Dans la plus grande discrétion, les articles 35b à 35e du « Projet de loi pour la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », déjà examiné à deux reprises par le Sénat, et qui doit prochainement être adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, ont créé une nouvelle compétence obligatoire des communes et groupements de communes de « lutte contre les inondation et gestion des milieux aquatiques ». Son financement sera assuré par une nouvelle taxe de 40 euros par foyer assujetti, soit une recette estimée à 600 millions d’euros payés chaque année par les Français, en sus de la facture d’eau qu’ils acquittent déjà. L’histoire de cette nouvelle compétence et de cette nouvelle taxe témoignent de manière accablante que la gestion de l’eau échappe en France à tout contrôle démocratique, pour le plus grand profit des groupes d’intérêts qui en retirent des bénéfices colossaux.
Les enjeux financiers du secteur de l’eau en France sont considérables. Selon le rapport rendu public le 11 septembre 2013 par le Commissariat général à l’environnement et au développement durable (CGEDD), dit "rapport Levraut", l’ensemble des deux cycles met en jeu des flux annuels de l’ordre de 23 Milliards € : le petit cycle de l’eau représenterait environ 17,2 Md€ et le grand cycle environ 5,6 Md €, dont plus de la moitié en provenance du contribuable au niveau national et 22% en provenance de l’industrie.
Or, de l’aveu même de la Cour des comptes (Rapport 2010 : « Les instruments de la gestion durable de l’eau), comme du Conseil d’Etat (Rapport 2010 « L’eau et son droit »), aucune autorité publique française n’est capable d’identifier avec précision ces flux financiers…
Leur gestion suscite des tensions permanentes. En cette rentrée 2013 les "barons de l’eau" poussent des cris d’orfraie, après que le gouvernement ait décidé un prélèvement de 210 millions d’euros dans la trésorerie, pléthorique, des Agences de l’eau. Un épiphénomène pour le directeur de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, comme toujours à contre-courant, mais qui témoigne lui aussi des colossaux enjeux financiers de la gestion de l’eau.
C’est dire si l’on peut s’inquiéter de la destination de cette nouvelle manne de 600 millions d’euros qui va, théoriquement, être impartie aux communes et à leurs groupements pour la « lutte contre les inondations » et « la gestion des milieux aquatiques ».
Car la genèse de cette nouvelle compétence et de cette nouvelle taxe illustre jusqu’à la caricature le pouvoir démesuré que détiennent les différents groupes d’intérêts qui détiennent la réalité du pouvoir sur la gestion de l’eau en France.
Un pouvoir opaque, structurellement tissé de conflits d’intérêts, qui échappe à tout contrôle démocratique.
Il associe un réseau d’élus de toutes obédiences politiques, inconnus du grand public, invisibles sur la scène politique nationale, mais qui détiennent la réalité du pouvoir dans le monde de l’eau, intimement liés à un noyau de hauts fonctionnaires issus des grands corps : Eaux et Forêts, Ponts et Chaussées et Inspection des Finances, en lien avec le Conseil d’état comme le monde de la recherche et les entreprises privées du secteur.
Une centaine de vrais « décideurs », pas davantage.
Un univers qui a fait de l’endogamie sa marque de fabrique, à l’image des puissantes associations privées socio professionnelles du monde de l’eau, qui dictent l’agenda politique et technique du secteur.
C’est cette véritable « eau-ligarchie » qui vient de réussir, pour le plus grand profit de ses membres, qui le fêtent en grand arroi, un sensationnel hold-up de 600 millions d’euros que les Français devront acquitter chaque année, en sus de leurs factures d’eau.
Pour un bénéfice des plus douteux, puisque c’est cette même « eau-ligarchie » qui a précipité depuis 50 ans tout un système au bord de la faillite, comme en témoignent les innombrables rapports parus ces dernières années.
Afin d’acquitter la future taxe, Eaux glacées met en vente un bonnet de marin breton, "1ère tête", acquis en 1992 aux Dames de France, rue de Siam, à Brest, excellent état. Nous contacter si intéressé.
La réforme de la politique de l’eau
Le gouvernement Ayrault à initié à l’automne 2012 un projet de réforme globale de la politique de l’eau qui s’inscrit, tant dans les objectifs de la « Modernisation de l’action publique » (MAP), qui a succédé le 18 décembre 2012 à la Révision générale des politiques publiques (RGPP), que dans ceux de l’Acte III de la décentralisation.
