Le 6ème Forum mondial de l’eau, comme le Forum alternatif, étaient tout entiers dominés par la question lancinante du « Droit à l’eau » qui, depuis quelques années, symbolise toutes les ambiguïtés et tensions que génèrent la question de l’eau, et la crise de l’eau. Le Forum de Marseille, là aussi, fait figure d’échec cinglant, mais nous fournit l’occasion d’interroger ce concept fourre-tout, malmené, qui incarne désormais, à son corps défendant, toutes les ambiguïtés de la question de l’eau.
Vous pouvez sauter l’introduction ci-après qui, sait-on jamais, pourrait vous incliner à ne pas lire la suite, ce qui serait dommage.
Le « droit à l’eau », horizon indépassable de notre temps ?
Faites le test. La prochaine fois que vous participerez à un débat, un atelier, un side-event, une séance de coaching, que vous passerez votre entretien d’embauche dans une multinationale, une ONG, une com-com, à la Banque mondiale, le tout bien évidemment désormais placé sous l’égide du « Droit à l’eau », horizon indépassable de notre temps, posez innocemment la question ci-après à l’animateur-interlocuteur-chef bureaucrate garde-chiourme que vous avez en face de vous :
« Vous diriez que le « droit à l’eau » c’est un droit-liberté ou un droit créance ? »
Comme dans la vie vous avez beaucoup de chance, et que le RAID n’est pas encore revenu de Toulouse, votre interlocuteur, stalinien émérite, élu méritant, gourou d’ONG, G.O. des multitudes, bref chef bureaucrate professionnel à plein temps, va immanquablement interpeller un autre participant au débat, et enchaîner mielleusement : « Oui, on prend deux ou trois autres questions avant de répondre, oui, vous, madame ? », ce qui,comme chacun sait, et comme l’enseignent les cours online de la maison Borniol, constitue le b-a-b-a de l’enterrement en fanfare des interruptions des emmerdeurs de service qui rompent le bel ordonnancement des cérémonies officielles, comme celles désormais organisées tous les quatre matins, le midi, le soir, le dimanche, pendant les vacances scolaires, autour du « Droit à l’eau », horizon indépassable de notre temps.
Car les débats sur le « droit à l’eau », çà pullule, ça prolifère, y en a partout, tout le temps. Pire que la dengue, la peste et le choléra réunis.
Après les mobilisations pour l’indépendance de l’Algérie, contre l’apartheid, mai 68, pour le droit à l’avortement, pour les bébés-phoques, après les radio-libres, après SOS Racisme, Solidarnosc, le réchauffement climatique, on en passe et des pires, maintenant on a le « droit à l’eau » ad nauseam, l’épouvante, la guéhenne.
Généralement, enfin toujours, on assiste donc à ce spectacle inouï de voir une galerie de pingouins analphabètes brasser du vent pendant des plombes en racontant littéralement n’importe quoi, ce dont tout le monde se contrefout éperdument puisque c’est là qu’il faut être, « the place to be », pour persévérer dans son être.
Ca doit être cela l’éducation populaire au XXIème siècle. Côté casting y a jamais de surprise : le capitaine d’industrie (de l’eau) gavé de bonus et de stock options, la bonne sœur à moitié défroquée qui gère des fonds de placement aussi éthiques qu’équitables, le p’tit chef d’ONG qui traite son personnel comme n’oserait même plus le faire le sous-chef de rayon de Franprix, le chargé de mission de la com-com qui représente son président (stal droit dans ses bottes ou libéral dingo avec la Chambre régionale des comptes aux basques, c’est pareil), empêché par la session départementale de la FNSEA ou du MEDEF, à quoi vous ajoutez l’indispensable quota de bureaucrates en tout genre que l’affaire arrange bien côté RTT, ainsi que les folkloriques représentants des « multitudes », « Ah que l’eau c’est pas une marchandise », et vous avez donc le panel standard du débat, obligatoire, sur le « droit à l’eau », qui dans pas longtemps, au train où çà va, fera figure de sésame pour l’acquisition de la nationalité française.
