En mai 2004, dans un quartier de Quimper, Le Braden, les conduites d’eau des maisons et immeubles éclatent les unes après les autres. D’abord une trentaine puis jusqu’à une centaine. Voire plus, car tous les sinistrés ne se sont pas fait connaître. Depuis un véritable dialogue de sourds oppose les sinistrés à la municipalité et à l’entreprise Veolia, son fermier.
Immédiatement l’association de quartier demande à être reçue par la mairie afin de l’informer, et de l’importance des dégâts, et de la nécessité d’intervenir auprès de Veolia (ex-CGE ) qui assure dans le cadre d’une délégation de service public la gestion de l’eau à Quimper.
Les usagers demandent à ce que Veolia procède au remboursement des frais de réparation et de consommation d’eau excessive supportés par les abonnés. Dans certains cas ces frais atteignent des montants de 3000 euros, uniquement pour la réparation. Dans un seul immeuble ce sont rien moins que 4000 mètres cubes d’eau qui ont été perdus dans le sinistre. Les usagers comprennent vite que les taux de pression de l’eau mise en distribution étaient anormalement élevés.
Un dialogue de sourds
Lors d’une première réunion qui se tient le 1er octobre 2004, les usagers ont la surprise de constater dès l’abord que les services de la municipalité ont tenu au préalable une réunion avec les représentants de Veolia. Dès lors va s’engager un véritable dialogue de sourds qui dure jusqu’à aujourd’hui. L’entreprise dénie toute responsabilité dans la survenue de ces accidents et facture, à prix fort, le coût de la réparation des dégâts aux usagers…
L’association se mobilise, organise des réunions, contacte la presse… Tant et si bien que la municipalité décide en novembre 2004 de demander au Tribunal Administratif de Rennes de nommer un expert. Démarche surprenante, à laquelle le Tribunal Administratif opposera une fin de non-recevoir, arguant de son incompétence en la matière. Les usagers, en dépit de leurs demandes répétées, n’obtiendront d’ailleurs aucun document relatif à cette démarche.
Après ce refus, la ville nomme elle-même un expert qui rend sa copie en novembre 2005. Loin d’être défavorable aux victimes des dégâts, le rapport indique qu’il a été constaté trois fois plus de fuites d’eau dans le quartier affecté que dans le reste de la ville. Avec des variations importantes de pression, et le non remplacement d’un surpresseur datant de 1965, qui aurait du être changé en 2004.
Le 11 janvier 2006 la municipalité organise une nouvelle réunion et présente sa version du rapport de l’expert. Ses représentants (élus et techniciens) sont assis à une table, les usagers à une autre. Le constat de désaccord perdure.
La vérité sort du puits
Lors d’une rencontre fortuite en juin 2006 avec l’adjoint du quartier et celui de l‘urbanisme, celui-ci laisse entendre aux représentants de l’association des usagers qu’un accord à l’amiable serait envisageable et que la municipalité proposerait une réunion. Courant juillet, restant sans nouvelles, l’association décide d’envoyer une relance, puis une seconde le 23 août, à laquelle se joint l’antenne locale de la Confédération du Logement et du Cadre de Vie (CLCV) qui a décidé de soutenir les victimes des sinistres. N’obtenant toujours pas de réponse, l’association tient une conférence de presse avec la CLCV et deux autres associations locales pour dénoncer le refus de la ville de s’asseoir autour d’une table afin que les usagers puissent exposer leurs arguments. Ils y annoncent également la tenue d’une nouvelle réunion publique le 21 septembre 2006.
Les articles de la presse locale consécutifs à cette conférence provoquent une demande de FR3 pour effectuer un reportage. Au cours de celui-ci le directeur de l’agence de Veolia à Quimper soutient que les Quimpérois devraient changer leurs conduites d’eau pour les remplacer par des nouvelles résistant à des pressions de 16 bars…
Or, d’ordinaire, des conduites acceptant une pression de 3 bars sont suffisantes pour les appareils ménagers courants. Les3/4 des foyers Quimpérois seraient concernés par cette mesure, à leur frais... Des millions d’euros en perspective, mais aussi un aveu, bien tardif, que le réseau Quimpérois enregistre bien d’importantes variations de pression…
Coup de pression
La ville restant sur ses positions, les usagers adressent une lettre à l’ensemble des conseillers municipaux avec copie au préfet du Finistère. Dans ce courrier ils informent la municipalité que Veolia ne leur semble pas respecter plusieurs articles du Règlement de service et du contrat d’affermage. Et d’ajouter que l’article 49 dudit contrat fait obligation à la ville de faire respecter ces dispositions. Le tout assorti d’une nouvelle demande de rencontre et du souhait que cette lettre soit lue lors de la réunion du prochain conseil municipal qui doit se tenir le 20 octobre 2006.