Sur fond de diagnostic inquiétant établi depuis 2010 par le Conseil d’état, la Cour des comptes, le CGEDD et plusieurs missions d’inspection ministérielles, la réforme projetée visait notamment à identifier les leviers d’action qui permettront à la France de respecter ses engagements communautaires, et notamment les objectifs assignés par la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE) du 23 octobre 2000.
Les préconisations qui allaient être élaborées par les différentes instances as hoc mises en place depuis le début de l’année 2013, plus d’une quinzaine de groupes ad hoc, devaient être débattues au cours de la 2ème Conférence environnementale en septembre 2013. Les décisions qui y seraient arrêtées devant ensuite traduites au plan réglementaire et législatif.
Travaux d’approche
L’engagement d’une réforme de la politique de l’eau ne figurait pas officiellement au programme du candidat François Hollande à l’élection présidentielle, mais un certain nombre d’acteurs vont rapidement se mobiliser, après avoir pour certains d’entre eux, participé aux travaux de l’équipe de campagne, notamment dans la perspective de l’élaboration du Xème Programme des Agences de l’eau.
Ainsi, six élus siégeant dans les Comités de bassin des Agences de l’eau interviennent-ils, avec succès, dès l’été 2012, auprès de Jérôme Cahuzac et de Delphine Batho afin de sanctuariser le montant de l’enveloppe des redevances des Agences de l’eau pour la durée du Xème Programme, à hauteur de 13,3 milliards d’euros.
L’adoption du 10ème Programme sera en outre légèrement retardée suite au souhait de Delphine Batho d’obtenir un léger rééquilibrage de l’assiette des redevances en faveur des usagers domestiques, certes marginal car il n’excédera pas 1,5 à 2%...
Les mêmes acteurs obtiennent ensuite l’introduction d’un nouveau dispositif de “fongibilité” budgétaire entre les trois grandes missions des Agences, qui vise en réalité à faciliter la mobilisation de financements nouveaux pour le développement d’Etablissements publics territoriaux de bassin (EPTB) sur tout le territoire national. Dynamique que les mêmes acteurs poursuivront ensuite à marches forcées dans le cadre de l’élaboration d’un Acte III de la décentralisation.
Le rapport du CNE sur le financement des politiques publiques de l’eau
Déjà, dans le courant de l’année 2011 Daniel Marcovitch, président du Comité consultatif sur le prix et la qualité des services du Comité national de l’eau (CNE) et conseiller de Paris (PS) avait sollicité André Flajolet, député du Pas-de-Calais (UMP), alors président du CNE, afin de réaliser une étude dédiée au financement et à la durabilité des services publics d’eau et d’assainissement.
Grâce à la mise à disposition de trois fonctionnaires de la DEB du ministère de l’Ecologie, les travaux diligentés afin de réaliser cette « expertise collective », qui aura duré près de 18 mois accouchaient en janvier 2013 d’un rapport qui sera présenté le 2 mai 2013 à l’occasion d’un débat organisé par le Cercle français de l’eau (CFE), instrument de lobbying créée par Veolia et Suez pour domestiquer les parlementaires, aujourd’hui présidé par le député du Lot Jean Launay, par ailleurs président depuis l’automne 2012 du "Comité national de l’eau", organisme consultatif sous l’autorité hiérarchique du ministère de l’Ecologie.
Exemple chimiquement pur de conflit d’intérêt XXL qui ne serait toléré dans aucun pays nordique ou anglo-saxon.
Pour les initiateurs de la démarche les services publics d’eau et d’assainissement doivent résoudre une difficile équation : les coûts augmentent, la consommation d’eau baisse, les ménages sont moins solvables. D’autres sources de financement semblent nécessaires.
Le rapport était donc destiné à alimenter les réflexions actuelles sur une modification de la politique de l’eau qui pourrait constituer le principal ordre du jour de la prochaine conférence environnementale en septembre 2013.
« La gestion des services publics d’eau et d’assainissement est en pleine mutation », constataient Laurent Roy, nouveau directeur de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’Ecologie, et Jacques Pélissard, président de l’AMF, dans l’introduction du rapport.
Quelles sont ces mutations ? La réglementation se renforce, en particulier en matière de lutte contre les fuites et la protection de la ressource en eau.
