Le Syndicat des eaux de la presqu’ile de Genevilliers (SEPG) est une pièce maîtresse de l’implantation francilienne de Lyonnaise des eaux, qui gère depuis des décennies un contrat scandaleux qui lui a assuré des marges bénéficiaires dépassant les 50%. Or ce contrat va dans quelques semaines être reconduit aux mêmes dans l’indifférence générale, infligeant un démenti cinglant aux tenants de « l’eau bien commun ». Une défaite en rase campagne pour la gauche qui n’aura même pas fait semblant de se mobiliser pour changer les choses.
Fondé en 1933, le Syndicat des eaux de la presqu’ile de Genevilliers (SEPG), alimente en eau les habitants des villes d’Asnières, Bois-Colombes, Colombes, Courbevoie, Gennevilliers, La Garenne-Colombes, Nanterre, Suresnes et Villeneuve-la-Garenne, soit une population totale de 540 000 habitants, et contribue à l’alimentation des habitants de Rueil-Malmaison. Il a délégué la gestion du service public de distribution d’eau à la société Eau et Force, filiale de Lyonnaise des Eaux-Suez, un contrat qui s’achève le 1er janvier 2015.
Le prix de l’eau y est supérieur à 4 euros le mètre cube.
L’UFC-Que Choisir avait évalué la marge bénéficiaire de la Lyonnaise sur ce contrat à… 55%...
Le Syndicat est administré par un Comité d’Administration comprenant 25 délégués désignés par les conseils municipaux des 10 communes adhérentes.
Le bureau du Syndicat est constitué de 7 vice-présidents et 2 secrétaires, auquel s’ajoute le président.
Le président du Syndicat est Jean Luc Leclerc, adjoint au maire (UMP), de Suresnes, élu à l’unanimité.
Le SEPG est le troisième contrat privé français après le SEDIF et Marseille !
Il constitue un maillon stratégique essentiel de la dorsale sud-ouest de Paris, territoire d’emprise de Lyonnaise des eaux au niveau régional : Sevesc dans les Hauts-de-Seine (ex-filiale 50-50 de Veolia et Suez), aujourd’hui 100% Suez, puis SEPG, puis Société des Eaux de Versailles, puis l’Essonne, puis les Yvelines…
Si Lyonnaise perdait le SEPG à l’issue de l’actuel contrat le 31 décembre 2014, ce serait catastrophique pour sa structuration dans le Sud-Ouest parisien.
Eau de Paris aurait intérêt à voir le SEPG revenir en gestion publique, puisque les deux territoires sont mitoyens.
Dans la perspective du Grand Paris de l’eau, on peut donc identifier deux pôles, Est Ensemble et le SEPG qui pourraient changer la donne.
Il n’en sera rien.
La realpolitik s’oppose, à gauche, à toute évolution…
Entendre l’aggiornamento qui préside depuis des décennies à la captation, puis à l’actuel partage de le rente politique des EdP, SIAAP, SEDIF, SYGEIF, SIPPEREC et autre SYCTOM...
Dès lors, après la pantalonnade d’Est Ensemble, personne ne parle du SEPG…
La faute en grande partie à l’histoire qui renvoie à une responsabilité majeure du PC dans la dévolution initiale du SEPG à la Lyonnaise.
Du coup, dans les villes de gauche du syndicat, silence radio, à l’exception, timide, de Nanterre et Genevilliers, qui vont « émettre des voeux » pour la gestion publique, un service minimum dont on sait fort bien qu’il ne changera rien…
Or la situation est caricaturale, le contrat actuel n’avait prévu depuis l’origine aucune « surtaxe syndicale », ce qui a empêché le syndicat de constituer des capacités d’investissement, et permis dès lors à Eau et Force-LDE de multiplier les « ilôts concessifs », et faire rémunérer à un coût exorbitant son rôle de « banquier occulte » du Syndicat.
Plus grave, le syndicat est alimenté en eau potable par une usine, qui lui appartient, sise au Mont Valérien, et par des achats d’eau à la Lyonnaise, provenant des usines dont elle revendique la propriété dans l’Ouest parisien.
Jusqu’à ces dernières années, les achats d’eau à la Lyonnaise représentaient près de 60% de l’alimentation du syndicat, au détriment de l’usine qui ne tournait pas à pleine capacité, une situation à peine rectifiée à la marge, grâce à la pugnacité d’une déléguée, bien solitaire, qui a fini par arracher ce début de rééquilibrage, par le biais d’un avenant au contrat.
(Une rente de 27 millions de m3 par an qu’Eau et Force produit ailleurs, puis achemine et se revend à elle-même, dans le cadre du contrat de DSP du SEPG, générant une marge colossale).
Que va-t-il se passer dans les semaines qui viennent ?
Le président du SEPG, autocrate obstiné, est tout acquis à la Lyonnaise. Les « services » du syndicat se limitent à un ingénieur retraité, à mi-temps, évidemment acquis aux mêmes.
