En réponse à la question d’un parlementaire, le ministère de l’Intérieur vient à nouveau de confirmer son interprétation (que nous contestons, et nous ne sommes pas les seuls), d’un arrêt du Conseil d’état, datant de 2013, (ensuite instrumentalisé par une simple circulaire ministérielle de 2016), au terme duquel, la compétence de gestion des eaux pluviales serait désormais indissolublement rattachée (et donc constitutive), de la compétence assainissement. Première énormité. Il y a mieux. Dans sa réponse, la DGCL rappelle la pseudo « assise réglementaire » du financement du pluvial. Un scandale à deux milliards et demi d’euros par an !
- La question écrite n° 00454 de M. Jean Louis Masson (Moselle - NI), publiée dans le JO Sénat du 13/07/2017 - page 2248 :
« Sa question écrite du 27 avril 2017 n’ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur le fait qu’en application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite loi NOTRe, la compétence assainissement sera transférée obligatoirement des communes aux intercommunalités à compter du 1er janvier 2020.
Or prenant acte d’un arrêt du Conseil d’État, une circulaire ministérielle du 13 juillet 2016 a précisé que la compétence assainissement inclut à la fois la collecte et le traitement des eaux usées et la gestion des eaux pluviales.
(En droit, est-ce bien sérieux, s’autorisant d’un arrêt du Conseil d’Etat, d’instituer une compétence obligatoire, qu’exerceront donc, contraintes et forcées, les collectivités territoriales à travers une « circulaire ministérielle » ?)
Pour l’assainissement des eaux usées, la règle est d’en assurer le financement dans une logique de service public industriel et commercial (SPIC), c’est-à-dire par le biais d’une redevance payée par les usagers.
Par contre, la gestion des eaux pluviales est le plus souvent financée par le budget général des communes et relève plutôt du régime juridique d’un service public administratif (SPA).
De ce fait, la circulaire susvisée du 13 juillet 2016 fait coexister, au sein d’une même compétence, deux services de nature très différente. Dans la mesure où les intercommunalités vont gérer cette compétence assainissement, par le biais d’un budget annexe, il lui demande comment la partie gestion des eaux pluviales doit être financée. »
- La réponse du Ministère de l’intérieur, publiée dans le JO Sénat du 12/10/2017 - page 3157 :
« Les articles 64 et 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), attribuent, à titre obligatoire, la compétence « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, à compter du 1er janvier 2020.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 4 décembre 2013, communauté urbaine Marseille Provence Métropole, n° 349614), l’exercice de cette compétence inclut le service public de gestion des eaux pluviales urbaines.
Le rattachement de la gestion des eaux pluviales à la compétence « assainissement » ne remet pas en cause la qualification juridique que la loi attribue au service public de la gestion des eaux pluviales.
En effet, conformément aux dispositions de l’article L.2226-1 du code général des collectivités territoriales, la gestion des eaux pluviales, qui correspond à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines, reste un service public administratif, distinct du service public d’assainissement, considéré pour sa part comme un service public industriel et commercial, conformément à l’article L. 2224-8 du même code.
(En droit toujours, voici donc un SPA qui vient s’encapsuler dans un SPIC, et la DGCL de poursuivre avec un stupéfiant syllogisme) :
Cette distinction entre compétence et service public ne modifie donc en rien les modalités actuelles de financement de ces deux services publics.
Ainsi, le service public de gestion des eaux pluviales, en tant que service public administratif, ne peut être financé par une redevance et reste à la charge du budget général de la collectivité ou du groupement qui en assure l’exercice.
L’assemblée délibérante de la collectivité ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’assainissement devra donc fixer forfaitairement la proportion des charges de fonctionnement et d’investissement qui fera l’objet d’une participation du budget général versé au budget annexe du service public d’assainissement.
Les modalités de cette participation sont encadrées par la circulaire du 12 décembre 1978 concernant l’institution, le recouvrement et l’affectation des redevances dues par les usagers des réseaux d’assainissement et des stations d’épuration.
L’article 9 de cette circulaire préconise notamment que, en cas de réseaux unitaires, la participation financière au titre de la gestion des eaux pluviales se situe entre 20 % et 35 % des charges de fonctionnement du réseau, amortissement technique et intérêts des emprunts exclus.
En cas de réseaux totalement séparatifs, elle suggère une participation n’excédant pas 10 % des charges de fonctionnement, amortissements techniques et intérêts des emprunts exclus. »
(Depuis quand une circulaire vaut-elle habilitation législative ? Pour percevoir une taxe ou redevance il faut une loi. De loi, il n’y en a pas ! Au terme d’un long détour en territoire d’archives, on pourra certes « raccrocher » ladite circulaire de 1978, d’échelon en échelon… à la loi de 1964 ayant créé les Agences de l’eau.
Vertigineux.
Nonobstant, la même circulaire du 12 décembre 1978 (concerne) « l’institution, le recouvrement et l’affectation des redevances dues par les usagers des réseaux d’assainissement et des stations d’épuration. »
Mais pas le pluvial, puisque, si l’on en croit les dires de la DGCL, jusqu’en 2013 (l’arrêt CE), puis 2016 (la circulaire ministérielle), le pluvial n’était pas « indissolublement » partie prenante de l’assainissement.)
C’est sur la base de ces bricolages abracadabrandesques que sont prélevés 2 milliards et demi d’euros chaque année.
Davantage que les redevances des Agences de l’eau.
Vertigineux.
Lire aussi :
– Le casse tête de la gestion des eaux pluviales
http://www.eauxglacees.com/Le-casse-tete-de-la-gestion-des
Les eaux glacées du calcul égoïste, 10 septembre 2008.
Et pendant ce temps le rapport Roche paraît être tombé dans un trou noir, avec les communautés de communes qui, en ces temps GEMAPIens, sont peu disposées à remettre au pot pour les eaux pluviales...