Les consommations d’eau déclinent, comme l’illustre la baisse remarquable de 31% constatée entre 2003 et 2008 sur l’agglomération nantaise. En revanche, le prix de l’eau… augmente.
Tant et si bien qu’il devient souvent le critère essentiel dans le choix de déléguer ou non la gestion des services d’eau et d’assainissement.
« Plus la concurrence est forte, moins la gestion déléguée semble en odeur de sainteté », relève à ce propos Loïc Mahevas, président de Service Public 2000, bureau d’études créé originellement par l’AMF et la FNCCR, aujourd’hui SAS qui a été redressée d’une main de fer par un député UMP de la Côte d’Azur, qui soulève ce paradoxe, alors que le manque de concurrence dénoncé pendant longtemps a totalement disparu selon lui.
L’ère du temps est à un retour massif en régie de nombre de services d’eau et d’assainissement.
Pourquoi constate-t-on une telle hausse du prix de l’eau ? Elle est rendue nécessaire par les règles sanitaires ou environnementales plus strictes, en particulier sous l’influence des directives européennes.
Bernard Barraqué, directeur de recherche CNRS au Cired, estime ainsi à 150 milliards d’euros le coût de mise en œuvre en Europe de la directive sur les eaux résiduaires urbaines.
La hausse du prix s’explique aussi par le nécessaire renouvellement des ouvrages. « Le renouvellement des canalisations est de plus en plus prégnant », confirme Daniel Marcovitch. Le financement du traitement des pollutions diffuses, de la gestion des eaux pluviales et de la prévention des inondations expliquent également cette évolution.
La question de fond du débat sur le financement des services est précisément celle de savoir si l’usager du service public d’eau potable doit payer à travers sa facture la totalité du coût de la politique de l’eau.
Bernard Barraqué estime que c’est déjà « un scandale de payer l’assainissement dans la facture d’eau », les stations d’épuration ne rendant pas service à ceux qui y sont raccordés mais à ceux qui sont en aval. Et de prendre l’exemple des Pays-Bas où le prix de l’eau est éclaté en trois parties (adduction d’eau, collecte des eaux usées, épuration) payées à trois entités différentes : entreprise de distribution d’eau, commune, wateringue (équivalent en France d’un établissement public de bassin).
En tout état de cause, le principe de base de l’Ecole française de l’eau selon lequel « l’eau paie l’eau » atteint aujourd’hui ses limites, estime Daniel Marcovitch.
Ce qui semblait logique dans le cadre du financement des services publics d’eau et d’assainissement au sens strict pose aujourd’hui question alors que « les frontières entre petit et grand cycle de l’eau sont de moins en moins marquées », expliquait le vice-président du CNE.
Et de donner des exemples de cette dérive : usagers finançant des usines pour traiter les pollutions diffuses des nappes souterraines, facture d’assainissement servant à garantir la qualité du milieu récepteur ou à gérer les eaux pluviales, financement des zones humides et des études sur les inondations par les redevances aux agences de l’eau.
« Existe-t-il un rapport entre le consommateur et les sommes très importantes qu’il faudra mettre en œuvre pour l’effacement des dizaines de milliers d’ouvrages qui sont un obstacle à la continuité écologique des cours d’eau ou à la gestion des eaux pluviales ? », interroge ainsi l’élu.
D’autant que la facture d’eau ne pourra augmenter indéfiniment : pour près de deux millions de foyers, elle dépasse 3% du budget du ménage, avec des pointes allant jusqu’à 10% du budget.
Des adaptations du système existant paraissent donc indispensables. Daniel Marcovitch évoque plusieurs pistes qui vont de la lutte contre les fuites de réseaux au regroupement des services (plus de 31 000 services d’eau et d’assainissement en France), en passant par une meilleure participation des usagers, des aides sociales aux plus démunis et la recherche de nouveaux financements.
D’autant que la directive cadre sur l’eau (DCE) impose une récupération des coûts auprès de toutes les catégories d’usagers.
« Une hausse des prix pour certains professionnels est envisageable », estime le président du Comité consultatif sur le prix et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement, qui explique que, grâce aux déductions de charges, l’eau leur est actuellement facturée 30% moins chère qu’aux ménages.
« Par ailleurs, le principe pollueur-payeur, principe fondamental de toute économie environnementale, est largement sous-évalué pour les agriculteurs », ajoute-t-il, « et cela au détriment des usagers domestiques ».