« Pourquoi tant de haine ? »
La connerie est mortifère, la bêtise universellement partagée une catastrophe absolue qui éloigne irrémédiablement toute perspective de voir advenir les « jours heureux »…
Les débats actuels, incessants, autour du « Droit à l’eau » témoignent d’une confusion invraisemblable qui contribue à renvoyer ce concept flou, ambigu, éminemment complexe, aux poubelles de l’histoire.
En témoignent donc ces abus de langage constants qui mélangent allégrement tout et n’importe quoi, pour le plus grand bonheur des opposants farouches à toute extension du champ des droits humains.
Et commençons donc par le commencement en revenant à ces distinctions élémentaires opérées depuis des siècles dans le champ du droit entre, au cas d’espèce, « droit-libertés » et « droit-créance ».
Sans ce détour point de salut, comme on le comprendra aisément en ayant mesuré toute la portée de ce distinguo.
Car c’est seulement à partir de là que nous allons pouvoir commencer à nous interroger sérieusement sur la définition, l’étendue, la portée, les implications, de ce fameux « droit à l’eau », aujourd’hui accommodé à toutes les sauces par des nuées de pompeux cornichons dont on aura compris qu’ils nous insupportent au-delà du raisonnable.
Bref historique du « Droit à l’eau »
Dans un article intitulé « Le droit à l’eau, l’ONU dit oui », publié le 9 août 2010 par la Libre Belgique, Riccardo Petrella, président de l’Institut Européen de Recherche sur la Politique de l’Eau (IERPE), livrait une éclairante contextualisation d’un événement qui a depuis lors fait couler beaucoup d’encre. Il en soulignait l’importance, mais n’en dissimulait pas les limites.
« Il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que le milliard et demi de personnes sans accès à l’eau potable et les 2,6 milliards sans même accès à des latrines publiques fassent partie des humains ayant droit à une vie digne de leur nom.
Ce 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies a finalement approuvé, par 124 voix favorables, 41 abstentions et aucun vote contraire, la résolution "Le droit à l’eau potable et à l’assainissement" présentée par un groupe de 35 pays du "Sud" du monde (aucun pays de l’Union européenne n’y figure, très édifiant !).
L’initiative de la résolution a été prise par Evo Morales, président de la Bolivie, engagé depuis toujours dans la défense du droit à l’eau et de l’eau comme bien commun. L’une des premières décisions qu’il prit après son élection, fut de nommer un ministre de l’Eau et d’inscrire le droit à l’eau dans la Constitution du pays.
L’idée d’une résolution des Nations unies sur le droit à l’eau fut proposée par Evo Morales à la "Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre Mère" qu’il organisa en mars 2010, dans le but d’élaborer un plan global d’action pour la sauvegarde de la vie des peuples et de la Terre Mère, face à l’échec des propositions et négociations imposées par les puissants du "Nord".
Des trois points affirmés par la résolution, le plus important est le premier qui dit "L’Assemblée Générale déclare que le droit à l’eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et des tous les droits de l’homme".
Le deuxième point, peu innovateur, se limite à inviter les Etats et les organisations internationales à fournir des ressources financières et à favoriser des transferts de technologies, dans le cadre de la coopération internationale en faveur des pays en voie de développement.
Le troisième est de nature tactique : la résolution donne son soutien aux travaux en cours du rapporteur spécial sur le droit à l’eau du Comité des droits humains des Nations unies.
Le premier point suffit cependant pour considérer la résolution comme un fait historique important, un pas en avant significatif sur le chemin de l’accès à l’eau potable pour tous.
S’agissant d’une résolution non contraignante, elle n’a aucune valeur juridique. Les Etats et les organisations internationales n’en tirent aucune obligation. D’ailleurs ce ne serait ni la première ni la dernière fois que les Etats, surtout forts et grands, ignorent, voire agissent contre, les résolutions de l’Onu, même contraignantes.
Il est évident cependant que 62 ans après la Déclaration universelle des droits humains, le droit à l’eau est pour la première fois formellement reconnu par la plus importante autorité politique mondiale.
Les Etats pourront continuer à ne pas respecter le droit à l’eau, mais désormais le principe de ce droit est introduit dans le patrimoine mondial des principes.
Le "progrès" de la civilisation humaine se fonde toujours sur l’affirmation de principes. Sans principes "constitutionnels", il n’y pas d’"Etat de droit", ni de justice, ni de liberté. On se rend compte de cette simple vérité ces derniers temps en Italie.
L’histoire démontre qu’une fois affirmés, les principes donnent aux êtres humains une grande force émancipatrice, une légitimation inaliénable, un pouvoir de lutte et de revendication qu’aucune "puissance" ne peut, à long terme, effacer ou affaiblir.
Tôt ou tard, le principe se réalisera. C’est pour cette raison que les principes font peur aux dominants. La résolution reflète encore une fois une nette division "Sud-Nord". 33 des 35 pays signataires de la proposition proviennent du "Sud".
Parmi les pays qui se sont abstenus, après avoir essayé durement de torpiller la résolution, figurent les USA, le Japon, le Canada, Israël, l’Australie et, bien entendu, le Royaume-Uni, auxquels s’ajoutent 15 autres pays de l’Union européenne, parmi lesquels on trouve l’Autriche, la Pologne, la République tchèque et aussi (hélas) la Suède, le Danemark, les Pays Bas
La très grande majorité des « oui » vient des pays de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie (le groupe Bric : Brésil, Russie, Chine et Inde, ensemble ils représentent 2,8 milliards de personnes, a voté pour. Onze pays de l’UE seulement ont voté pour le oui, parmi eux aussi l’Italie (une surprise qui pose quelques questions) et la France (une vraie mystification).
Pas de "surprise", en revanche, pour le vote favorable de la Belgique, de l’Allemagne, de la Norvège, de l’Espagne et, en dehors de l’UE, de la Suisse.
On peut constater que les dirigeants de nombreux pays du "Nord" n’aiment pas que l’on puisse, pire doive, parler de droits, en particulier des droits collectifs, fondamentaux, qui comportent une responsabilité sociale collégiale et sont indissociables des biens communs, patrimoine de l’humanité et de la vie.
Quelles peuvent être les implications de la résolution pour l’Union européenne qui, on l’a vu, a été incapable d’exprimer une position commune ? Pour la Commission européenne, qui ces dernières années a ouvertement pris position en faveur de la marchandisation de l’eau et a exprimé, avec force, sa préférence pour l’inclusion des services hydriques parmi les services d’intérêt économique et, donc, disponibles au marché, la résolution constitue une gifle politique et morale.
La vie, lui dit l’Onu, n’est pas une marchandise. La résolution devrait inciter la Commission à abandonner son mépris croissant des droits humains et des biens communs.
Pour le Parlement européen, en revanche, qui a adopté depuis 2003 plusieurs résolutions en faveur du droit à l’eau, elle devrait le conduire à renforcer ses engagements dans cette direction.
Je pense, en particulier, à la révision de la politique de l’eau envers l’Afrique, à l’exclusion des services hydriques des négociations commerciales bilatérales et OMC, à l’abandon des MBI (Market Based Instruments) comme solution clé pour la promotion du développement durable et pour la lutte contre la sécheresse, les inondations et le changement climatique au sein de l’UE.
Il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que le milliard et demi de personnes sans accès à l’eau potable et les 2,6 milliards sans même accès à des latrines publiques fassent partie des humains ayant droit à une vie digne de leur nom. »
Enjeux et stratégies
Difficile d’être en désaccord avec cette analyse mesurée. Riccardo Petrella ne dissimule pas le chemin restant à accomplir. L’affirmation des principes est fondamentale pour tout progrès des droits humains, qu’elle a historiquement anticipé.
Reste que sur ces bases et depuis lors on assiste à un « grand jeu », sous forme de partie de billard à multiples bandes qui devrait conduire à n’aborder la question qu’avec un surcroît de circonspection.
Il est ainsi inexact formellement, comme on l’entend affirmer trop souvent que « le droit à l’eau » est un « droit humain fondamental inaliénable », car cette formulation laisse à entendre que tout être humain pourrait désormais s’en prévaloir, au regard du droit international, ce qui est faux.
Enfin les stratégies des différents acteurs intéressés à la question sont infiniment plus subtiles que ce que l’on pourrait supposer. Ainsi des entreprises comme Suez ou Veolia trouvent désormais dans les débats récurrents sur le « droit à l’eau », en en revendiquant le concept et la mise en œuvre, l’occasion de re-légitimer leur business, s’alliant pour ce faire avec une galaxie d’ONG complices, entreprises et « ONG » affrontant de concert, au nom de leurs intérêts bien compris, des Etats qui ne veulent surtout pas d’une reconnaissance formelle du « droit à l’eau », qui permettraient à leurs ressortissants de les traduire devant la justice…
A proclamer dès lors urbi et orbi que « le droit à l’eau est l’horizon indépassable de notre temps », on fait ainsi le jeu des multinationales que l’on vilipende par ailleurs…
Multinationales expertes en double jeu et double langage comme on va le voir.
Le « droit à l’eau » figure donc désormais à l’agenda onusien.
Du coup des pressions intenses s’y exercent afin d’y faire valoir les intérêts des multinationales comme ceux de la société civile mondiale.
Les multinationales ont toujours considéré l’eau comme un produit, un bien économique. Depuis quelques années, elles recyclent les avancées sociales et les idées des « altermondialistes », modifient leur discours et affirment désormais que « l’eau est un droit humain », mais qui doit bien sûr être mis en oeuvre en partenariat avec le secteur privé. Une impressionnante opération de lobbying et de relations publiques pour laquelle elles mobilisent des moyens considérables.
Comme en témoigne notamment l’activisme déployé par M. Gérard Payen toujours présenté en sa qualité de « conseiller du secrétaire général des Nations unies pour l’eau et l’assainissement », lors même qu’il est d’abord et surtout, en tant que l’un des très hauts dirigeants de la multinationale Suez-Lyonnaise des eaux, le président de la Fédération internationale des opérateurs privés de services d’eau (Aquafed).
Interrogé par le quotidien français Le Monde, à l’ouverture du 6ème Forum mondial de l’eau à Marseille, Gérard Payen exprimait clairement sa position :
– Le Monde : La question de l’accès a l’eau ne fait-elle pas oublier celle de l’assainissement ?
– Gérard Payen : Le droit a l’eau reconnu par les Nations unies en 2010 porte sur l’accès a l’eau potable et sur l’assainissement. Il y a dix ans, lors du sommet de la Terre de Johannesburg (Afrique du Sud), un objectif concernant l’accès à un assainissement de base avait déja été adopté. Concrètement, cela désigne le fait de pouvoir disposer de toilettes privatives dans des bonnes conditions d’hygiène et de dignité. Pourtant, les gouvernements ne voient pas tous ce sujet comme une priorité, malgré les impacts sociaux, économiques et environnementaux. Ils n’ont jamais rien fait ensemble sur cette question. Il semble qu’ils aient décide de commencer a y réfléchir a Marseille, afin de porter le sujet au prochain sommet sur le développement durable a Rio, en juin.
Par ailleurs, la raréfaction de la ressource en eau doit conduire a des mesures qui permettent aux différents usages de cohabiter de façon pacifique. Il ne s’agit pas de répartir la pénurie, mais d’organiser une utilisation successive des eaux. Cela signifie en particulier que l’agriculture doit s’organiser pour parvenir à produire plus de nourriture sans avoir recours à davantage d’irrigation.
