
– le chef de la station d’épuration qui pilotait cette usine depuis 25 ans ;
– un agent connaissant très bien le maillage des réseaux d’eau, spécialisé dans la recherche de fuite ;
– la secrétaire, cette dernière connaissant bien le principe de la relève, de la facturation, et surtout les débiteurs récalcitrants
Résultat, en trois ans le chiffre d’affaire de la régie est passé de 2 400 000 euros à 1 900 000 euros. En 2007 les responsables de la Reane évaluaient à 2 800 000 euros le montant qu’auraient du acquitter les usagers, au tarif indexé suivant l’ancien contrat.
En avril 2004 la municipalité, pour se mettre en conformité avec la loi, a voté la création d’une régie autonome à personnalité morale et autonomie financière, établissement public industriel et commercial (EPIC).
Et demandé la nomination d’un comptable spécial par le préfet des Vosges. Cette comptable n’est pas un personnel du Trésor mais une fonctionnaire de la ville détachée auprès de la régie, qui gère sa propre comptabilité comme le ferait un trésorier issu du ministère des Finances.
La régie a également procédé à l’ouverture d’un compte dans un organisme bancaire et non pas auprès du Trésor Public, une possibilité récente autorisée par la loi de finances de 2004.
En termes d’investissement, et contrairement aux idées reçues selon lesquelles seuls les grands groupes investissent, la Reane a construit un bâtiment de 800 m2, dont 150 m2 de bureaux pour loger personnel et matériel d’une valeur de 450 000 euros, et une station d’épuration de 18 000 équivalents habitants d’une valeur de 3 700 000 euros, dont la réception a eu lieu en juin 2006.
En 2004 elle posait 3650 compteurs équipés de modules radio-émetteurs pour la relève afin d’optimiser celle-ci (5 jours de relève pour les 3650 compteurs), pour un montant de 430 000 euros,
Le programme de l’année 2006-2007 prévoyait la mise aux normes de la station de traitement d’eau potable pour 1 800 000 euros et celui de 2007-2008, la construction de 3 bassins d’orages pour 2 800 000 euros. Investissements portés par la régie et financés par l’Agence de l’eau Rhin Meuse.
Transparence
Les votes et les décisions sont assurés par un conseil d’Administration composé de 6 élus, de 2 représentants des abonnés et 1 représentant du personnel de la Réane. Le président du conseil d’administration est l’Adjoint à l’environnement de la ville, M. Dominique Barret.
Le fonctionnement d’une telle régie entraîne certes des contraintes pour les opérateurs mais décharge sérieusement les élus de la ville dans leur responsabilité vis-à-vis de l’environnement.
Le système permet également de diriger la régie en complète autonomie, comme une entreprise privée et dans une parfaite transparence, la seule condition étant de déposer chaque année un bilan (compte financier) auprès du Préfet des Vosges, qui le transmet pour vérification au Trésorier payeur général ou à la Chambre régionale des comptes, et bien sur de remettre un rapport annuel que le Maire de Neufchâteau valide en conseil municipal.
Administrativement la régie demeure liée au Code des marchés publics pour les achats, les travaux et les prestations intellectuelles.
La fréquence de facturation est très importante : ici elle est trimestrielle et la facture est réelle après relève, donc plus de rejet pour des estimations trop éloignées de la réalité. Car avec une relève trimestrielle les fuites des abonnés sont identifiées rapidement, les petits malins qui retournent ou bricolent les compteurs sont également identifiés.
La comptable spéciale assure elle-même les relances et les commandements aux mauvais payeurs. Elle gère également les délais demandés par des ménages en difficulté et la régie a également contractualisé avec les services sociaux du département afin de participer au financement du fonds de solidarité.
Pour l’édition des factures, la Reane a recours à une société d’éditique locale à qui elle remet les factures et le bordereau sur CD gravé. Le lendemain celles-ci sont imprimées, mises sous plis avec enveloppe pour le retour et éventuellement un support de communication ou d’information, compostées puis déposées à la poste, qui les achemine deux jours après chez l’abonné.
Ce système permet une rentrée d’argent régulière et une gestion dynamique du compte en banque, avec placement quasi permanent d’une partie des fonds à court terme et d’une autre partie à moyen ou long terme.
