La nouvelle loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 modifie le cadre réglementaire dans lequel les collectivités exercent leurs compétences dans les domaines de l’eau et de l’assainissement. Si les 102 articles de la loi et la soixantaine de textes d’application attendus recouvrent tous les aspects de la gestion de l’eau, ils encadrent aussi beaucoup plus précisément que par le passé les missions de service public exercées par les collectivités locales.
La loi doit permettre à la France de remplir ses obligations communautaires, et notamment celles découlant de la transcription de la directive-cadre du 23 octobre 2000, qui vise à permettre d’atteindre « un bon état écologique et chimique de toutes les masses d’eau » à l’horizon 2015.
Elle constitutionnalise les redevances des Agences de l’eau, désormais au nombre de 7, dont l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement seront fixés par le législateur, et réorganise les compétences et le financement des Agences de l’eau. Elle prévoit ainsi la création d’un Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), aux pouvoirs renforcés par rapport à ceux du Conseil supérieur de la pêche, qu’il remplace.
Droit à l’eau
L’article 1 de la loi institue un « droit à l’eau », dont la mise en œuvre suscite nombre d’interrogations. Il prévoit en effet que : « Dans le cadre des lois et règlements, ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Formulation par trop floue.
Evolutions réglementaires
Alors que ce n’était pas le cas auparavant, le service d’eau potable est explicitement désigné comme une compétence communale, et devient obligatoire pour la partie « distribution ». La production, le transport et le stockage demeurant facultatifs. Les communes et leurs groupements déterminent librement les zones desservies par le réseau de distribution, et devront arrêter un schéma directeur, obligation qui ne prévalait jusqu’alors que pour l’assainissement collectif et non collectif. L’obligation de desserte ne visera donc pas les usagers extérieurs à ces périmètres.
Le service d’assainissement est désormais défini en termes de service rendu, et non plus à partir d’une simple liste de dépenses. Il est doté de nouveaux moyens. Le service de l’assainissement collectif comporte désormais explicitement le contrôle des branchements individuels, et à titre facultatif leur mise en conformité. Les agents du service sont donc autorisés à pénétrer dans les domaines privés. La collectivité pourra aussi fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements au réseau d’assainissement et de collecte des eaux pluviales. Mesure qui s’applique tant à la partie privative qu’à la partie publique du branchement.
Assistance technique
L’article 73 de la loi et son décret d’application ont malheureusement remis en cause les conditions d’intervention des Satese, qui apportaient une assistance précieuse aux services d’assainissement, surtout dans le monde rural. Ces interventions auparavant gratuites, co-financées par les Conseils généraux et les Agences de l’eau, devront désormais faire l’objet d’appels d’offres afin de permettre l’intervention de bureaux d’études privés. Ces dispositions, vivement critiquées, risquent d’entraîner une perte de connaissances et d’efficacité très préjudiciables, à l’heure où la France doit redoubler d’efforts pour remplir ses obligations communautaires.
Assainissement non collectif
Le service de l’assainissement non collectif (ANC) est réalisé par les communes et son champ d’intervention a été élargi afin qu’il puisse couvrir toutes les prestations possibles, de la réalisation des installations au traitement des matières de vidange. Il comporte des missions obligatoires et facultatives.
Obligatoire, la mission de contrôle, qui correspond à une vérification de la conception et de l’exécution pour les installations réalisées ou réhabilitées depuis moins de huit ans. Ainsi qu’un diagnostic de bon fonctionnement et d’entretien pour les autres.
Au-delà les communes peuvent, si elles le souhaitent, et à la demande des propriétaires, assurer l’entretien, les travaux de réalisation et de réhabilitation des installations, ainsi que le traitement des matières de vidange. L’entretien, la vidange et le contrôle de conformité des installations sont réalisés par des personnes agréées, les modalités d’agrément étant fixées par arrêté ministériel. Ce sont les communes qui déterminent les dates et les fréquences des contrôles. Ils devront être réalisés au plus tard le 31 décembre 2012, et doivent intervenir au minimum tous les huit ans. En cas de non conformité le propriétaire devra faire procéder aux travaux prescrits dans un délai de 4 ans. Enfin, un avis de conformité sera délivré par la collectivité. A compter du 1er janvier 2013, il sera contenu dans le dossier technique remis à l’acquéreur d’un immeuble à usage d’habitation.
Financement
La loi a adopté, après d’intenses discussions, le principe d’une taxe nouvelle pour la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales, comblant un vide juridique qui ne pouvait perdurer. Facultative, elle concernera surtout les grandes agglomérations confrontées à des inondations. Sa mise en œuvre s’annonce complexe en raison d’un dispositif alambiqué d’abattements et d’exonérations. Sans compter que le législateur a par ailleurs retenu le principe d’un crédit d’impôt en faveur de l’installation de dispositifs de récupération des eaux pluviales entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009.
La loi a également créé un fonds de garantie des risques liés à l’épandage des boues d’épuration, afin de pérenniser la filière agricole d’évacuation des boues. Agriculteurs et propriétaires disposeront désormais d’une garantie d’indemnisation en cas de dommages non couverts par les assurances obligatoires des producteurs de boues. Ce sont ces derniers qui devront s’acquitter d’une taxe annuelle assise sur la quantité de matière sèche de boues produites, dont la valeur, fixée par décret, est plafonnée à 0,50 euros.
