A Ploemeur, près de Lorient, la multinationale Eurofins, récemment évincée par l’ARS Bretagne du marché breton d’analyse de la qualité des eaux, réagit en annonçant le 21 mai 2013 un plan de restructuration avec suppression de 17 postes sur 26. Confirmant, après la révélation des pratiques scandaleuses qui lui ont valu la suspension par la DGS au niveau national de son agrément pour une partie des analyses de pesticides, son caractère de patron voyou. Alors que l’hebdomadaire Politis vient à son tour dans son édition du 5 juin 2013 de dénoncer en Une le scandale trop longtemps occulté de la privatisation de l’analyse de la qualité des eaux en France, et ses résultats catastrophiques pour la santé publique, le gouvernement, qui a engagé une réforme de la politique de l’eau, doit impérativement refonder un pôle public de l’analyse de la qualité des eaux, comme le demandent avec véhémence des élus de tous bords politiques.
L’histoire du laboratoire de Ploemeur illustre jusqu’à la caricature les errements de la politique de privatisation d’analyse de la qualité des eaux décidée en 2006 par la droite et par des hauts fonctionnaires, toujours en poste aujourd’hui, tant au ministère de l’Ecologie, de la Santé qu’à Bercy, qui n’ont eu de cesse de promouvoir ces menées scandaleuses.
Né du courage, de la volonté et de la détermination d’universitaires, une association, dite « Laboratoire CGI », a été créée en 1984 par l’Université pour exercer trois métiers : recherche appliquée, transfert de technologie et prestations de services dans les domaines suivants : environnement, sécurité et conditions de travail, laser, mécanique des matériaux et thermique.
A partir de 1995 la création de l’Université de Bretagne Sud (UBS) a amené le Laboratoire CGI à concentrer progressivement ses activités dans le domaine de l’environnement, avec l’analyse physico-chimique et bactériologique de l’eau.
Le CGI est alors mandaté dans le cadre du contrôle réglementaire, par la direction des affaires sanitaires et sociales du Morbihan, les agences de l’eau et la direction régionale de l’environnement, de l’alimentation et du logement (Dréal) de Bretagne.
Situé alors à Guidel Plage le laboratoire CGI est reconnu dans le milieu pour son expertise dans la recherche et le dosage de micropolluants organiques et minéraux.
Cette expertise s’appuie sur trois piliers :
– une pratique quotidienne de l’analyse (reconnaissance de la qualité des prestations par le Comité Français d’Accréditation (Cofrac) et par le Groupement Interministériel des Produits Chimiques (GIPC) pour les Bonnes Pratiques de Laboratoire (BPL) ;
– une collaboration suivie avec l’Université de Bretagne Sud (UBS) en matière de recherche ;
– une activité de R&D soutenue pour asseoir l’activité de transfert.
Le Laboratoire CGI intégre en septembre 2004 un laboratoire neuf de 2000 m2,, financé pour une grande partie par les collectivités publiques, et situé sur le Parc Technologique de Soye à Ploemeur dans le Morbihan.
Les activités du laboratoire peuvent être alors segmentées par secteurs de la manière suivante :
– Activité de contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, des eaux de piscine et de baignade ;
– Activité environnementale (Bassins Versants de type Bretagne Eau Pure, suivi de la qualité des eaux de surface pour les collectivités...) ;
– Prestations de services aux collectivités : contrôles de légionelles dans les ECS, contrôles des piscines ou eaux de baignades...) ;
– Prestations de service aux industriels (contrôles des eaux usées, des eaux d’alimentation, des boues, des tours aéro-réfrigérantes) ou aux artisans (plombiers, chauffagistes, terrassement-réseaux, bétons prêt à l’emploi...) pour des analyses d’eaux d’alimentation ou d’eaux industrielles ;
– Etudes particulières : BPL – Biodégradabilité – Programme peinture marine - Reconnaissance bactérienne par Maldi-Tof.
En février 2008, face à une concurrence de plus en plus forte dans le domaine de l’analyse environnementale (après la privatisation de l’analyse décidée par la droite et inscrite dans la Loi sur l’eau du 30 décembre 2006), le conseil d’administration du laboratoire CGI décide de rejoindre le réseau IPL (Institut Pasteur de Lille). Le laboratoire CGI qui va conserver son statut juridique d’association, devient alors le Laboratoire « IPL Bretagne Santé Environnement Durable ».
Au cours de l’année 2011 le réseau IPL doit faire face à de nombreuses difficultés. La concurrence de plus en plus agressive, une politique des prix à la baisse et une gestion très insuffisante conduisent le réseau IPL à céder ses parts au groupe EUROFINS qui devient alors majoritaire. IPL Bretagne reste à la marge de cette négociation du fait de son statut associatif.
Pendant l’année 2012 le groupe Eurofins négocie avec les élus locaux la reprise de l’activité du laboratoire de Ploemeur qui devient alors une Société par actions simplifiée (SAS). Le laboratoire compte alors 26 salariés titulaires toutes fonctions confondues. Pendant la même période le groupe Eurofins doit répondre aux appels d’offres du marché du contrôle sanitaire qui représente 40 % de l’activité du laboratoire, et qui arrive à terme le 31 décembre 2012. Pour mettre toutes les chances de son côté, le groupe Eurofins pratique une politique des prix agressive entraînant inévitablement un durcissement des conditions organisationnelles. Le 1er juillet 2012 le laboratoire appartient définitivement au groupe EUROFINS.
En avril 2013, le laboratoire perd définitivement le marché du contrôle sanitaire dans le Morbihan après deux recours en référé. Le marché est attribué au LDA 56, un laboratoire public, pour un montant supérieur à l’offre d’ EUROFINS.
Le 21 mai 2013, la direction d’Eurofins annonce un plan de restructuration avec suppression de 17 postes sur 26. S’ouvre une période très courte de négociations très difficiles puisque les salariés se heurtent à un véritable mur.
Très peu d’avancées ont été possibles dans la mesure où Eurofins avait dès le début arrêté un projet social d’accompagnement auquel il ne voulait pas déroger.
Ligne de conduite : mettre tous les curseurs au plus bas (minima de la convention collective), et surtout ne pas donner plus à ce laboratoire qu’à ceux ayant déjà subi une restructuration, afin d’éviter que dans le futur les salariés des autres laboratoires repris par Eurofins, et qui vont malheureusement subir eux aussi des plans de licenciements ne puissent obtenir des modalités de licenciements correctes.
Le personnel se sent humilié par l’attitude d’Eurofins. Depuis le rachat, il n’existe aucune communication avec le groupe. Les conditions de départ pour les salariés sont inadmissibles. De nombreux articles ont déjà été publiés dans la presse locale et régionale.
Quand pareil scandale sanitaire se double de pratiques patronales absolument inadmissibles pour une multinationale qui s’enrichit des marchés publics que lui octroie le gouvernement français, qui participe ainsi à la constitution d’un dangereux monopole, la représentation nationale doit réagir et exiger le retour en gestion publique du secteur stratégique de l’analyse de la qualité des eaux.
Lire aussi :
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Vous dites "la représentation nationale doit réagir", mais, en attendant que nos élus se réveillent, la Ministre, elle fait quoi ?