En annulant le 4 novembre 2008 un arrêté préfectoral autorisant un programme de dix retenues de substitution dans le Marais poitevin, le Tribunal administratif de Nantes a porté un coup d’arrêt à une politique de l’eau uniquement basée sur le stockage, au profit des producteurs de maïs.
Le marais poitevin, situé au coeur de trois départements (Vendée, Deux-Sèvres, Charente-Maritime) et de deux régions (Poitou-Charentes, Pays-de-la-Loire), était de plus en plus menacé par les prélèvements d’eau considérables effectués par les producteurs de maïs.
Dans le contexte de sécheresse de l’après-2003, la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG) avait ainsi déposé en 2005 une demande d’autorisation en vue de la réalisation de dix réserves de substitution, d’un volume global de plus de 3 millions de mètres cubes.
Concernant huit communes vendéennes, ce gigantesque projet est porté par le syndicat mixte du Marais poitevin des bassins de la Vendée, de la Sèvre et des Autises. Sa première tranche, qui comprend quatre réserves et représente plus de la moitié du volume, a été réalisée dans un temps record.
D’un coût de sept millions d’euros, elle a été de surcroît entièrement financée par des fonds publics (32,9% pour l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, 30% du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, 22,7% par le syndicat mixte, et 15% par le Conseil régional des Pays-de-la-Loire). Par ailleurs, le syndicat mixte est financé pour moitié par le Conseil général de Vendée.
En 2006, la coordination de défense du Marais poitevin déposait un recours contre l’arrêté préfectoral autorisant ce projet. Le 4 novembre dernier, l’arrêté a été annulé pour plusieurs motifs.
Tout d’abord, le maître d’ouvrage n’a pas tenu compte du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Ensuite, la délégation accordée par le syndicat mixte à la CACG est jugée irrégulière, en raison de l’absence de déclaration d’intérêt général du projet. Enfin, les coûts liés à l’utilisation de l’eau doivent être récupérés auprès des utilisateurs. Ce qui n’est pas le cas (0,3 centime d’euro le m3).
Ces réserves de substitution, remplies en hiver par pompage dans les rivières ou dans les nappes phréatiques, alimenteraient de 20 à 25 irrigants sur les 117 du secteur. "Nous n’avons jamais réussi à obtenir la liste exacte", regrette François-Marie Pellerin, président de la coordination. "Les volumes prélevés dans le milieu naturel devaient être réduits de 20%, mais nous n’avons jamais eu de réponse concernant les volumes autorisés avant et après la construction de ces réserves", déplore quant à lui Serge Morin, président de la commission locale de l’eau (CLE) et vice-président de la région Poitou-Charentes en charge de l’eau.
"Par ailleurs, la CLE devait être intégrée dans la commission de suivi mais nous n’avons jamais été invités. Nous n’avons jamais vu non plus d’étude globale de toutes ces réserves (le plan Roussel de 2001 en prévoyait cent !) à l’échelle du bassin versant. Ce jugement est donc remarquable, car c’est le premier de ce type sur un ouvrage en fonctionnement et c’est l’Etat qui est condamné."
L’Etat a en effet été condamné à verser 2000 euros aux plaignants. "La question se pose maintenant de la récupération des fonds publics investis dans ce projet, pour les affecter à des actions de conservation des milieux aquatiques", souligne la coordination. "Ce modèle est l’essence même d’une politique de développement non durable, qui ne vise qu’à sécuriser un type d’agriculture productiviste qu’il convient au contraire de réorienter." Ni la préfecture, ni le syndicat mixte, ni la CACG, ni le conseil général de Vendée, interrogés par Localtis en novembre dernier, n’ont souhaité s’exprimer sur ce sujet, notamment concernant le devenir de ces réserves et la possibilité d’un recours en appel.
Quoiqu’il en soit ce jugement constitue bel et bien une première et un avertissement de taille, surtout quand on prend connaissance des pratiques usuelles dans le domaine des infractions au droit de l’environnement, qui ont été comptabilisées pour la première fois en 2007 par l’Observatoire national de la délinquance.
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