Dans le droit fil des grandes thèses conspirationnistes qui font les délices de nos très nombreux et très paranoïaques amis, les rumeurs les plus ébouriffantes courent sur les ténébreuses, occultes et très condamnables menées de Veolia, Suez et Saur en matière de lobbying. Las, les choses se déroulent beaucoup plus simplement. Quand il s’agit par exemple de décrocher des contrats à l’étranger, le ban et l’arrière ban des autorités françaises mettent tout simplement les petits plats dans les grands pour accueillir nos hôtes (et futurs clients) étrangers, comme l’atteste entre mille exemples ce compte-rendu de la réception qu’a offert l’an dernier le groupe d’amitié France-Guatemala à des députés du pays éponyme (comme dirait Le Monde). Et comme le confirme la réception offerte il y a peu au maire de Sofia par nos amis de Veopole et de Bercy...
Seules de mauvaises langues, qui ne comprennent décidément rien au « patriotisme économique », ni à fortiori "à la croissance arrachée avec les dents", pourront donc s’émouvoir de voir ainsi la puissance publique déployer ses ors et ses pompes au plus grand profit... de Veolia.
(Que l’un de nos susnommés amis, il se reconnaîtra, vient de rebaptiser "Veopole", allitération qui nous parait admirablement convenir au cas d’espèce ci-après.)
Qu’on en juge avec ce compte-rendu de la réception du groupe d’amitié France-Guatémala du 5 au 9 février 2007, obligeamment mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale :
« A l’invitation du groupe d’amitié France-Guatemala présidé par M. Denis Jacquat, député de la Moselle, une délégation du groupe d’amitié Guatemala-France du Congrès des députés du Guatemala a effectué une mission à Paris et en Moselle du 5 au 9 février 2007.
Elle était composée de trois députés : M. Jorge Méndez Herbruger, président du groupe d’amitié et ancien président du Congrès, Mme Conchita Mazariegos Tobias, ancienne présidente de la Cour constitutionnelle et M. Edgar Antonio Almengor, ancien président de la commission des ressources hydrauliques.
Les députés guatémaltèques avaient souhaité centrer leur visite sur les thèmes suivants (*) :
– la gestion et le traitement de l’eau potable,
– la décentralisation et le fonctionnement des collectivités locales françaises,
– les droits de l’homme.
A l’Assemblée nationale, la délégation a rencontré les députés du groupe d’amitié France-Guatemala ainsi que M. Marc Laffineur, vice-président du groupe UMP et MM. Jean-Michel Boucheron et Henri Nayrou pour le groupe socialiste. Elle a eu des échanges de vues avec M. Rudy Salles, président du groupe d’études sur les droits de l’homme et M. André Flajolet, rapporteur du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques pour la commission des affaires économiques.
Reçue au Ministère des affaires étrangères et au Ministère des relations avec le Parlement, elle a pu faire le point de la bonne santé des relations franco-guatémaltèques et s’informer sur le rôle et les fonctions du Ministre chargé des relations avec le Parlement.
La délégation a pu visiter le nouveau musée du Quai Branly et assister à l’inauguration de l’exposition « Passé et futur dans le présent de l’architecture guatémaltèque » sur le toit de la Grande Arche de la Défense.
En matière de gestion de l’eau, les députés guatémaltèques ont eu des échanges approfondis sur le cadre juridique français avec les responsables du ministère de l’écologie et du développement durable et ceux du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, dans la perspective du développement de projets de coopération bilatérale.
Ils ont été reçus au siège de l’entreprise Véolia et de sa filiale Sade, qui a pu leur faire part de son expérience en Amérique latine notamment, et de ses possibilités d’intervention au Guatemala.
Au cours de leur séjour en Moselle, les députés guatémaltèques ont visité l’usine de traitement des eaux de Moulins-les-Metz gérée par la société Véolia et ont rencontré le délégué aux relations internationales de l’agence de bassin Rhin-Meuse.
Ils ont été chaleureusement accueillis par les élus du conseil général de la Moselle et du conseil régional de Lorraine, où ils ont eu des entretiens sur l’administration locale. Ils ont été conviés à un déjeuner de travail par M. Jean-Marie Rausch, maire de Metz, et ont bien apprécié la mise en valeur exceptionnelle du patrimoine architectural de la ville et son dynamisme économique et culturel.