Daniel Marcovitch se dit favorable à conserver les budgets autonomes de l’eau partout où cela est possible mais en permettant des participations extérieures des départements, communautés de communes et régions.
« Les établissements publics de coopération intercommunale vont devenir un nouvel outil de mise en œuvre des directives avec la future loi de décentralisation », fait remarquer Pierre-Alain Roche, président de l’Astee, à ce sujet.
Pour ses instigateurs, le contenu de cette étude devrait alimenter la réflexion du CNE qui doit également examiner les rapports des trois missions d’évaluation de la politique de l’eau en cours : l’une du député Philippe Martin sur la gestion quantitative, une deuxième du député Michel Lesage plus axée sur son côté qualitatif, la troisième étant une mission d’inspection gouvernementale relative au bilan à mi-parcours des Sdage.
L’ensemble de ces travaux devait alimenter les propositions de réforme de la politique de l’eau que la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, devait présenter à l’occasion de la seconde conférence environnementale, en septembre 2013.
On sait ce qu’il en advint. De la ministre, de la Conférence environnementale, et de la réforme...
Le projet de stratégie nationale de gestion du risque inondation
Le projet de stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI), élaboré depuis plusieurs années par la Commission mixte inondation (CMI) était présenté lors d’une réunion de la Commission le 30 mai 2013.
Accessible via l’extranet de la CMI : http://www.cmi-extranet.fr/
(rubrique 1.1.2), il détaille et précise l’ensemble des dispositions déjà élaborées ou en voie d’adoption, qui vont faire peser de nouvelles contraintes sur les collectivités locales, notamment dans les zones particulièrement affectées par ce risque.
Ceci à raison du bilan sévère dressé dans ce documents des insuffisances de la politique actuelle.
La problématique inondation doit donc être prise en compte sous l’angle de ces nouvelles contraintes, dans le contexte du projet élaboré, lui, dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation de conférer au bloc communal l’exercice d’une nouvelle compétence obligatoire, celle de la « gestion du milieu aquatique ». (Voir supra Acte III de la décentralisation).
Après une phase de consultation à l’été, la nouvelle stratégie nationale de prévention des inondations sera approuvée "à l’automne 2013", annonçait la ministre de l’Ecologie dans une communication en Conseil des ministres le 5 juin.
"Les conséquences humaines, économiques et environnementales des très fortes précipitations qui ont affecté le quart Nord Est de la France au début du mois de mai 2013 et le Sud de la France en mars 2013 rappellent la nécessité de donner une nouvelle impulsion aux actions menées dans ce domaine pour assurer la protection des personnes et des biens", déclarait Delphine Batho.
La stratégie nationale en cours d’élaboration avec les parties prenantes entend "assurer la cohérence des actions menées en la matière, afficher les principes fondamentaux et dégager des priorités d’action à moyen et long terme, selon le communiqué du conseil des ministres.
Elle se déclinera sur les 122 territoires prioritaires identifiés fin 2012 pour lesquels l’Etat et les parties prenantes élaboreront conjointement des stratégies locales de gestion. Celles-ci se traduiront par la mise en œuvre d’outils opérationnels pour conduire sur le terrain des actions de prévention et de protection, avec les programmes d’actions de prévention des inondations (Papi) et le plan submersions rapides (PSR) élaborés à la suite de la tempête Xynthia et des inondations du Var de 2010".
Ce plan comporte un volet important consacré à la restauration des endiguements avec l’objectif de réhabiliter 1200 kilomètres de digues sur la période 2011-2016, l’Etat apportant un financement de 500 millions d’euros. "A ce jour, les 52 programmes labellisés vont permettre le renforcement de 224 kilomètres de digues", indiquait la ministre.
Pour accompagner la mise en œuvre des stratégies locales et des plans d’action, le gouvernement veut donner la priorité à deux volets : d’une part, le renforcement de la prévision des crues sur le réseau hydrographique surveillé par l’Etat, en passant progressivement d’un système de prévision des crues à un système de prévision des inondations, avec la publication de cartes prévisionnelles de zones inondées, et d’autre part, la gestion des ouvrages hydrauliques.
Sur ce deuxième volet, le gouvernement soutient, dans le cadre des travaux législatifs en cours en matière de décentralisation, la création d’une compétence de gestion des milieux aquatiques confiée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, l’Etat continuant à apporter son concours aux collectivités concernées en matière de financement et d’expertise. Enfin, la ministre de l’Ecologie annonçait la tenue les 2 et 3 décembre 2013 d’Assises nationales des risques naturels.
