Un décret paru le 31 décembre dernier allonge le délai auquel est soumis le maire ou le président d’EPCI pour présenter, en application de l’article L.2224-5 du CCCT, un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable et d’assainissement (RPQS), à l’assemblée délibérante.
Héritage de la période troublée qui aura vu en moins de trois ans, de 1992 à 1995, le législateur adopter en rafale les lois Sapin, Barnier puis Mazeaud-Seguin, tant la corruption structurelle du secteur de l’eau faisait des ravages dix ans après l’Acte I de la décentralisation, le « Rapport du maire » n’était déjà, sauf exception dans quelques métropoles, qu’un lamentable copié-collé du Rapport que doit rendre le délégataire d’une DSP le 1er juin de chaque année.
Or celui-ci, le fameux Compte annuel de résultat d’exploitation (CARE), censé rendre compte de l’activité de l’entreprise dans l’année écoulée, ayant été conçu par la FP2E, sans aucun lien avec les régles de bases de la comptabilité publique, ne permet absolument pas de rendre compte de la réalité économique du contrat, majore artificiellement les charges, et travestit délibérément les bénéfices réels de l’entreprise délégataire…
C’est dire le monde enchanté dans lequel s’ébattent Veolia, Suez et Saur… Or c’est dans la quasi-totalité des cas l’entreprise délégataire elle-même, par le biais d’une synthèse hardie de son CARE bidon, publié le 1er juin, qui établissait le fameux rapport du maire, rendu public un mois plus tard, le 30 juin.
Tout le monde le sait, tout le monde s’en moque.
C’est dire la sincérité des comptes auxquels les usagers peuvent se référer pour savoir à quelle sauce ils sont accommodés…
On sait par ailleurs que la loi NOTRe du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation territoriale de la République a décidé le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (Communauté de Communes, Communauté d’Agglomération, Métropoles…).
Optionnel le 1er janvier 2018, ce transfert est obligatoire au 1er janvier 2020.
Parallèlement, les compétences eau et assainissement exercées par des milliers de syndicats intercommunaux vont également être transférées aux EPCI à l’horizon 2020, dans le cadre de l’élaboration des nouveaux Schémas départementaux de coopération intercommunale, actuellement mis en œuvre dans chaque département par les Préfets, et qui devront être finalisés avent le mois de juin 2016.
La FP2E s’aventure à augurer que le nombre de services et de syndicats d’eau pourrait être en conséquent divisé par dix à l’horizon des toutes prochaines années.
On imagine le tremblement de terre qui va s’ensuivre et les difficultés de mise en place des nouveaus services ainsi regroupés… Les retards qui vont s’accumuler, de tous ordres.
Surtout que les mêmes EPCI vont devoir intégrer dans le même élan, et financer via la fiscalité locale, la "nouvelle" défense extérieure contre les incendies (DECI), et la fameuse GEMAPI, et sa non moins fameuse Aquataxe (40 euros par tête de pipe pour les 17 millions de Français exposés au risque inondation)...
C’est dans ce riant contexte qu’un décret d’application de la loi Notre adoptée en août dernier rallonge de trois mois l’ancien délai de présentation du « Rapport du maire » , fixé à six mois suivant la clôture de l’exercice, soit le 1er juin de chaque année.
Ce délai serait, selon l’exégèse officielle, « apparu trop court pour permettre d’intégrer dans le rapport du maire les données relatives aux comptes et à la qualité du service rendu par le délégataire, tenu quant à lui de remettre au plus tard ces éléments le 1er juin de chaque année. »
Le décret d’application décale donc de trois mois le délai de présentation à l’assemblée délibérante du rapport annuel relatif au prix et à la qualité des services publics (RPQS), le portant à neuf mois au plus tard suivant la clôture de l’exercice concerné.
Répondant à une autre observation de la Cour des comptes, le décret introduit par ailleurs l’obligation, pour les collectivités de plus de 3500 habitants, de saisir et transmettre par voie électronique au système d’information sur les services publics d’eau et d’assainissement (SISPEA) géré par l’Onema les indicateurs techniques et financiers qui doivent figurer dans ces rapports lorsqu’ils concernent l’eau et l’assainissement.
Ici on brandit donc aussi le grand cadavre à la renverse du SISPEA pour emballer l’affaire.
Comme le rapport du délégataire doit être approuvé par l’assemblée délibérante puis la CCSPL, si elle existe, avant que ne soit examiné à son tour le "Rapport du maire", de septembre à fin novembre les collectivités n’auront plus qu’à peine deux mois pour faire le lien entre les besoins du service pour l’année suivante, tels que découlant du RPQS de l’année passée, et la préparation du budget, puisque l’annualité (et l’équilibre) budgétaire sont des principes de base de la gestion des services d’eau et d’assainissement, sauf exception étroitement encadrée, s’agissant de l’équilibre budgétaire pour l’éventuel vote en excédent de la section investissement…
Y ajouter le remplacement à venir de la M14 par la M 57, on pressent l’invraisemblable bordel en cours.
La transparence va encore avancer à grand pas…
Surtout que dans le même temps d’ingénieux malandrins se sont ardemment employés à pourrir la vie des services avec les escroqueries du "droit à l’eau", de la "tarification éco-solidaire", des "litres gratuits" et autres "expérimentations loi Brottes" du même acabit qui, sous couvert "d’aider les pauvres", foutaise absolue dont tout le monde se contrefout en réalité, ne fait qu’aggraver leur situation, et fait perdre un temps démesuré aux services et aux élus, ce qui les empêche de s’occuper des choses sérieuses, ce qui est l’unique objectif de ce fatras de conneries.
Le Décret :