Tarification des services
Elle fait l’objet d’une refonte importante. L’eau demeure facturée au tarif applicable à la catégorie d’usagers correspondante. Seuls les services d’incendie pourront continuer à être fournis gratuitement, les autres services des collectivités devront la payer. La tarification est effectuée en fonction du volume consommé, sauf en cas de ressource abondante et d’un nombre limité d’usagers raccordés.
Contrairement à ce que souhaitaient les associations d’usagers, il demeure possible d’instituer une part fixe, dont le plafond a été fixé par décret, et qui va considérablement pénaliser les petits consommateurs.
Pour inciter aux économies les collectivités pourront appliquer un tarif progressif. Mais une tarification dégressive demeure possible, à condition que plus de 70% du prélèvement ne fasse pas l’objet d’une règle de répartition des eaux.
La facture devra enfin faire apparaître le prix du litre d’eau, et non du seul m3, une décision qui reflète les tensions apparues entre distributeurs et embouteilleurs qui se livrent à une violente bataille d’image. Toutes ces mesures devront être appliquées au plus tard le 1er janvier 2010.
La loi reconnaît offre enfin la possibilité d’une tarification différenciée pour les communes touristiques, auxquelles le plafonnement de la part fixe ne s’appliquera pas, et qui pourront pratiquer des tarifs distincts selon les périodes de l’année.
En habitat collectif il sera par ailleurs désormais possible d’appliquer un barème progressif ou dégressif, tenant compte du nombre de logements.
Gestion budgétaire
Les collectivités ont désormais la possibilité de voter un budget annexe en excédent sur leur section d’investissement, ce qui facilitera la programmation pluriannuelle des travaux. Par ailleurs les communes de moins de 3000 habitants et les EPCI dont aucune commune membre n’excède 3000 habitants peuvent établir un budget unique des services d’AEP et d’assainissement. Par ailleurs les collectivités auront désormais la faculté d’appliquer une redevance d’occupation du domaine public aux opérateurs d’eau.
Gouvernance
La loi renforce la place de l’intercommunalité dans la gestion de l’eau. L’assainissement devient la 6ème compétence optionnelle des communautés de communes, ce qui leur permettra de bénéficier de la dotation d’intercommunalité bonifiée si elles exercent 4 compétences sur 7, dont celle d’assainissement.
L’autorisation de déversement des eaux usées non domestiques ne peut dorénavant être accordée qu’après avis des collectivités intervenant en aval dans la collecte, le transport, l’épuration des eaux usées et l’élimination des boues.
La loi valide par ailleurs les adhésions de syndicats mixtes à un autre syndicat mixte pour les services publics dits environnementaux.
En outre un syndicat mixte peut désormais constituer un EPTB, avancée intéressante dans la perspective de la révision des SDAGE, qui doit intervenir en 2009.
Participation des usagers
Le règlement de service devra désormais être soumis pour avis à la Commission de consultation des services publics locaux (CCSPL), ce qui pourrait en multiplier le nombre, encore insuffisant. En outre les EPCI de 20 000 à 50 000 habitants pourront aussi créer une CCSPL.
A dater du 1er janvier 2009 tous les rapports d’activité annuels devront comporter en annexe des indicateurs de performance standardisés, dont la production et les comparaisons qu’elle autorisera sont censés améliorer la transparence et promouvoir les bonnes pratiques. On peut s’interroger sur la capacité des petites collectivités à faire face à cette nouvelle obligation, qui ne saurait dissimuler l’une des failles de la LEMA : elle n’a toujours pas institué une forte régulation publique du secteur.
Délégations
Les fermiers devront établir un programme pluriannuel de travaux, annexé au contrat, retraçant les prévisions de dépenses de renouvellement et de grosses réparations à leur charge. Dix-huit mois avant la fin du contrat le délégataire devra transmettre les supports techniques nécessaires à la facturation et les plans des réseaux.
Le texte définitif de la LEMA, adoptée le 20 décembre 2006 (PDF)
commentaires
A propos de l’art. 73 sur les Satese, vous dites "Ces dispositions, vivement critiquées, risquent d’entraîner une perte de connaissances et d’efficacité très préjudiciables, à l’heure où la France doit redoubler d’efforts pour remplir ses obligations communautaires."
Justement, pour remplir les obligations communautaires, la DE n’a peut-être pas trop envie que les Satese viennent mettre leur nez dans le fonctionnement des step. Quand on sait que les SPEMA ont des moyens limités de contrôles, moins on en sait plus l’autosurveillance sera bonne à mon avis !!!
A terme c’est une catastrophe pour les petites régies qui , sans service public d’assistance technique, seront désemparées. Pendant ce temps y’en a d’autres qui se frottent les mains...
Exact, voir le développement du dossier Satese sur ce même site...
Un petit lien vers le texte de la LEMA, ça ne fera pas de mal ;)
LOI n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques