Le 6ème Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille du 12 au 17 mars 2012 suscite déjà maintes controverses. L’un des aspects les plus épineux de ce type de grand sommet pétri de bonnes intentions concerne la « coopération Nord-Sud » dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. Eclairages.
D’abord un constat sans appel : les déclarations d’intention qui se succèdent depuis vingt ans, les « engagements », les « stratégies multi-acteurs », le « passage du plaidoyer à l’action » et autres éléments de langage obligés du merveilleux « monde de l’eau » ne dissimulent plus l’amère vérité : on ne s’est jamais aussi peu soucié de mobiliser les fonds nécessaires que ces dernières années, avant même la crise…
Les engagements financiers pour l’eau et l’assainissement sont en chute libre.
L’affaire est maladroitement travestie, et en truquant les chiffres, façon AFD, et en mélangeant tout et son contraire pour leur faire dire n’importe quoi.
Ensuite il y a la loghorrée des professionnels de la profession qui, comme tous les professionnels de toutes professions, s’y entendent comme larrons en foire pour noyer le poisson, et nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Dès lors, pour y comprendre quelque chose et ne pas y perdre totalement son latin, autant s’acclimater aux us et coutumes de la tribu, et d’abord à sa sémantique, ô combien révélatrice.
Morceaux choisis. Quelques extraits sont plus parlants qu’un long discours.
Voir par exemple comment M. Jacques Oudin, vieille sommité de notre domaine, tire des plans sur la comète et décrit l’avenir radieux de la coopération Nord-Sud. Notre homme sait de quoi il parle puisqu’il est le co-auteur de la très fameuse loi « Oudin-Santini », dont il n’est plus besoin de refaire le procès…
Voir aussi ce compte-rendu de la réunion du 2 avril 2010 organisée par l’AFD, sous forme de « dialogue avec la société civile » et de présentation du « Cadre d’intervention sectoriel eau et assainissement »…
Et l’on pourrait multiplier les exemples par dizaines, par centaines, tant l’événement va faire couler d’encre, à défaut de faire couler l’eau là où elle ne coule pas...
On comprend dès lors déjà beaucoup mieux pourquoi à l’issue de la dernière « Semaine internationale de l’eau » qui s’est tenue à Stockholm en aout dernier, les gouvernements ont été appelés « à s’engager, lors de Rio+20, à un accès mondial à l’eau potable d’ici 2030… »
Ce qui relativise d’avance les bruyants cocoricos qui vont enchanter la Canebière au printemps prochain…
La Semaine internationale de l’eau, qui est organisée chaque année à Stockholm par le Siwi (Stockholm international water institute), rassemble plus de 2500 experts, hommes politiques et entreprises autour des enjeux liés à l’eau.
Elle s’est donc close, vendredi 26 août 2011, par une « déclaration de Stockholm à l’intention de la conférence des Nations unies sur le développement durable », dite « Rio +20 », qui aura lieu à Rio de Janeiro, au Brésil, en juin 2012.
Déclaration qui appelle les gouvernements à s’engager, à cette occasion, en faveur d’un « accès mondial à l’eau potable, à l’assainissement et à des services énergétiques modernes d’ici 2030 ».
La déclaration est portée par UN-Water (l’organe des Nations unies spécialisé dans l’eau), le BMU (ministère fédéral allemand de l’Environnement), le BMZ (ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement), les ONG Conservation international, WWF et Wateraid ainsi que les centres de recherche Siwi, Stakeholder forum, International water management institute et l’IRC International water and sanitation centre.
Tous les participants, « gouvernements locaux, municipaux et nationaux ainsi que les grands groupes », sont invités à « s’engager à atteindre cinq objectifs d’ici 2020 » :
– « réduire de 20 % les déchets dans toute la chaîne alimentaire, du champ jusqu’à la fourchette »,
– « augmenter de 20 % l’efficacité en eau de l’agriculture »,
– « augmenter de 20 % l’efficacité en eau de la production énergétique »,
– « augmenter de 20 % la quantité d’eau réutilisée »,
– « réduire de 20 % la pollution de l’eau ».
Par ailleurs, la déclaration formule trois recommandations pour chacun des deux thèmes retenus pour la conférence de Rio.
En ce qui concerne le pilier « croissance verte, dans un contexte de développement durable et d’éradication de la pauvreté », la déclaration demande aux gouvernements de « s’engager en matière d’investissements dans l’eau potable, l’assainissement et l’éducation à l’hygiène », de « compléter la mesure de la performance économique par des indicateurs environnementaux et sociaux » et de « créer des incitations économiques et sociales en faveur d’un meilleur usage de l’eau et de la protection des écosystèmes d’eau douce ».
Concernant le « cadre institutionnel du développement durable », la déclaration appelle les gouvernements à mettre au point « des réformes institutionnelles en faveur d’une gestion intégrée de l’eau, de l’énergie et de l’alimentation », à « voter des lois au niveau national qui garantissent l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous et à protéger des écosystèmes d’eau douce », et à « créer des cadres englobant les secteurs et les ministères afin de mettre les politiques liées à l’eau, l’énergie et la sécurité alimentaire sur la voie de l’économie verte ».
On aura compris qu’à peines éteints les lampions de Marseille, faudra remettre çà pour Rio…