Pour préparer la suite, LDE a d’abord fait mandater par le SEPG en qualité d’assistant à maître d’ouvrage les bureaux d’études Saunier et Collectivités Conseils - commensaux attitrés de la Lyonnaise -, qui sont rémunérés pour venir « commenter » chaque année le Compte annuel de résultat d’exploitation (CARE), sous forme de Powerpoints de 100 pages totalement incompréhensibles, qui permettent au Président d’afficher que la DSP est « surveillée ».
Le même Burau d’Etudes Saunier a ensuite été mandaté pour élaborer le « Schéma directeur » du syndicat. Il s’agit, en principe, d’un document de programmation établi à l’horizon des 15 à 20 prochaines années, et qui a des incidences légales importantes, notamment en matière d’urbanisme, ce que tout le monde feint d’ignorer.
LDE et la majorité du SEPG vont faire valider ce schéma directeur à l’horizon des prochains mois. On aura évidemment recueilli l’avis de l’AESN, de la DREAL, etc.
A partir de là il ne restait plus qu’à lancer une procédure Loi Sapin, avant 2014 et les municipales, et l’affaire serait dans le sac.
Et nul besoin de réaliser un audit préalable au choix du mode de gestion futur, puisque chaque année Saunier et Collectivités Conseils « contrôlent la gestion »...
Les délégués syndicaux sont donc conviés à voter dans quelques semaines le principe d’un nouveau contrat de DSP, qui va bien évidemment être imparti à la Lyonnaise.
Pardon, à la « nouvelle Lyonnaise », qui va agiter sous le nez des délégués ébahis toute sa nouvelle et mirobolante quincaillerie : une pincée "d’ingénierie environnementale", une louche de « tarification sociale », une brouette de « gouvernance rénovée », vous en voulez encore, y en a toujours !
(Philippe, Hélène, Igor et Sacha sont à votre disposition, yaka demander !).
Ceci à l’image de l’identique tour de passe-passe que les mêmes Eau et Force et Saunier rééditent à Valenciennes...
On va assister aux habituelles roucoulades « à gauche », ah que l’eau c’est un bien commun et patati et patata, et ça va se terminer dans un fauteuil par une reconduction de la DSP, puisqu’en l’état les délégués « de gauche » sont minoritaires, suite à la « trahison » d’une seule déléguée qui fait basculer la majorité.
A gauche, défaite en rase campagne, après la guignolade d’une récente "Conférence métropolitaine" sur l’eau, qui a vu les tenants officiels de la "gestion publique" servir la soupe au Sedif et au SEPG, qui n’en espérait pas tant !
Eau de Paris ne bougera pas d’un cil puisque tels étaient les ordres de Delanoê depuis le début : « on s’arrête au périph »…
Le PC aux abonnés absents, d’autant plus qu’à Nanterre, une autre filiale de Suez vient d’inaugurer avec force embrassades avec l’édile un dispositif « révolutionnaire » de chauffage des logements sociaux à partir des eaux usées.
Le PS inexistant.
Les Verts invisibles.
Le Parti de Gauche a tenu deux meetings.
La « société civile » et notre glorieuse avant-garde militante et associative de l’Ile-de-France n’ont jamais entendu parler du SEPG, trop occupés à "sécuriser leurs subventions", maintenant que la Belle Hélène est partie jouer la fée électricité.
Le troisième contrat de DSP français va être reconduit dans un fauteuil à la Lyonnaise.
Elle est belle « l’eau bien commun » !
Avec des "alliés" pareils inutile de s’exciter plus avant sur le "retour des années 30"...
Comme l’avait justement proféré Edwy Plenel à ses ouailles de Mediapart : "Ca sera beaucoup plus dur avec la gauche".
Lire aussi :
Gestion de l’eau : une vice-présidence pour quoi faire ?
Le blog d’Alexis Bachelay, votre député, 21 avril 2008
(Excellente question, je vous remercie de l’avoir posée…)
commentaires
Contrairement à ce que vous indiquez, les différents groupes EELV des municipalités concernées ont travaillé de concert sur le sujet. Ils ont ainsi été moteurs dans leurs majorités respectives (à Asnières, Colombes, Nanterre ) pour pousser une régie de l’eau ou à défaut de majorité politique négocier fortement à la baisse les tarifs de la délégation de service public.
Ce n’est malheureusement pas une spécificité française ... Les grandes entreprises de distribution d’eau (principalement françaises), se font beaucoup d’argent facile partout dans le monde. Et pourtant le modèle économique a souvent été décrié.
Mais la pensée unique ultra-libérale n’a cure de savoir qu’on peut faire moins pour moins cher (en réalité), elle ne s’intéresse qu’à rappeler que la mise en concurrence permet de faire baisser les prix (en principe).
D’ailleurs un rapport d’UFC Que Choisir vient de montrer que la situation dans le domaine de l’optique est tout aussi problématique.