Ils ont également été séduits par la présentation du projet architectural audacieux du futur Centre Pompidou de Metz. Ils ont enfin eu le plaisir de découvrir les magnifiques peintures de la petite église de Sillegny.
Ce premier échange entre députés des deux groupes d’amitié a permis de tisser des liens amicaux entre parlementaires et de définir les domaines où une coopération bilatérale pourrait être relancée et relayée au niveau parlementaire par un suivi régulier lors de futures rencontres. »
Cà coule pour Veolia
Dans son édition du mercredi 23 janvier 2008, le Canard Enchaîné rapportait un autre récent exemple d’un mélange des genres qui n’est pas sans interroger…
« La visite à Paris du maire de Sofia, le pittoresque général Boïko Borissov, a fait saliver plus d’un chef d’entreprise. Arrivé le 14 janvier, il a été décoré de l’ordre du Mérite par Michèle Alliot-Marie. Mais surtout, il a été pris en charge par le Medef, qui l’a invité à déjeuner avec un aéropage de patrons. Il faut dire que Borissov a pour sa ville de grandioses projets dans l’assainissement de l’eau, le traitement des déchets, les transports, l’énergie. Au premier rang des assoiffés, Henri Proglio, pédégé de Veolia, qui a reçu personnellement le maire de Sofia, en compagnie d’un de ses principaux collaborateurs, Antoine Frérot, patron de la branche eau.
Borissov a également été invité à Bercy. Mais Christine Lagarde étant empêchée, c’est son directeur de cabinet, Stéphane Richard, qui l’a reçu en compagnie… du même Antoine Frérot, décidément collant.
Ce qui a donné lieu à une scène de genre (et même de mélange des genres) peu commune. Richard est en effet un ancien dirigeant de Veolia. Il a reçu, en compagnie d’un actuel dirigeant de Veolia, un client de Veolia. Et de quoi ils ont bien pu parler ? »
Un discours d’entreprise manipulateur
Lobbying et communication allant évidemment de pair, observons comment, en interne, Veolia, dont l’image de marque est durablement entâchée dans l’opinion publique, n’hésite pas par ailleurs à réécrire l’actualité qui la dérange.
Ainsi le procès-verbal du Comité central d’entreprise qui s’est tenu le 15 novembre 2007 de l’UES Veolia Eau-Générale des Eaux, signé par son Président, M. Jean Marie Lambert (DRH), et son secrétaire M. Vincent Huvelin (CGT), en présence de M. Reneaume (Directeur général), et transmis aux organisations syndicales aux fins de transmission aux salariés du groupe, effective le 24 janvier 2008 comporte-t-il plusieurs contre-vérités, qu’il apparaît important de mettre en pendent avec la propagande officielle du groupe, lénifiante comme il se doit.
Ainsi pour M. Reneaume (page 12, paragraphe 4) : "la gestion directe des services d’eau est le modèle de la non performance et la gestion déléguée, qui continue de se développer malgré des attaques qu’il subit car il possède quelques vertus."
Avant de poursuivre, page 14, paragraphe 3 :
"S’agissant du contrat de la Ville de Paris, M. Reneaume précise qu’il ne s’agit pas d’une décision du Maire de Paris, mais d’une prise de position d’un candidat à sa propre réélection, ce qu’a d’ailleurs confirmé Madame Hidalgo en séance du Conseil de Paris. M. Reneaume remarque que le communiqué de M. Delanoe est plus ambivalent qu’il ne parait, même si les adversaires de l’Entreprise tentent d’instrumentaliser cette déclaration pour la transformer en décision."
Et dans le même registre, page 15 paragraphe 2 :
"M. Reneaume dénonce les mensonges diffusés à nouveau par une certaine association de consommateurs. Il estime que la situation lyonnaise est en réalité positive. Veolia dégageait une marge de 22% sur ce contrat, cinq ans après la négociation, et la Communauté Urbaine a considéré qu’elle pouvait en réclamer une partie. Cette marge a donc été ramenée à 8%, soit un écart de 18,4 millions d’euros par an. Sur la durée du contrat, Veolia Eau aura donc rendu 184 millions d’euros à cette collectivité, mais il est faux et inacceptable de dire que ces sommes avaient été initialement "prises dans la poche des Lyonnais".
(A lui seul ce dernier extrait se passe aisément de commentaires…)
(*) Qu’en des termes choisis ces choses là sont dites !
Un document intéressant que ce fameux rapport de CE !
Existe t’il en consultation publique, hors salariés de Veolia Eau ?