L’examen en séance publique de la proposition de loi Ferrand-Fesneau relative à « l’assouplissement « du transfert des compétences eau et assainissement revient en séance publique à l’assemblée nationale, dans le cadre d’une procédure accélérée, le mercredi 31 janvier à partir de 21h30. Plusieurs dispositions du texte initial ont été modifiées en commission des lois, et plusieurs points de divergence subsistent encore.
Présenté par les groupes LREM et MODEM, avec l’appui du gouvernement, en écho aux déclarations du Président de la République, du Premier ministre et de Nicolas Hulot au Congrès des maires, et faisant suite aux travaux du groupe de travail transpartisan associant, sous la houlette de Françoise Gourault, 16 parlementaires, le texte actera donc, pour l’essentiel, sur le modèle du précédent intervenu pour les PLU intercommunaux en 2014 (loi ALUR), d’offrir une « option de liberté » aux communes pour décider du transfert de ces deux compétences à leurs EPCI.
Il propose donc que si un quart des communes représentant au moins 20 % de la population de l’EPCI s’y oppose, le transfert sera reporté, avec une date limite au 1er janvier 2026, sous réserve que les délibérations actant le report soient prises avant le 1er juillet 2019.
Au-delà le débat a continué à faire rage, d’autant plus que les tenants d’un rejet intégral du transfert obligatoire n’ont pas désarmé, et revendiquent toujours son annulation, dans la droite ligne de l’ex-proposition de loi Retailleau, enterrée on s’en souvient par l’actuelle majorité.
Par ailleurs l’ADCF vient d’indiquer que 41% des collectivités qu’elle a interrogée considèrent le texte en cours d’examen comme imparfait. Il apparaît en effet qu’il n’existe pas d’unanimité sur ce sujet complexe : seul un tiers des communautés qui ont répondu à l’enquête sont favorables à un transfert obligatoire des deux compétences, tel que la loi Notre l’avait fixé.
Un autre tiers plaide pour que le transfert demeure optionnel. Entre ces deux positions, 10 % des communautés sont favorables aux dispositions de la proposition de loi Fesneau-Ferrand (transfert obligatoire sous réserve d’une minorité de blocage jusqu’en 2026) et 6 % qui souhaitent que le blocage des conseils se fasse « à la majorité ».
Reste que si le Sénat va évidemment revenir à l’esprit de la PPL Retailleau, c’est la majorité actuelle qui aura bien évidemment le dernier mot, même si cela ne suffira pas à calmer une fronde persistante et que de nombreux détails font encore l’objet de véritables dissensions, traversant tout le spectre politique.
Ainsi, sur la cinquantaine d’amendements déposés en commission des lois, seuls quatre ont été adoptés, dont deux étaient soutenus par l’AMF.
Le premier, et c’est important a précisé que l’eau et l’assainissement étant deux compétences distinctes, il sera possible de s’opposer au transfert de l’une, tout en acceptant le transfert de l’autre.
Le second, plus épineux, concernait les modalités de représentation-substitution des EPCI au sein des syndicats des eaux.
Jusqu’à présent, l’article L5216-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) indiquait que « lorsqu’un syndicat exerçant une compétence en matière d’eau ou d’assainissement regroupe des communes appartenant à trois établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FT) au moins à la date du transfert de cette compétence à la communauté d’agglomération, la communauté d’agglomération est substituée, au sein du syndicat, aux communes qui la composent ».
Pour les communautés de communes, le seuil était fixé à deux EPCI et non trois.
Un amendement proposait d’harmoniser ces dispositions, et de placer le seuil à deux EPCI-FT, tant pour les com d’agglo que pour les com-com.
Rejeté dans sa version initiale, il a été repris par un autre amendement qui conduit peu ou prou à un résultat identique, en remplaçant le chiffre « trois » ayant été remplacé par le substantif « des ».
Dès lors la communauté d’agglomération pourrait se substituer aux communes au sein du syndicat dès lors que le syndicat « regroupe des communes appartenant à des EPCI ».
Pour le dire autrement, depuis la loi Notre, lorsqu’un syndicat exerçant une compétence en matière d’eau ou d’assainissement regroupait des communes appartenant à trois EPCI à fiscalité propre au moins à la date du transfert de cette compétence à une communauté de communes, cette dernière se substituait, au sein du syndicat, aux communes qui la composent.
Mais si la communauté de communes ne souhaite pas se maintenir dans ce syndicat, le représentant de l’État peut, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI), l’autoriser à s’en retirer au 1er janvier de l’année qui suit la date du transfert de la compétence.