– Le Monde : L’opposition entre les secteurs public et privé continue de peser sur les rencontres internationales. Qu’en dites-vous ?
– Gérard Payen : Ce débat est alimenté pour des raisons idéologiques. Pour répondre aux besoins, il faut s’appuyer sur tous les acteurs. Les opérateurs ne sont que des outils. Aux gouvernements de choisir ceux qui leur conviennent le mieux. »
Nous avons vu, avec l’article de Riccardo Petrella reproduit ci-dessus que le 28 juillet 2010, après des années de pression de la société civile mondiale, sur proposition de la Bolivie, une résolution sur le « Droit à l’eau » a été votée à l’AG des Nations-Unies par 124 voix pour et 41 abstentions.
L’une des ONG qui s’était le plus battue pour cette résolution est l’ONG canadienne Council of Canadians. Sa présidente nationale, Maud Barlowe, est aussi présidente du conseil de Food and Water Watch de Washington, fait partie de l’exécutif d’International Forum on Globalization de San Francisco et est conseillère du World Future Council de Hambourg.
Maude Barlow a reçu onze doctorats honorifiques ainsi que de nombreux prix dont le prix Right Livelihood de 2005 (surnommé le Nobel alternatif), le Prix Hommage 2008 des Prix canadiens de l’environnement, ainsi que le prix de la réalisation environnementale exceptionnelle du Jour de la Terre 2009. Elle a signé et cosigné 16 livres dont le best seller international Vers un pacte de l’eau.
En 2008/2009, elle était conseillère principale en matière d’eau auprès du président de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Invitée par le 6ème Forum Mondial de l’Eau, elle a refusé d’y participer et soutenu l’organisation du FAME…
Le Council of Canadians a publié en août 2011 la version en français d’un document intitulé « Notre droit à l’eau, un guide populaire pour l’application de la reconnaissance par les Nations unies du droit à l’eau et à l’assainissement ».
Invitée par le 6ème Forum Mondial de l’Eau, elle a refusé d’y participer et soutenu l’organisation du FAME…
Marseille 2012 : un échec cinglant du « Droit à l’eau »
Le 6ème Forum mondial de l’eau de Marseille avait été annoncé depuis plus de deux ans à grand son de trompe comme devant marquer une étape décisive pour le « Droit à l’eau ». Tout avait donc été mis en scène pour offrir à la France et à l’actuel président de la République, une tribune planétaire, et faire de la « patrie des droits de l’homme », le chef de file du « Droit à l’eau… Las, l’affaire on le sait a tourné à la farce bouffonne, et n’aura enregistré, en dépit des proclamations officielles, aucun progrès réel de notre fameux « droit à l’eau ».
Ainsi, avant même l’ouverture des travaux, Amnesty international dénonçait-il le risque de voir le Forum promouvoir un "Droit à l’eau fantôche"...
Ensuite, selon une dépêche AFP, dans leur « déclaration ministérielle de Marseille », adoptée à l’unanimité mardi 13 mars 2012, 130 pays se sont pourtant engagés à accélérer la mise en œuvre du droit universel de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
Reconnu officiellement par l’Onu en juillet 2010, ce droit était encore contesté par plusieurs délégations lors du précédent Forum à Istanbul, en 2009.
« Avant on considérait que l’accès à l’eau était un enjeu pour d’autres, aujourd’hui tous déclarent qu’il y a urgence à agir, la sonnette d’alarme est tirée », soulignait devant la presse Henri de Raincourt, ministre français de la coopération.
C’est lui qui a présidé la journée ministérielle, avec 84 ministres ayant fait le déplacement.
« Le texte de cinq pages est le fruit d’un consensus après trois années de négociations qui prend en compte de nouvelles réalités : l’eau n’est plus une problématique séparée », précisait-il.
