L’agriculture biologique garantit qu’aucun engrais chimique et aucun traitement (pesticides, insecticides) n’ont été utilisés au cours de la production. Tous les intrants sont remplacés par des composés naturels, que ce soit pour les engrais, la chasse aux ravageurs ou l’élimination des mauvaises herbes. Au-delà de la qualité nutritive et gustative de ces aliments biologiques, leur achat permet de soutenir un mode de production plus respectueux de l’environnement, qui limite la diffusion des substances toxiques dans le sol, les nappes phréatiques et l’atmosphère
Les produits bio ne représentent encore qu’à peine 2,5% du chiffre d’affaires de la grande distribution en France. En dépit d’un réel engouement du public, les produits font défaut.
En diminuant les primes à la conversion des terres agricoles, l’Etat a grippé la machine à produire ces aliments exempts de pesticides. Aussi les enseignes qui se sont engagées à augmenter de 15% par an leurs ventes estampillées « AB » (agriculture biologique), en signant une convention post-Grenelle de l’Environnement le 28 janvier 2008 vont-elles devoir s’approvisionner à l’étranger.
La recherche de volumes menace aussi de déséquilibrer les filières de commerce équitable, depuis que toutes les enseignes ont entrepris à l’été 2007 de vendre sous leurs marques propres des produits certifiés Max Havelaar. Et la barrière du prix demeure bien réelle pour les produits « verts ».
Si les consommateurs se disent prêts à payer un aliment bio 11% plus cher que son équivalent conventionnel, cette bonne intention reste loin des prix affichés dans les rayons. Car dans les grandes surfaces, les prix des produits issus de l’agriculture biologique sont demeurés, en 2007, supérieurs d’un tiers à ceux du produit conventionnel vendu par une grande marque, et près de 50% plus cher que le prix de la marque distributrice.
Les collectivités qui ont expérimenté les produits bio en cantine scolaire se sont aussi parfois heurtées aux contraintes du Code des marchés publics, qui rendaient difficile l’achat de produits locaux.
Par ailleurs la mise place de repas à base de produits issus de l’agriculture biologique dans le secteur de la restauration scolaire se heurte à des freins psychologiques. La culture même de la restauration collective implique souvent de privilégier la quantité et beaucoup de protéines animales. Si l’on fait la même chose avec des produits bio, on explose les budgets.
Une dynamique affirmée
Le nombre de repas bio servis en restauration collective en 2004 était estimé à 4 millions. Il aurait atteint 6 millions en 2006. De nombreuses collectivités, départements et régions prennent localement de fortes initiatives, particulièrement dans le Grand Sud et le Grand Ouest, où la filière de l’agriculture biologique est la plus développée.
Le développement des produits bio en restauration collective implique une évolution des mentalités vers des repas différents, composés de davantage de légumes, de céréales, et nécessite de travailler avec des produits frais plutôt que tout préparés. Aujourd’hui mal informé et peu formé, le personnel peut éprouver au départ une certaine méfiance qu’il faut surmonter.
Face aux craintes qui peuvent aussi se faire jour en matière d’approvisionnement, le défi du développement de filières locales conditionne pour une grande partie la croissance d’une pratique qui suppose aussi que soient mises en œuvre d’importantes campagnes de formation et de sensibilisation de tous les intervenants concernés, gestionnaires, cuisiniers, équipe éducative, et bien sûr enfants et parents, concernés au premier chef.
A l’image du Conseil général de l’Isère, investi dans une action qui concerne 35 collèges du département, qui, pour parvenir à modifier en douceur les habitudes alimentaires des collégiens, leur propose des actions éducatives : tables de découverte pendant les repas, visites d’exploitations agricoles, conseils de diététiciens, animations, qui vont de pair avec une information des parents d’élèves et des enseignants, via la presse, des réunions et des dégustations.
Des labels pour s’y retrouver
– La marque Agriculture biologique française est délivrée par le ministère de l’Agriculture pour des produits alimentaires d’origine animale ou végétale. Le contrôle des exploitations est réalisé par des organismes indépendants agréés par l’Etat.
– La marque Agriculture biologique européenne est le label bio officiel de l’Union européenne.
– Le label de Nature et Progrès, fédération internationale pionnière de l’agriculture biologique, regroupe des producteurs, des transformateurs et des consommateurs.
Les collectivités qui innovent
Lons-le-Saulnier développe une filière d’agriculture biologique pour améliorer la qualité de son eau, avec pour objectif de créer des débouchés pour les productions bio et de favoriser ainsi des cultures qui ne pollueront pas la nappe phréatique. La ville a donc introduit la pain bio dans son restaurant municipal qui fournit les repas des écoles. Les céréales nécessaires à sa confection sont produites par un agriculteur dont l’exploitation est située dans le périmètre de captage des eaux ; Le pain bio augmente le coût d’un repas de 2 centimes, mais traiter l’eau après pompage revient à 30 centimes par m3, le calcul montre donc qu’il est moins cher de faire du bio. Pour fournir d’autres débouchés à la filière, la collectivité a passé des conventions avec des éleveurs, producteurs du comté bio du plateau jurassien, dont le bétail peut approvisionner régulièrement les restaurants municipaux en viande bio et en laitage.
La communauté d’agglomération de La Rochelle a décidé de valoriser les huiles de cuisine issues des cantines et de la restauration, et de les utiliser comme carburant pour les véhicules municipaux. Les vidanges sauvages de friteuses, écoulées dans les canalisations d’eau usées, constituent des dépôts qui finissent par colmater les réseaux. Par ailleurs les graisses, lors de leur dégradation, produisent de l’acide sulfurique, une substance toxique. C’est en s’inspirant d’initiatives menées en Allemagne, en Suisse et en Autriche, que la collectivité a développé cette initiative, jusqu’ici unique en France, puisque les pouvoirs publics brident l’utilisation d’huile végétale comme biocarburant, et privilégient la filière de l’éthanol. Outre la restauration collective des scolaires, près de 300 professionnels de la restauration pourraient être intéressés par un projet qui représente un gisement potentiel de 175 000 litres par an, qui permettrait de couvrir largement les besoins du parc de poids lourds des services de l’assainissement et des déchets. Une unité de recyclage est en cours de construction et une étude a été engagée pour définir notamment le prix de la collecte, un élément crucial pour emporter l’adhésion des professionnels de la restauration, qui réclament depuis longtemps une filière de valorisation des graisses.
A Langouet, en Ille-et-Vilaine, la municipalité a introduit en 2004 les repas bio dans les cantines, de la maternelle jusqu’au CM2. Une cinquantaine d’élèves de ce bourg de 540 habitants sont concernés. La ville a opté pour le tout bio, en réalité 80% puisque le poisson ne peut être labellisé, et que le pain est acheté à la boulangerie locale, car c’est plus simple en matière d’approvisionnement et moins coûteux. Pour obtenir une garantie d’approvisionnement, la ville a signé une convention avec un groupement de producteurs bio de la région. Elle a aussi engagé une seconde cuisinière car beaucoup plus de plats sont désormais préparés sur place. Le budget est identique car les menus ont été révisés. Ils comportent moins de viande, plus de légumes, et aussi de plats cuisinés en fonction des saisons, comme des salades de fruits ou des gâteaux. Les enfants semblent avoir été conquis, car ils ont depuis lors créé un potager...
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