Tous les moyens modernes de paiement sont en place, titre interbancaire de paiement, prélèvement automatique, chèque, liquide, carte bancaire, et la Reane a initié une réflexion sur le paiement en ligne car ces systèmes de paiement sont demandés par certains abonnés.
Avec son fournisseur de logiciel de facturation, elle travaille sur un portail abonnés ce qui leur permettrait de visualiser, via Internet, leur compte, leur consommation et même de poser des questions sur le fonctionnement, la qualité de l’eau etc.
Un opérateur dynamique
Le tout sans porter pour autant préjudice aux investissements et travaux de renouvellement, puisque dans le même temps le taux de fuites du réseau a été diminué de 20%, du fait d’une campagne de recherche de fuites par sectorisation.
Autre effet important, régie autonome, la Reane peut entrer en concurrence sur des prestations de service avec le secteur privé.
Ces statuts lui permettent donc de travailler pour d’autres syndicats qui la contactent pour de la recherche et de la réparation de fuites, la pose ou la relève de compteurs.
Disposant de ses propres locaux et matériels, et gérant de manière efficace un important stock de pièces détachées, la régie a ainsi réalisé de la recherche de fuites pour le compte du syndicat de la Frezelle.
« En conclusion, à Neufchâteau, l’intérêt du "citoyen-usager" est largement sauvegardé, puisqu’une projection nous montre que si nous étions restés en délégation, le prix du m3 d’eau serait le double de celui qu’il paie actuellement, souligne Jacques Drapier. "
La procédure engagée par Veolia
Reste que Veolia a évidemment très mal vécu de se voir éconduire avec pertes et fracas de Neufchâteau, où lui a succédé une régie municipale…
Une pratique courante, puisqu’à Châtellerault, dans la Vienne, Véolia avait également porté plainte au début des années 2000 après que son maire, M. Joël Tondusson n’ait pas reconduit un contrat d’assainissement précédemment imparti à la Générale, mais avait confié cette compétence à une structure intercommunale. Ici l’entreprise contestait cette dévolution et exigeait qu’elle soit soumise à une passation de marchés publics.
Reste qu’à Castres, ville de 56 000 habitants du Tarn, le maire UMP, M. Pascal Bugis, a lui aussi résilié unilatéralement en 2004 le contrat le liant à la Lyonnaise des eaux et a créé une régie municipale. Et c’est le tribunal administratif de Toulouse, lui-même, qui a fait annuler, en avril 2006 l’avenant au contrat d’affermage de l’eau et de l’assainissement. Car, selon les juges, " une partie des charges d’amortissement de sommes antérieurement versés à la ville par le fermier n’auraient pas du être répercutés sur les usagers ". Une jurisprudence de nature à conforter élus et usagers qui se mobilisent en faveur de la republicisation de l’eau.
Mais considérant que son éviction de Neufchâteau devait emporter le versement d’indemnités de rupture qu’elle chiffrait à rien moins que 7,3 millions d’euros, et devant le refus de la ville de payer une telle somme, Veolia s’est ensuite retourné vers le Tribunal administratif auquel elle a demandé de trancher le différent.
La CGE réclamait précisément 6 750 000 euros de dommages pour perte d’exploitation et de bénéfices et 545 000 euros pour perte d’image. L’action de Neufchâteau ayant été largement médiatisée, l’entreprise assurait sans rire devoir conduire une campagne publicitaire de 10 ans pour redorer son blason…
Or le jour de la rupture de contrat une perte d’exploitation de 500 000 euros apparaissait sur les rapports annuels du délégataire, Neufchâteau semblait donc en droit de se demander si elle n’avait pas fait une action sociale en arrêtant là le massacre.
Et la ville de s’interroger au-delà sur le fondement de la requête de l’entreprise : comment peut-on demander une indemnité pour perte de bénéfices avec de telles pertes ?
Tenant bon l’équipe municipale a mis en avant le fait que la régie a réussi en quatre ans à faire baisser le prix de l’eau, alors que la filiale de Veolia affirmait qu’elle était déficitaire et que c’était impossible.
Lors d’une première audience en mai 2006, le tribunal administratif rejetait la demande d’indemnité pour perte d’image, soulignant que la ville ne gère pas les médias et n’est donc pas responsable des articles de presse ou des reportages télévisés consacrés à Neufchâteau.