L’Acte III de la décentralisation
Le président PS du Sénat, Jean-Pierre Bel, annonçait le mardi 2 avril 2013 que le gouvernement allait revoir sa copie sur la décentralisation en présentant « trois textes distincts » au lieu d’un seul et repousser le calendrier. Le projet de loi de réforme des collectivités, qui a suscité une opposition unanime des sénateurs PS, devait à l’origine être présenté d’un seul tenant au conseil des ministres du 10 avril. Désormais, l’examen des trois textes devrait être étalé dans le temps, comme le confirmait Matignon à l’issue du deuxième CIMAP du 2 avril. Le premier concernera les métropoles, le deuxième les régions, le troisième sera dédié à la clarification des compétences et aux solidarités territoriales.
A ce stade, si les deux premiers textes pourraient être adoptés avant la fin 2013, le troisième pourrait être reporté après les municipales de mars 2014…
En matière de gestion de l’eau de fortes tensions se sont fait jour depuis l’ouverture du débat sur l’Acte III de la décentralisation entre les défenseurs des différentes strates du « mille-feuille territorial », sur fond de prise de compétences nouvelles en matière de gestion des milieux aquatiques, qui deviendrait une compétence obligatoire des communes, à côté des compétences traditionnelles en matière d’eau potable et d’assainissement.
Plusieurs scénarios ont d’abord émergé, difficilement conciliables, et la confusion a semblé aller croissant. Semblé seulement.
Le « tout EPTB » par l’octroi de nouvelles compétences aux communes et aux EPCI à fiscalité propre
Les acteurs qui s’étaient déjà mobilisés dans le cadre de la préparation de l’adoption du Xème Programme, autour d’un noyau dur d’élus proches du nouveau pouvoir, ou du moins s’en revendiquant haut et fort, et « professionnels de la gestion de l’eau », puisqu’ils siègent dans l’intégralité des instances qui en décident (Agences, Onema, CNE…), s’efforçaient dès la fin de l’année 2012, de traduire en projet de loi la dynamique dont ils étaient porteurs, et qui visait, sur la base du constat - réel - d’une absence criante de porteurs de projets en matière de préservation et d’amélioration de la ressource (protection des captages, lutte contre les inondations, zones humides, trames vertes et bleues…), à systématiser la couverture du territoire national par des EPTB, et à doter ces derniers de nouveaux moyens qui leur permettraient de financer ces missions.
Dans une première version du projet de loi de décentralisation, rendue publique à la fin novembre 2012, un volet « Milieux aquatiques » détaillait très précisément cette dynamique.
Il s’agit tout d’abord de rendre obligatoire la prise de compétence par les communes de la « gestion des milieux aquatiques », puis de systématiser, à l’initiative des préfets, la couverture du territoire national par de nouveaux EPTB avant le 1er janvier 2017, et enfin de créer une nouvelle taxe (au mètre linéaire), à laquelle seraient assujettis les propriétaires riverains d’un fleuve ou d’une rivière…
Au terme d’arbitrages intervenus au début de l’année 2013, la dernière version du projet de loi rabotait ces ambitions. Une nouvelle compétence obligatoire de « gestion des milieux aquatiques » par les communes est maintenue, mais cette compétence sera obligatoirement transférée aux EPCI à fiscalité propre.
Et le projet, s’il maintient le souhait de voir émerger de nouveaux EPTB, ne l’envisage plus que de manière optionnelle.
Par ailleurs des incertitudes nouvelles apparaissent quant à la portée du transfert des pouvoirs de police du maire aux présidents des futures métropoles, quand bien même l’élaboration des documents d’urbanisme demeure du ressort de la commune. A l’identique pour ce qui relèverait de la compétence des EPCI pour la conformité des branchements.
Toutefois le « lobby » des EPTB n’en poursuivaitt pas moins son offensive, via la présentation, nous l’avons vu, par l’intermédiaire de Daniel Marcovitch, président de son association nationale, l’AFEPTB en février 2013, du rapport intitulé : « Comment améliorer le financement et la durabilité des services publics d’eau et d’assainissement français ? », réalisé par Comité consultatif sur le prix et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement du Comité national de l’eau.
