Castres fait depuis plusieurs années figure d’emblème, depuis que le maire (UMP) de la ville, M. Pascal Bugis, a décidé en 2004 de rompre unilatéralement le contrat qui liait la ville à la Lyonnaise des eaux. Intervenant après des années de combat acharné conduit par une association d’usagers, cette rupture, qui a conduit l’entreprise à intenter un procès toujours en cours, a entraîné la création d’une régie publique qui semble apporter toute satisfaction à la population. Le quotidien La Dépêche, qui a suivi ce conflit durant plusieurs années, évoquait à nouveau « l’affaire de l’eau » castraise, dans son édition du 12 février 2008.
Notre confrère Jean-Marc Guilbert de la Dépêche a rendu compte des réponses apportées par plusieurs candidats aux municipales aux questions que leur ont adressé le Comité des usagers de Castres. Un éclairage instructif.
Le service de l’eau et de l’assainissement a donc été remunicipalisé en 2004, après que la décision en ait été prise par le maire et son conseil.
Cette rupture unilatérale du contrat signé en 1991 avec la Lyonnaise des Eaux fait d’ailleurs toujours l’objet d’un contentieux judiciaire devant le tribunal administratif.
C’est l’action engagée par le comité des usagers de l’eau qui avait permis préalablement d’établir que le prix de l’eau appliqué par la Lyonnaise était illégal.
Illégal, parce qu’il intégrait une part de remboursement des « droits d’entrée », d’un montant de 96 millions de francs, versés par l’entreprise à la collectivité lors de la signature du contrat.
Si l’eau a coulé sous les ponts depuis lors, le comité des usagers est resté très actif. Georges Carceler, l’un de ses membres, représente les usagers au sein de la régie municipale « Castraise de l’eau » qui gère aujourd’hui l’eau et l’assainissement dans la commune.
On notera donc, et c’est loin d’être anecdotique, que les usagers sont désormais partie prenante de la gestion de l’eau dans leur ville…
Expérience faite, le comité des usagers tire un bilan et souligne les nombreuses avancées dont bénéficient les castrais(es) : tarifs, traitement des boues, remplacement des branchements en plomb : « Tout en étant conscient que l’on peut améliorer cette gestion, nous sommes satisfaits du départ de la Lyonnaise. Sous sa gestion, faut-il rappeler qu’en 14 ans, le prix de l’eau avait augmenté de 40 % et la redevance d’assainissement de 105 %. », commente Noël Legaré, figure historique du comité.
Le comité vient donc d’écrire aux quatre prétendants qui se présentent aux municipales, et leur a adressé deux questions :
– « Quelle est votre position pour le maintien en régie autonome du service public de l’eau et de l’assainissement ? »
– « Quelle est votre position pour une action au tribunal d’instance pour récupérer les sommes versées par la commune et indûment perçues par la Lyonnaise, et pour organiser une assistance juridique et technique afin d’aider les usagers à récupérer leur dû ? »
La Dépêche publiait leurs réponses dans son édition du 12 février 2008 :
Pascal Bugis, maire actuel (UMP) : « Le contentieux est en cours »
Sur l’avenir de la Castraise de l’Eau,il indique : « J’ai souhaité la création de cette régie. Je me vois mal aujourd’hui souhaiter un changement de gestion ! »
Quant aux indemnisations de la ville et des usagers, Pascal Bugis ajoute : « Concernant le remboursement des sommes indûment payées sur les consommations d’eau de la ville, je considère que c’est une affaire en cours devant le tribunal administratif. Nous sommes en procès avec la Lyonnaise et il y a des demandes croisées. Ces sommes sont comprises dans le contentieux général. » Et sur l’aide des usagers pour se faire rembourser : « Ce n’est pas une compétence de la commune. Des associations ou syndicats peuvent aider les usagers dans ce type de démarche. Mais pas la ville. Elle peut être bienveillante vis-à-vis de ces démarches individuelles, mais au delà, cela me semble poser un problème juridique. »
Philippe Folliot (DVD) : « Je n’ai pas de dogme »
Très offensif sur ce dossier, Philippe Folliot indique : « Malheureusement, le maire a résilié un contrat de délégation dans des conditions juridiques très mal maîtrisées car le contentieux en appel actuellement peut coûter très cher à la ville et aux contribuables. Il eût été préférable d’exiger de la justice la réforme d’office du contrat de délégation pour en extraire le contenu non conforme au bon calcul du prix de l’eau. Aujourd’hui, le maire n’informe plus correctement les usagers de l’eau de l’exploitation du service par la Castraise car comment expliquer un prix de l’eau qui a augmenté contrairement à toutes ses annonces ? Je confirme donc que je n’ai pas de dogme quant à savoir si le service public de l’eau doit être géré en régie ou par délégation mais qu’à l’inverse, j’aurai l’exigence du bon exercice de ce contrôle. Par ailleurs, l’usage de l’eau doit s’intégrer dans une démarche citoyenne de réduction des consommations. »
Philippe Guérineau (DVG) : « Il faut remonter à la source »
Il est nécessaire de rappeler le scandale de la privatisation de l’eau par la droite le 1° janvier 1991. Pascal Bugis était alors conseiller municipal en charge des affaires juridiques de 1989 à 1995, dans la municipalité de Jacques Limouzy. (...) Aujourd’hui, les habitants de Castres sont en droit de demander le remboursement des sommes trop perçues par la Lyonnaise des Eaux sur leurs factures (de 1991 à mi-2004, le préjudice moyen subi par les usagers est de 1200 €). La commune a elle aussi subi le même type de préjudice. Je suis intervenu à plusieurs reprises pour que la Ville s’engage à informer, aider et soutenir les usagers auprès de la justice. Oui, les bénéfices dégagés doivent revenir à l’eau et non comme auparavant aux actionnaires de la Lyonnaise. La régie doit donc continuer. La gestion de l’eau est un domaine qui doit relever du service public Je m’engage à ce que la Commune apporte une assistance juridique et technique afin d’aider les usagers à récupérer leur dû.
Samuel Cèbe (PS) : « Pour le maintien en régie »
Beaucoup de pugnacité et une bonne dizaine d’années d’actions du comité de défense des usagers de l’eau ont été nécessaire pour que ce service retourne dans le domaine public. Dès l’été 2004, le tarif de l’eau et de l’assainissement a baissé de 10 %. Je salue ici le travail du comité des usagers. Aujourd’hui, très clairement, je souhaite le maintien en régie autonome du service public de l’eau et de l’assainissement à Castres. D’autre part, le comité des usagers se prépare à de nouvelles mobilisations afin d’obtenir le remboursement aux usagers des sommes indûment versées. En accord avec l’Assemblée Mondiale des Citoyens et des Elus pour l’Eau, réunie à Bruxelles en mars 2007, je soutiens pleinement cette action. Une fois élu je m’engage à apporter une assistance juridique et technique afin d’aider les usagers à récupérer leur dû. Mais compte tenu du contentieux en cours et notamment de la manière dont Pascal Bugis a géré ce dossier, le contribuable castrais n’est pas sorti d’affaire.
Lire aussi :
Le PC et les Verts s’en prennent à la Lyonnaise. La Dépêche, 1er décembre 2000
La victoire du comité des usagers. La Dépêche, 21 novembre 2001
Un imposant volet du conflit de l’eau se referme, La Dépêche, 13 février 2006
La ville crie victoire, mais la Lyonnaise contre-attaque. La Dépêche 7 avril 2006
Le dossier des municipales :
Les mobilisations pour l’eau dans plusieurs dizaines de villes françaises