Pour ce qui concerne l’indemnité de perte d’exploitation, refusant de statuer au fond, il décidait de nommer un expert afin qu’il procède à l’évaluation du préjudice causé par la rupture du contrat, et qu’il vérifie notamment la conformité du mode de calcul présenté par la Générale des eaux.
C’est le cabinet Seceif de Nancy qui sera désigné.
Interrogé par l’Est Républicain à l’issue de cette audience, le maire de Neufchâteau déclarait attendre sereinement les conclusions de l’expert qui devait rendre ses conclusions sous trois mois. « Je suis confiant, expliquait Jacques Drapier. Surtout après le jugement de Castres, mairie UMP, qui a obtenu l’abandon complet des poursuites de son fermier à son encontre. »
Les innovations de Neufchâteau
Reconnus par les habitants de la ville comme de vrais professionnels, sérieux, exigeants et rigoureux dans leur gestion, les responsables de la régie se sont aussi souciés de l’avenir en mettant en place des formations en alternance avec des écoles spécialisées dans les métiers de l’eau et de l’assainissement, ce qui leur permettra à terme de former ses personnels de demain.
A la fin de l’année 2006, la commune de Neufchâteau adhérait à une nouvelle association, baptisée « EAU » (pour Elus, Association, Usagers) dédiée à la republicisation de l’eau et de l’assainissement. Jacques Drapier devenant membre de son conseil d’administration.
Mais la commune n’attendait pas la fin de la procédure pour mettre à nouveau en œuvre de nouvelles réformes.
Après la baisse du prix du m3, après la construction d’équipements nouveaux, les Néocastriens allaient pouvoir bénéficier d’une nouvelle mesure : la mise en place de la gratuité forfaitaire de 40 litres d’eau par jour et par foyer.
« Nos finances nous le permettent. Et au-delà d’une nouvelle baisse du prix,
partout où cette idée a été instituée, on s’est aperçu qu’elle avait un
effet important sur la consommation globale. Forcément, les gens font
beaucoup plus attention, tentant de se rapprocher au maximum de ce seuil.
C’est bénéfique pour tout le monde, soulignait Jacques Drapier ».
Par ailleurs un programme d’éveil en direction des jeunes élèves du secteur avec des journées complètes de présentation du cycle de l’eau, de son puisement à son rejet dans le milieu naturel après épuration, était mis en place en 2007 au terme des travaux engagés dans les usines pour les doter de process modernes. Journées qui s’adressent à des enfants entre 8 et 17 ans et susciteront peut-être de nouvelles vocations chez ces jeunes.
Pressions
En revanche, la commune a subi des pressions extérieures importantes, dont pâtissait la Reane sur le plan financier. Ainsi le Conseil Général des Vosges, présidé par M. Christian Poncelet, président du Sénat, refusait-il de verser à Neufchâteau le montant de la subvention initialement accordée sur les travaux de la station d’épuration, soit 720 000 euros…
Un jugement inattendu
La CEO, qui réclamait initialement quelque 7,5 millions d’euros d’indemnisation à la commune pour la perte du marché, avait été déboutée de certaines de ses revendications financières lors d’une première audience devant le Tribunal administratif en mai 2006.
Le tribunal avait en outre ordonné une expertise qui avait finalement estimé le préjudice subi par la compagnie à environ 3 millions d’euros.
A l’audience du 6 novembre 2007, le chiffrage de cette expertise avait été critiqué par le commissaire du gouvernement, qui avait également demandé un complément d’expertise, de même que la mairie.
Mais on apprenait le 5 janvier 2008 que la commune de Neufchâteau a été condamnée par le tribunal administratif de Nancy à verser près de 1,7 millions d’euros à la filiale de Veolia.
Le jugement rendu le 31 décembre 2007 a condamné la ville à verser 1 674 951 euros à la Compagnie des eaux et de l’ozone (CEO), indiquait à l’AFP M. Dominique Barret, adjoint à l’environnement et président du conseil d’administration de la Régie autonome de l’eau et de l’assainissement de Neufchâteau (Réane).