L’opposition de l’AMF
Dans un document rendu public le 27 mars 2013, l’Association des maires de France (AMF) critiquait vivement l’ensemble des dispositions relatives à la gestion des milieux aquatiques figurant dans l’avant projet de loi :
(…)
« Gestion des milieux aquatiques
L’avant-projet de loi crée une compétence obligatoire pour les communes, fléchée au niveau des EPCI à fiscalité propre (compétence transférée à titre obligatoire pour toutes les communautés et les métropoles) en matière de gestion des cours d’eau non domaniaux et privés, de défense contre les inondations et la mer, ainsi que la protection et la restauration des écosystèmes aquatiques et des zones humides.
Ce texte entraîne une extrême rigidité dans l’exercice de cette compétence, peu adaptée aux réalités de terrain.
Ainsi, la prévention des inondations recouvre la gestion et l’entretien des ouvrages de protection, y compris ceux appartenant à d’autres personnes publiques ou privées, dont le coût est très significativement supporté actuellement par les conseils généraux.
Ces derniers n’auront plus de compétence dans ce domaine alors qu’ils assurent une responsabilité en matière de gestion des inondations et un financement très important de nombreuses digues.
La charge transférée sur les communes et leurs intercommunalités risque d’être totalement disproportionnée par rapport à leurs moyens.
Par ailleurs, ce texte écarte de la gestion des cours d’eau les syndicats de rivières (et toutes autres structures intervenant dans la gestion des eaux) qui regroupent les collectivités concernées. Ces structures permettent pourtant une mise en oeuvre opérationnelle des travaux de gestion des cours d’eau (ou l’élaboration des SAGE) au plus près des territoires quand l’établissement de bassin couvre un périmètre très large.
L’AMF s’oppose fermement au transfert aux communes puis aux EPCI des ouvrages de protection des inondations quand ceux-ci relèvent aujourd’hui d’autres autorités publiques (Etat, collectivités), de propriétaires privés défaillants ou d’une « gestion orpheline ».
(En gras dans le document de l’AMF).
Enfin, aucune disposition relative au financement de cette nouvelle compétence ne figure dans l’avant-projet de loi ni n’est mentionnée dans l’exposé des motifs. »
Interrogations avant l’examen en première lecture au Sénat
L’examen au Sénat à dater du 30 mai 2013 du premier volet du projet de décentralisation faisait apparaître clairement la confusion croissante entourant la définition et la portée de cette nouvelle compétence « gestion des milieux aquatiques »…
Dans son édition du 4 juin 2013 la Gazette des communes consacrait un article, en apparence, critique, intitulé « Gestion des milieux aquatiques : un pilotage en eaux troubles » à ce fameux projet :
« Deux chefs de file – métropoles et communes – là où les Etablissements publics territoriaux de bassin devaient au départ être à la manœuvre, et zéro ressource affectée. La prévention des inondations s’est embourbée au fil des diverses versions du projet de loi de décentralisation.
Initialement, la création d’une compétence « gestion des milieux aquatiques » apparaissait comme une avancée majeure : une des premières moutures de l’avant-projet de loi, dévoilée fin 2012, donnait enfin au « grand cycle de l’eau » (1) un maître d’ouvrage.
(1) Terme désignant le mouvement perpétuel de l’eau dans tous ses états : évaporation de l’eau de mer formant les nuages, transportés par les vents vers les continents, lesquels recueillent des précipitations, dont une partie repart vers l’atmosphère et l’autre ruisselle sur le sol. Celui-ci va en en partie stocker dans les nappes l’eau de pluie, le reste rejoignant les fleuves puis la mer).
Appelés à couvrir l’Hexagone en 2017, les Etablissements publics territoriaux de bassin (EPTB) devenaient, sur le « grand cycle », le pendant des communes et intercommunalités, en charge du « petit cycle » (2) depuis 1970.
(2) Prélèvement des eaux brutes, traitement pour potabilisation, distribution, collecte et assainissement des eaux usées, restitution au milieu naturel des eaux traitées).
Mais la version présentée au Sénat, mi-avril 2013, raconte une toute autre histoire : les EPTB sont désormais hors champ et la responsabilité des milieux aquatiques – incluant notamment la prévention des inondations – incombe à deux types d’acteurs :
• les métropoles (également en charge de l’eau potable et de l’assainissement, appelées donc à cumuler grand et petit cycle), aux termes du premier texte engageant un nouvel acte de décentralisation, en cours d’examen à la Haute Assemblée,
• et les communes et leurs groupements, selon le troisième volet de la réforme, qui ne sera inscrit à l’ordre du jour parlementaire qu’après les municipales de mars 2014.