Dans le cas où, au contraire, le syndicat ne regroupe pas des communes appartenant à trois EPCI au moins, ce transfert de compétence vaut retrait des communes membres de la communauté de communes du syndicat.
L’objectif de cette disposition était de réduire le nombre de syndicats compétents en matière d’eau et d’assainissement et d’inciter les communes à se regrouper dans des structures de coopération de plus grande taille.
Les députés ont souhaité supprimer ces dispositions spécifiques à l’exercice de la compétence "eau" et "assainissement" "de manière à ce que le droit commun de la représentation-substitution propre aux communautés de communes puisse s’appliquer.
"Ces dernières se substitueront ainsi à leurs communes membres d’un syndicat, sans condition de nombre minimum d’EPCI y participant", a précisé la rapporteuse Emilie Chalas.
L’objectif poursuivi étant de préserver les syndicats existants et d’assurer la continuité des services qu’ils rendent à leurs usagers.
La commission des Lois a complété ce dispositif pour harmoniser les dispositions prévues pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération en matière de représentation-substitution.
Par conséquent, les communautés d’agglomération pourront également se substituer à leurs communes membres sans condition de nombre d’EPCI à respecter pour maintenir leur présence au sein du syndicat.
Empoignade sur le pluvial
Comme nous le soulignons depuis deux ans, la position, et de la DGCL, et du MTES sur la question du pluvial, continue à alimenter une polémique croissante.
Au terme d’un véritable coup de force, l’administration soutient en effet depuis 2015, sans aucune base légale formelle, que le pluvial serait désormais pleinement partie prenante de l’assainissement.
Une aberration et un mensonge flagrant.
Car nombre d’élus, notamment en milieu rural, revendiquant (à raison !) depuis des années que la gestion des eaux pluviales soit séparée de la compétence assainissement.
Un amendement en ce sens a été rejeté en commission, la rapporteure du texte, Émilie Chalas, ayant balayé l’objection d’un revers de main :
« L’eau pluviale dépend de l’assainissement, c’est un fait et il n’est pas nécessaire de relancer le débat. »
Ici la REMouleuse, chloroformée par l’administration, continue donc littéralement à raconter n’importe quoi, ce qui n’est pas de nature à calmer la polémique.
Pire, par la voix de la rapporteure, la majorité s’enfonce, faisant adopter un autre amendement qui précise que la compétence assainissement comprend la gestion des eaux pluviales et des eaux de ruissellement « pour la partie du territoire des collectivités concernées classée en zone urbaine ou dans une zone à urbaniser ».
Ce qui prouve par l’absurde que nos apprentis sorciers aggravent encore la situation ubuesque créée depuis 2015, et se préparent ce faisant de sérieux retours de bâton.
La discussion va donc se poursuivre aujourd’hui en séance publique.
De très nombreux amendements ont à nouveau été déposés sur ce texte dont un, notamment, soutenu par l’AMF, propose de supprimer la date butoir de 2026 imposée par le texte et d’inclure les communautés d’agglomération dans l’assouplissement du transfert.
Lire aussi :
– La rébellion des maires « fontainiers » de l’Isère
Béatrice Jérôme, Le Monde, 30 janvier 2018.
– Compétences eau et assainissement : entre enfumage et mépris confirmé pour la liberté communale :
http://www.sauvonsleau.fr/jcms/e_17605#.WnH0AwriZKk.twitter
Association des maires ruraux de France, 31 janvier 2018.
Le dossier d’Eaux glacées :
– Mort annoncée de la gestion communale de l’eau :
https://blog.mondediplo.net/2016-06-17-Mort-annoncee-de-la-gestion-communale-de-l-eau
– Loi NOTRe, une valse à trois temps
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-une-valse-a-trois-temps
– Loi NOTRe : quel assouplissement pour les transferts de compétence eau et assainissement.
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-quel-assouplissement
– Loi NOTRe : le transfert des compétences repoussé à 2026 !
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-le-transfert-des
– Assouplissement de la loi NOTRe : les précisions de Jacqueline Gourault
http://www.eauxglacees.com/Assouplissement-de-la-loi-NOTRE
– Loi NOTRe : le projet de loi Gourault
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-le-projet-de-loi
– Loi NOTRe : un projet de loi repousse, sous conditions, le transfert de compétences à 2026
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-un-projet-de-loi
– Loi NOTRe et maintien des syndicates mixtes d’eau et d’assainissement
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-et-maintien-des
– Loi NOTRe et transfert des compétences eau et assainissement : retour à l’Assemblée
http://www.eauxglacees.com/Loi-NOTRe-et-transfert-des?var_mode=calcul