Une réunion est effectivement proposée par l’adjoint à l’urbanisme et l’adjoint de quartier, le 18 octobre, deux jours avant la date du conseil municipal… Les adjoints s’inquiètent de savoir, à l’occasion, si les usagers ont reçu la réponse que leur aurait fait tenir le maire.
Comme ce n’est pas le cas, les obligeants conseillers leur en délivrent une photocopie. Qui atteste que la municipalité refuse toujours de prendre en compte les arguments des sinistrés…
En fait ce courrier, posté le 17 octobre, trois jours avant le conseil, ne parviendra, officiellement, aux usagers que le 20, le jour même de ladite séance.
Le Maire persiste et signe…
Avant le début du conseil municipal, le maire informe le président de l’association des usagers qu’il lui donnera la parole. Celui-ci expose ses arguments vingt minutes durant. Déclare au conseil que la ville ne fait pas respecter le contenu du Règlement de service par l’entreprise, que la société lui aurait menti en ce qui concerne la pose des réducteurs… Et demande enfin au maire ce qu’il pense de la déclaration du responsable de Veolia à Quimper sur la nécessité d’installer des tuyaux résistant à des pressions de 16 bars. Lui rappelant en outre que la Chambre Régionale des Comptes avait précédemment dénoncé des facturations excessives, pouvant se chiffrer à plusieurs centaines d’euros par foyer… Et de conclure en proposant au maire de récupérer ces sommes afin de rembourser les sinistrés des frais inhérents aux éclatements de conduites d’eau…
L’édile répondra sous forme de fin de non recevoir, invitant l’association à engager une procédure judiciaire. Ce qui va être fait.
On peine à comprendre la position de l’entreprise, qui dépense des millions d’euros pour vanter à grand renfort de publicité la « qualité de service » qu’elle assure aux usagers du service public de l’eau…
Cette ténébreuse affaire ne cesse décidément de révéler des surprises... Aux termes de deux ans et demi de combat contre la ville et Véolia au sujet des fuites d’eau, mené par l’association des Habitants du Braden, le Maire, dans une déclaration au conseil municipal du 17 novembre 2006, propose à l’association des usagers une subvention afin qu’elle puisse mener son action en justice. Edouard Ryckeboer, de l’association des Habitants du Braden, en reste pantois : "Alors que l’article 49 du règlement de service des eaux indique que le Maire est responsable de la bonne exécution du dit règlement, il refuse par cette proposition d’assumer ses responsabilités. Du jamais vu ! Surtout que la ville a toujours contesté le bien fondé des actions entreprises par ses administrés du Braden. Le combat continue."
La mobilisation de nos amis quimpérois va finalement peut-être payer ! Après que l’opposition municipale ait adressé un courrier au PD-G de Veolia, l’entreprise a promptement répondu et proposé une rencontre à M. Bernard Poignant, député européen (PS), et ex-maire de la ville, en présence de M. Romestin, directeur de Veolia pour l’Ouest de la France, et de M. Le Ster, responsable de l’agence quimpéroise de Veolia Eau.
Au cours de cette rencontre prévue le 20 décembre 2006, l’entreprise aborderait (enfin !) la question du remboursement des frais inhérents aux explosions des conduites d’eau.
M. Poignant a refusé le vendredi 1er décembre 2006 d’assister à cette réunion. Etrange pour un édile qui se félicitait des « avancées » obtenues lorsqu’il avait reconduit le contrat de délégation de service public avec Veolia, au prix d’une « baisse », triomphalement annoncée, du prix de l’eau.
Du coup, ne relachant pas la pression, l’association organise le jeudi 7 décembre aux Halles Saint-François à 20h30 une conférence-débat qui ne va pas manquer… de le relancer.
Son animateur sera effet Christophe Montgermont, délégué central FO de Vivendi, désormais Veolia, syndicaliste de choc licencié par l’entreprise en 2004, après avoir combattu les projets initiés par Jean-Marie Messier, qui visaient, à travers la constitution d’une nouvelle Unité économique et sociale (UES), à priver de leur mandat près de la moitié des représentants syndicaux et des délégués du personnel de l’entreprise…
Comme Christophe Montgermont, après avoir obtenu à de multiples reprises la condamnation par les tribunaux administratifs de Veolia, attend avant la fin du mois de décembre la décision de la justice à laquelle il a demandé sa réintégration, la soirée promet d’être animée.
Dans un contexte où Ouest-France et le Télégramme prennent fait et cause pour nos usagers, on souhaite à la mairie et à Veolia d’en finir au plus tôt avec une affaire décidément très mal engagée…