Mais des voix discordantes se faisaient entendre immédiatement après l’annonce de l’adoption à l’unanimité de la déclaration.
Le ministre bolivien de l’eau et de l’environnement, Felipe Quispe Quenta contestait la déclaration devant des journalistes : « On a exprimé notre désaccord lors de la rédaction de la déclaration et nous n’avons pas été entendus, la Bolivie n’accompagne pas cette déclaration ministérielle ».
Selon lui, d’autres ont également exprimé leur désaccord dont son collègue de l’Equateur.
Selon le ministre bolivien, il aurait fallu dire clairement que l’eau est une ressource non privatisable. Son pays a été la scène de nombreuses manifestations pour défendre l’eau comme un bien public récemment. « On n’écoute pas les peuples, les organisateurs ne nous ont pas écoutés », a-t-il martelé.
Des membres de l’ONG américaine Food and Water Watch, qui avaient réussi à pénétrer dans la session ministérielle le mardi 13 mars ont constaté que l’on avait délibérément réduit le temps de parole du ministre bolivien lors de son intervention.
De même le Council of Canadians affirmait-il que la délégation ministérielle canadienne a obtenu de modifier la formulation concernant le droit à l’accès à l’eau potable, alors que les populations autochtones de ce grand pays industrialisé vivent dans des conditions pires que celles des plus pauvres.
En fait, comme le précisa la dépêche d’une agence de presse bolivienne en date du 14 mars 2012, trois éléments justifiaient pleinement le refus du représentant bolivien, et confèrent l’allure d’une véritable pantomine aux gesticulations de la « Déclaration ministérielle »…
– Le conflit repose d’abord sur l’affirmation que sera mise en œuvre (pour garantir le « droit à l’eau »), une « planification financière stratégique et soutenable, reposant sur la combinaison adéquate de contributions des usagers, de subvention publiques et de financements privés mobilisés par des canaux bilatéraux et multilatéraux ».
– Par ailleurs la réunion qui devait adopter la Déclaration ministérielle fut précédée d’une intervention de Caterina de Albuquerque, rapporteur spécial pour l’eau et l’assainissement auprès du Conseil des droits humains de l’ONU, qui déclara que la proposition de déclaration constituait un grave recul vis-à-vis du vote de l’Assemblée générale du 28 juillet 2010, demandant dès lors que la Déclaration de Marseille reprenne ses fondements.
– Enfin, comme cela se produit depuis le Forum de Mexico en 2006, c’est par… applaudissements que les ministres approuvent le texte qui leur est proposé ! Ce qui signifie qu’une timide ovation de trois secondes suffit à faire adopter un texte que celles et ceux qui ne l’approuvent pas ne peuvent donc que désapprouver par leur silence…
Menaces du le "Droit à l’eau" à Rio + 20...
Marseille, comme prévu, s’était très mal terminé.
Nouvelle alerte sur le "Droit à l’eau" avant le 22 mars, "Journée mondiale de l’eau"...
Une majorité de pays-membres de l’Union européenne se sont coalisés pour supprimer toute mention de notre "Droit à l’eau" à l’agenda du prochain sommet environnemental "Rio + 20".
Une pétition est envoyée d’urgence au Parlement européen...
Soulagement momentané. Il apparaît dans la soirée du 20 mars qu’au terme des négociations engagées au sein des instances de l’Union, il se confirme que l’UE a retiré son amendement au paragraphe 67, qui appelait à la suppression de la mention du droit humain à l’eau et l’assainissement dans la perspective de Rio + 20.
L’Union européenne a reculé, mais le danger subsiste : en dépit de cette retraite, le signal de l’attaque a été donné et d’autres Etats pourraient se joindre au Canada : la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni notamment. Ainsi que le Danemark qui est toujours une cible.
Nous n’en avons donc pas terminé avec le droit à l’eau...
On ne lâche rien, comme dirait l’autre.