Tout ça pour ça… Concrétisant les promesses confuses d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe au Congrès des maires en novembre dernier, la proposition de loi annoncée par Jacqueline Gourault a été déposée le 21 décembre dernier à l’Assemblée, à l’initiative de Richard Ferrand (LREM) et Marc Fesneau (Modem). Elle prévoit donc bien que sous réserve de l’atteinte d’un quorum reproduisant celui de la loi ALUR pour les PLUi, le transfert de la compétence eau et assainissement pourra être repoussé à 2026 (uniquement pour les communautés de communes), mais demeurera obligatoire à cette date
L’exposé des motifs justifie tout d’abord le transfert des compétences eau et assainissement aux EPCI (prévu pour le 1er janvier 2020), qui « répond à la nécessité d’assurer la réduction du morcellement des compétence tout en générant des économies d’échelle ».
Mais ce transfert ayant suscité « des inquiétudes parmi les élus locaux », le projet vise donc à « répondre de façon pragmatique à ces inquiétudes, sans remettre en cause le caractère obligatoire du transfert de compétences », en écho aux propos d’Emmanuel Macron, qui avait déclaré, en clôture du Congrès des maires le 23 novembre dernier, souhaiter « Donner une option de liberté », « ne pas priver de matière brutale et unilatérale certaines communes » d’une compétence qu’elles souhaitaient continuer à exercer.
Le texte proposé s’inspire donc du compromis qui avait été trouvé en 2014, dans le cadre de la loi Alur, sur le transfert des PLU aux intercommunalités : une minorité de blocage pouvait s’opposer au transfert, dès lors qu’elle représentait un quart des communes membres de l’ECPI représentant au moins 20 % de sa population.
« Les communes membres des communautés de communes pourront s’opposer au transfert de compétence d’ici le 1er juillet 2019 », a précisé Richard Ferrand dans un communiqué.
Le seuil choisi pour la minorité de blocage est identique dans la proposition de loi déposée par Richard Ferrand et Marc Fesneau sur l’eau et l’assainissement : « Les communes membres d’une communauté de communes qui n’exerce pas, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement, peuvent s’opposer au transfert obligatoire de ces deux compétences, ou de l’une d’entre elles, à la communauté de communes, (…) si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % d’entre elles représentant au moins 20 % de la population délibèrent en ce sens. »
Il ne s’agit donc que d’un sursis. En cas d’opposition, le transfert obligatoire serait simplement reporté, au 1er janvier 2026. Et cette fois, est-il clairement précisé dans l’exposé des motifs, « les communes ne pourront pas s’y opposer ».
Après le 1er janvier 2020, dans le cas où le transfert n’aurait pas eu lieu, l’organe délibérant de l’EPCI peut « à tout moment » changer d’avis et redemander le transfert. Les communes auraient alors trois mois pour s’y opposer, dans les mêmes conditions que précédemment.
L’AMF a immédiatement réagi en soulignant que s’il organise la possibilité de surseoir au transfert de compétences, le texte n’aborde pas, en revanche, la question de la « sécabilité », qui préoccupe nombre d’élus locaux notamment en milieu rural.
Ici l’AMF, à l’image de nombre d’élus, pointe le véritable coup de force engagé à partir de 2015 par la DGCL et le ministère de l’Ecologie qui, sur la base d’une lecture biaisée d’un arrêt de la justice administrative, soutiennent avec une mauvaise foi scandaleuse que la compétence assainissement comprendrait désorrmais l’assainissement collectif, le non-collectif… et les eaux pluviales !
Ce qui relève d’une réécriture de l’histoire sans aucun fondement juridique, ne visant qu’à remettre le couvercle de force sur la question explosive du financement de la gestion des eaux pluviales, 2 milliards et demi d’euros par an, pour un SPA qui s’exerce aujourd’hui massivement dans des conditions illégales, au détriment des usagers du SPIC de l’assainissement.
Ces errements avaient été abordées dans la proposition de loi Retailleau, adoptée au Sénat en février dernier et avaient trouvé un début de réponse par l’adoption d’un amendement de la sénatrice Françoise Gatel. Il permettait en effet de séparer la compétence eaux pluviales de la compétence assainissement.
Mais comme la proposition de loi Retailleau a été enterrée à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017 par le biais d’un renvoi en commission, la question de la sécabilité risque bien de resurgir lors de l’examen de ce texte qui sera examinée le 24 janvier par les députés de la commission des lois, puis en séance publique la semaine du 30 janvier.