La commune devrait faire part de sa décision quant à un éventuel appel en début de semaine prochaine, indiquait-on auprès de la mairie le 7 janvier.
Une rupture bénéfique
L’affaire est d’importance, comme le souligne Patrick du Fau de Lamothe, animateur de l’association bordelaise Transcub, qui a déjà permis à la Communauté urbaine de Bordeaux de récupérer 233 millions d’euros de trop-perçus par la Lyonnaise des eaux auprès des usagers bordelais.
Car le dossier de Neufchâteau recèle décidément bien des surprises :
« La CEO avait commis une « erreur » dans l’addition de ses indemnités (sic), la demande de la CEO était en réalité de 7 765 768 euros. Le tribunal accorde 1 675 951 euros, soit 21,6 % du montant demandé par la CEO (1/5ème). Ceci confirme le caractère "abracadabrantesque" de la demande de la CEO. À travers une telle demande, la CEO manifestait une volonté de punir une petite commune.
« L’indemnité accordée par le Tribunal administratif de Nancy est inférieure à celle proposée par l’expert judiciaire (de 2 507 904 à 3 003 014 euros). Pour cela le tribunal a repris à son compte une des deux critiques fondamentales faites par la Ville, et soutenue par Mme le commissaire du gouvernement. La prise en compte de la deuxième aurait pratiquement réduit à néant l’indemnité. Il est vrai que la question soumise au tribunal posait un problème de finances, ardu à résoudre pour des magistrats... De plus, assez bizarrement, alors que les contrats, qui avaient une durée de 30 ans, ont été interrompus pour l’un 17 ans avant son terme et 22 ans pour l’autre, le tribunal n’a pas tenu compte de la charge liée aux investissements qu’auraient immanquablement été obligés de réaliser la CEO et qui auraient diminué les résultats futurs.
« Au total, depuis la rupture, la balance est largement favorable à la régie. Sur les seules consommations (donc hors abonnement), les usagers de Neufchâteau ont économisé près de 5 M€, en 7 ans, par rapport à ce qu’ils auraient du payer si la CEO avait conservé les contrats, combien en 17 ans (eau) et 22 ans (assainissement) ? Ils ne paieront, sous réserve de l’appel à intervenir, que 1,7 M€.
« Cet exemple confirme qu’il n’y pas lieu de craindre une rupture des contrats, encore faut-il l’organiser. De plus, ici la commune de Neufchâteau est pénalisée par l’extrême longueur des contrats (30ans). La limitation par la loi à 20 ans de la durée et en pratique de 9 à 12 ans permettra de diminuer ce risque. D’autant plus qu’il est parfaitement possible aujourd’hui d’évaluer, a priori, l’indemnité future.
« Enfin, le mode de présentation des résultats de la CEO ne respecte pas les règles du plan comptable. Le maire de Neufchâteau pourrait donc en outre déposer une plainte pénale pour ce motif. »
Contact :
Régie autonome des eaux et de l’assainissement de Neufchâteau (Reane)
110, impasse Lavoisier
88300 Neufchâteau
Dominique Barret, adjoint à l’environnement de Neufchâteau et président du Conseil d’administration de la Reane
Pascal Cabley, Directeur de la Reane
Tel : 03 29 06 87 80
Ville de Neufchâteau
28, rue Saint-Jean
88300 Neufchâteau
Jacques Drapier, Maire
Martine Blasutto-Hofer, Directrice de cabinet
Tel : 03 29 95 20 20
Mel : cabinet.maire@mairie-neufchateau.fr
A SONG :
commentaires
Vincennes 94300 le 26 février 2008
à monsieur le Maire
nous vous apportons aussi notre soutient dans votre combat
que vous menez pour la bonne gestion de l’eau dans l’intérêt de vos concitoyens
Bonne chance
Annie Montel et Serge Montel
Néocastriens d’origine
Vive le progrès...
Si quelque voyageur du futur expliquait à un homme prehistorique que des fortunes se batiraient sur la distribution de l’eau, il éclaterait probablement de rire.
Aujourd’hui tout est source de profit, de l’eau au vent (l’information)...
Monsieur le Maire
Je vous apporte mon soutien moral dans le combat que vous menez pour la bonne gestion de l’eau dans l’intéret de vos concitoyens.
Courage, il faut tenir. Robert