Eaux glacées publie la lettre ouverte qu’un habitant de la région de Villefranche-sur-Saône, cité en proie à une exemplaire pollution de ses ressources en eau, faisait tenir il y a quelques mois au célèbre photographe et documentariste, dont l’œuvre a obstinément témoigné d’un attachement farouche à sa terre ancestrale, et aux fantômes des paysans disparus dont il revendique la très haute lignée.
« Arnas, novembre 2008.
A Raymond Depardon
Je crois savoir que vous présenterez sous peu à Villefranche-sur-Saône un nouveau film sur le thème de la vie paysanne, un documentaire.
Depuis dix ans, j’aurai tenté à maintes reprises de vous sensibiliser aux problèmes qui affectent les terres de votre région natale : pollution-contamination de l’air, de l’eau et des terrains par des pesticides et des métaux lourds, avec l’impact qui en découle sur les légumes maraîchers vendus ensuite aux Caladois.
Des dizaines d’adultes et d’enfants en ont gravement été affectés, et en ont gardé aujourd’hui de graves séquelles.
J’ai rencontré à maintes reprises votre frère, toujours en activité, qui vous a régulièrement renseigné sur mon travail d’alerte, et m’avait communiqué vos coordonnées parisiennes, jusqu’à votre numéro de téléphone portable.
Je vous ai écrit.
Quand je vous ai appelé avant que vous ne vous rendiez à Villefranche-sur-Saône, pour y recevoir les honneurs municipaux, vous me répondîtes simplement : « Vous me faites chier ! », avant de raccrocher.
La thématique de votre œuvre embrasse l’âme et la vie d’un monde du travail, d’une morale sociale dont vous vous êtes fait le défenseur.
Je veux ici vous dire ma profonde déception.
La Calade est en danger sanitaire chronique par la suite d’erreurs d’urbanisation majeures.
Plusieurs champs captants en zone maraîchère sont épouvantablement toxiques, comptant plus de 400 pesticides dûment répertoriés.
Une grande partie de ces terres maraîchères appartient à votre famille, Monsieur Depardon.
Une enquête publique réalisée en mai 2008 établit que ces terres sont répertoriées en zone rouge. En 1999-2000 des enquêtes conduites par la DDCCRF et la DDASS ont montré que 90% des légumes du Garet étaient gorgés de plomb et autres cadmium, arsenic…, bien au-delà des normes européennes. Depuis des années, ces produits contaminent les gens.
Nous nous sommes battus comme le petit tailleur de Grimm contre les puissants et avons, au moins partiellement, gagné et évité des catastrophes pour la population.
J’ai longtemps espéré votre soutien.
Nous aurions gagné du temps. Peut-être aurions-nous contrarié l’hubris mortifère des pollueurs et des décideurs locaux.
L’un de vos collègues, Georges Meunier, qui nous aida sans compter, parlait, à juste titre, de la « couronne mortuaire » qui enserre Villefranche-sur-Saône.
J’en appelle de nouveau à votre conscience, même si d’aucuns diront qu’il n’est pas judicieux de parler de pollution quand on veut vendre ses terres aux investisseurs.
Je ne comprends toujours pas que vous fermiez les yeux sur la destruction de ces terres ancestrales auxquelles vous n’avez eu de cesse de rendre hommage. »
Jean-Pierre Andry
Arnas
commentaires
Comme tout les autres, ce Monsieur Depardon, independament de la qualité de son oeuvre, ne sers que son ego en affirmant sa proximité avec le milieu paysan... Il est plus facile de dire ce genre de choses, que d’agir en conséquence.
Pour le coup, je crois que tu viens de te faire un "ami" pour la vie.
D’un autre côté, il faut bien avouer qu’il est parfois difficile d’être cohérent avec soi-même, surtout quand un de tes combats entre en conflit avec tes intérêts personnels.
Les problèmes d’eau dus aux contaminations agricoles sont aussi très important chez nous, dans le Gers. Et la mobilisation populaire contre cet empoisonnement constant est consternante de par sa faiblesse numérique. Heureusement que nous avons des Henri Chevalier (qui habite à un jet de caillou de chez moi, d’ailleurs ;-) ) dont l’énergie militante compense pas mal l’inertie de l’ensemble de la population.