L’affaire est sans précédent. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), un opérateur de l’Etat dont les études servaient de caution depuis vingt ans aux partisans de l’irrigation à outrance comme à l’Etat, vient, dans un communiqué de presse en date du 13 février, de faire voler en éclats la fable de la « scientificité » de ces fameuses études, qui lui avaient en fait été commandées par une coopérative d’irrigants du Marais Poitevin, dans le cadre des activités « commerciales » du BRGM, un établissement public industriel et commercial (EPIC) qui autofinance ainsi une partie de ses activités.
Ce « coming out » intervient dans un moment de vive tension entre les irrigants et l’Etat et les opposants aux mégabassines, qui préparent une nouvelle manifestation nationale le 25 mars prochain.
Il intervient dans un contexte où de nombreux scientifiques viennent de multiplier les critiques contre les « études » du BRGM, ce dont les medias, locaux et nationaux, se sont largement fait l’écho.
Il surgit alors que le 3 février dernier, dans le Marais, devant une salle comble qiu accueillait plus de 250 citoyen-ne-s, Anne-Morwenn Pastier, docteure en sciences de la Terre et auteure d’une thèse en hydrologie et géologie, exposait point par point les insuffisances du rapport du BRGM au sujet de l’impact des bassines sur les nappes d’eau souterraines et les cours d’eau.
La presse nationale, largement présente à une conférence de presse organisée à Paris le 30 janvier (Libération, Le Monde...), a également relayé en boucle cette contre-expertise durant plus d’une semaine. Ce serait un euphémisme de dire que cette première contre-expertise a fait mouche !
Aussi le 13 février dernier, dans un communiqué de presse, le BRGM s’est résolu à préciser qu’il n’avait fait que répondre à une demande (commerciale) de la Société Anonyme de l’eau (la coopérative des irrigants) et de la CACG (Compagnie d’aménagement des côteaux de Gascogne) sur la base des éléments fournis par celles-ci, impliquant certaines limites à l’exercice !
Un aveu ravageur.
- Le BRGM concède ainsi que la période (2000-2011) « sur laquelle s’est basée son étude ne prend pas en compte les conditions météorologiques récentes et encore moins futures » en faisant référence aux périodes des sécheresses hivernales qui vont s’amplifier. Le BRGM estime pourtant qu’il est important de prendre en compte les évolutions climatiques en cours.
– Le BRGM reconnaît ensuite, contrairement à son tweet du 9 août 2022, que son étude ne concerne pas les impacts à une échelle très locale.
– Enfin le BRGM y précise que « son rapport n’est pas une étude approfondie, ni une étude d’impact de toutes les conséquences possibles des prélèvements d’eau envisagés.
– Il ne s’agit pas non plus d’un article de recherche scientifique soumis à l’évaluation de la communauté scientifique. Il s’agit d’une étude répondant à une commande précise, donnant lieu à un rapport technique permettant de répondre aux questions posées avec les limites associées ».
Nonobstant, il n’en conclut pas moins à une amélioration de l’état des nappes et cours d’eau au printemps et en été après la mise en service des bassines…
Cela pourrait laisser penser que les volumes transférés de l’été vers l’hiver pourraient être disponibles pour les irrigant-e-s non relié-e-s aux bassines, mettant à mal le principe même de la substitution.
Ceci alors même que les connaissances sur le fonctionnement des milieux aquatiques sont en cours d’acquisition et qu’il n’y a actuellement aucune garantie sur l’accès à l’eau en été.
Dans le cadre de ces études, ne doutons pas qu’il y aura des pressions pour les orienter vers des possibilités de prélèvement au détriment des milieux naturels en se basant sur des indicateurs inadaptés pour protéger les milieux aquatiques mais favorables pour l’irrigation comme c’est le cas actuellement.
L’implication de l’Etat, garant du respect de la loi sur l’eau pour une gestion équilibrée de notre patrimoine commun, sera à scruter attentivement.
