Depuis juin 2014, date à laquelle il a été connu, l’article 33 du projet de loi NOTRe, qui vise, sous l’appellation de « mesure récursoire », à faire participer les collectivités locales au paiement des amendes infligées à la France par l’Union européenne, en cas de violation des directives communautaires, a suscité un intense lobbying des associations d’élus. Les débats intervenus en première lecture à l’Assemblée autour de cette mesure laissent dubitatifs quant à ses chances d’être adoptée à l’issue du débat parlementaire en cours.
Troisième séance du jeudi 5 mars 2015 : Article 33
Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 33. Je suis saisi par le Gouvernement d’un amendement no 1370 rectifié tendant à le rétablir. La parole est à Mme la ministre pour le soutenir.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est un sujet complexe à explication simple et, généralement, c’est aussi un débat compliqué. Un certain nombre d’articles règlent déjà la question des pénalités éventuelles en cas de condamnation de la France par les autorités européennes dans le cadre de recours en manquement. Cela recouvre beaucoup de sujets : vous en connaissez malheureusement peut-être certains, les uns et les autres, qu’il s’agisse des eaux résiduaires, des décharges sauvages ou du bruit. Compte tenu de nos nouvelles dispositions, nous voulons que les collectivités –dans les cas où elles sont responsables des politiques publiques incriminées et où elles n’ont pas donné suite aux mises en demeure qui leur ont été, quelle qu’en soit la nature, adressées – soient associées au paiement des amendes issues des procédures en manquement. Nous envisageons, pour les collectivités territoriales concernées, un mécanisme qui s’inspire du rapport du Conseil d’État : il rend possible ces appels de pénalités ou d’amendes. Pour faire bref, ce qui en la matière est toujours difficile, nous avons pris exemple sur ce qui s’est fait en Autriche et en Belgique. Il faut faire attention, parce que, au cours des débats au Sénat, les sénateurs ont eu l’impression que l’État voulait s’exonérer du paiement d’un certain nombre d’amendes et de condamnations.
Nous avons, par exemple, transféré la gestion des fonds structurels, mais aussi des programmes Leader et du Fonds européen de développement régional, le FEDER, ou de la politique agricole commune, qui est gérée directement, en partie, par les collectivités régionales.
Or un certain nombre de condamnations sont liées à l’utilisation de ces fonds mais, plus encore, et beaucoup plus souvent, à la non-application de directives, même transposées en droit français. Nous pensons qu’il est juste que, lorsqu’on assume une responsabilité, on l’assume jusqu’au bout. S’il y a une condamnation, on doit être placé en condition de responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je veux donner acte au Gouvernement d’avoir, avec cette nouvelle rédaction, répondu aux principales interrogations des sénateurs et de la commission des lois. Les sénateurs avaient identifié cinq points qui les avaient amenés à supprimer cet article 33 et qui avaient conduit la commission, dans l’attente de la séance publique, à ne pas le rétablir. L’amendement du Gouvernement apporte une réponse extrêmement précise à trois de ces points. Il en reste deux qui mériteraient certainement d’être éclaircis au cours de la navette parlementaire. Le premier tient à la participation financière des collectivités et à l’idée d’une clause de sauvegarde destinée à permettre à de petites collectivités de ne pas être confrontées à des remboursements totalement exorbitants par rapport à leurs moyens propres. Le second porte sur des précisions relatives au champ de l’action récursoire. Au Sénat, vous aviez, madame la ministre, indiqué que cela visait essentiellement la gestion des fonds structurels européens : cela mériterait certainement d’être précisé. En attendant, parce que trois des cinq points ont été totalement précisés, et parce que, s’agissant des deux autres, nous savons grâce à vos déclarations que vous êtes prêtes à faire de même, je donne un avis favorable à cet amendement, en souhaitant que la navette nous permette de compléter les deux précisions attendues.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.
M. Michel Piron. M. le rapporteur a quasiment tout dit. Je voudrais ajouter une précision : je crois qu’il faudra quand même apporter d’autres précisions, notamment sur le degré de responsabilité ou de coresponsabilité. Il faut effectivement appeler les collectivités locales qui ont une responsabilité manifeste dans l’utilisation de fonds qu’elles n’auraient pas dû toucher ou qu’elles n’ont pas bien utilisés : c’est normal. Mais cela ne peut se faire qu’à concurrence de la responsabilité qui est la leur, et en aucun cas au-delà. Ce point mériterait d’être précisé. Le mot association me paraît quand même avoir une acception un peu large. J’émets cette simple réserve et d’ici à la deuxième lecture nous disposons peut-être d’une marge de réflexion pour la lever.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Je l’avais dit en commission des lois et je le redis dans l’hémicycle : je voterai cet amendement du Gouvernement. On voit bien que le principe de libre administration des collectivités locales a comme corollaire le principe de responsabilité. Il faut voter cet amendement pour éviter des comportements de passagers clandestins.
Mme Catherine Coutelle.Très bien !
M. Guillaume Larrivé. Il faut responsabiliser les gestionnaires locaux. Plus nous, législateurs nationaux, leur accordons de compétences et de moyens financiers, plus, naturellement, ils doivent être, tout comme l’État, responsables de l’emploi des deniers publics.
(L’amendement no 1370 rectifié est adopté et l’article 33 est ainsi rétabli.)
NOTE EG : En résumé, l’article 33 du projet de loi initial prévoyait de
faire participer les collectivités aux conséquences financières des arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union Européenne, en cas de manquement de l’Etat français lié à des obligations relevant de tout ou partie de leurs compétences, sans les associer à la répartition des charges financières.
Sous la pression des associations d’élus locaux, le Gouvernement a révisé sa position et pris en compte leurs demandes : pas de rétroactivité ; une responsabilité financière partagée avec l’Etat ; l’association des collectivités à la décision de répartition de la charge financière. Devrait ainsi être un comité consultatif Etat – Cour des comptes – collectivités, chargé de rendre un avis sur la répartition des sommes dues entre les différents acteurs.