Enfin, le BRGM précisait qu’il va falloir attendre jusqu’à la fin 2024 pour connaître les résultats d’une nouvelle étude, et un délai indéterminé pour une éventuelle étude d’impact globale, ce qui signifie clairement que les BASSINES en cours de construction sont basées sur des études peu rigoureuses et incomplètes sur la ressource réellement disponible, notamment pour le remplissage hivernal !
Un tournant
Le communiqué diffusé par le BRGM suite à l’analyse critique de son étude commandée par la Coop de l’Eau 79 est un lâchage en règle de son client, la dite Coop de l’Eau 79.
Dans le monde de l’expertise technique (bureaux d’études, sociétés de conseil, consultants....), c’est quasiment du jamais vu en raison de la confidentialité contractuelle entre le client et le prestataire de services qui, lui, ne s’exprime jamais puisque le rapport appartient totalement au client.
Le point où le BRGM est donc moralement et déontologiquement redevable en tant qu’organisme scientifique, c’est d’avoir laissé son client "SA Coop Eau 79" dire des bêtises à partir d’une sur-interprétation de ses propres résultats pendant des mois. De fait, le BRGM reconnaît que le "modèle bassines" ne marche(-ra) pas. Il était temps.
Sachant son modèle Jurassique fort limité à grande échelle (c’est à dire petite taille spatiale), le BRGM n’aurait jamais dû accepter une telle commande mais il a dû avoir des pressions politiques et hiérarchiques.
La Coop de l’Eau 79 et la Chambagri 79 doivent être bien fâchées avec la direction du BRGM après ce communiqué.
BRGM, CACG... c’est tout le problème de ces organismes de nature hybride public-privé, EPIC ou SEM, et répondant à des commandes privées, contrairement aux organismes techniques ou scientifiques 100% publics qui, soit restent indépendants (CNRS), soit sortent du jeu sur la pointe des pieds (ex : l’INRAE qui ne se mouille pas sur les bassines) même s’ils avalent des couleuvres de temps en temps.
Le BRGM risque gros dans cette affaire en matière de réputation scientifique à partir de ce seul point de "laisser dire que"...
Enfoncer le clou
Le Collectif Bassines Non Merci considère que ces nouveaux éléments ne font que conforter l’échec du protocole d’accord, le caractère « hasardeux » de ces projets, qui reposent sur un simple "pari" d’une ressource en eau suffisante pour le remplissage de ces méga-bassines sans une étude scientifique rigoureuse et intégrant tous les impacts possibles des bassines, quantitatifs et qualitatifs, à l’échelle des bassins versants comme à l’échelle très locale des forages.
Afin d’informer l’ensemble des citoyen-ne-s, élu-e-s, agriculteur rices et acteur-e-s sur les enjeux autour de l’eau et de l’agriculture sur le territoire, le Collectif Bassines Non Merci organise 2 nouvelles réunions publiques ouvertes à tou-te-s
– Mardi 28 février à 20h30 à la salle des fêtes de Prin-Deyrançon
Présentation de la contre-expertise du rapport du BRGM par Anne-Morwenn Pastier suivie d’échanges autour des enjeux du partage de l’eau et de l’agriculture en présence de la Confédération paysanne, Benoît Biteau, paysan et député européen, et Patrick Picaud de Nature Environnement 17.
– Vendredi 3 mars à 20h30 à la salle des Fêtes de Saint-Hilaire la Palud
Présentation du rapport du BRGM par Anne-Morwenn Pastier.
L’article ne représente pas du tout ce qui est inscrit dans le communiqué de presse du BRGM... A en croire l’article le BRGM renierait toute son étude, ce n’est pas le cas. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le BRGM "lâche" son client et fait voler en éclat la scientificité...
Quant au fait d’écrire des articles scientifiques, s’il fallait faire du peer review pour tous les projets ayant un impact sur l’environnement, on n’avancerait plus beaucoup ! Mettons tous les ingénieurs ne faisant pas de peer review au chômage !