Au passage, la « taxe pour l’entretien des cours d’eau non domaniaux », qu’auraient acquittée les propriétaires riverains, a disparu des textes.
« On a du mal à s’y retrouver », résume Marie-France Beaufils, sénatrice (CRC) d’Indre-et-Loire, qui souhaite une clarification des responsabilités incombant aux métropoles et aux communes et intercommunalité. Pour l’élue, le projet aujourd’hui sur la table ne reflète nullement la consultation menée au Sénat début octobre 2012, lors des Etats généraux de la démocratie territoriale.
« L’Etat ne serait pas gêné de transférer aux collectivités la responsabilité de l’entretien d’ouvrages de prévention des inondations et ceci, sans discussion ni étude d’impact préalable !, s’indigne la sénatrice-maire de Saint-Pierre-des-Corps (15 300 hab.).
Le long de la Loire, les digues appartiennent à l’Etat et, sur le seul tronçon de l’Indre-et-Loire, ses services évaluent à 30 millions d’euros les travaux de confortement à engager rapidement. Dans notre département, le financement est réparti entre les conseils régional et général – qui assument la majorité de la facture – et l’Etat – dont la dépense sur les digues est notoirement insuffisante –, les communes, qui n’en ont évidemment pas les moyens, n’étant pas partie prenante. »
Autre argument plaidant en faveur d’un maintien de l’entretien des digues dans le giron de l’Etat : « Les inondations ne relèvent pas que du périmètre de l’eau mais aussi de la sécurité publique, souligne Marie-France Beaufils, également présidente du Centre européen de prévention du risque d’inondation (Cepri). Les conséquences d’une crue exceptionnelle de la Loire dépasseront largement les communes riveraines du fleuve. En particulier si l’événement coupe les relations entre le Nord et le Sud du territoire. C’est notamment en cela que la responsabilité de l’Etat me semble pertinente. »
Faut-il le préciser ? Marie-France Beaufils ne souscrira pas à aux dispositions, en l’état, des premier et troisième textes réformant le paysage territorial. »
Retour en grâce des EPTB au Sénat
Après des débats mouvementés, durant lesquels de nombreuses réserves furent émises, et qui demeurèrent marqués par une confusion permanente, et que l’on pourrait croire délibérément entretenue, entre « lutte contre les inondations » et « gestion des milieux aquatiques », le Sénat adoptait pour finir en première lecture le 6 juin 2013 un texte de loi semblant rétablir les intentions initiales des promoteurs du « tout EPTB », matinées d’une dévolution obligatoire au seul bloc communal d’une nouvelle compétence « gestion des milieux aquatiques » :
Article 35 B (nouveau)
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le 2° du I de l’article L. 5214-16, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement ; »
2° Après le 4° du I de l’article L. 5216-5, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement. » ;
3° Après le d du 6° du I de l’article L. 5215-20, il est inséré un e ainsi rédigé :
« e) Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement. »
II. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 211-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements, tels qu’ils sont définis au second alinéa de l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics territoriaux de bassin prévus par l’article L. 213-12 du présent code, sont habilités, sous réserve de la compétence attribuée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre par le I bis, à utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux s’il existe, et visant : » ;
b) Le I bis est ainsi rédigé :
« I bis. – Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies par les 1°, 2°, 5° et 8° du I. À cet effet, ils peuvent recourir à la procédure prévue par le I. » ;
2° Après l’article L. 211-7-1, sont insérés deux articles L. 211-7-2 et L. 211-7-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 211-7-2. – Pour l’exercice de leur compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations visée à l’article L. 211-7, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent instituer la taxe mentionnée à l’article L. 213-12-2 afin de pourvoir aux dépenses d’investissement en matière d’ouvrages de protection contre les inondations ainsi que d’entretien de ceux-ci et des cours d’eau non domaniaux dont ils ont la charge.
« Art. L. 211-7-3. – I. – Il est institué, au profit des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, une taxe spéciale d’équipement pour financer les ouvrages de protection contre les inondations prévus par les programmes d’action de prévention contre les inondations, leur entretien ainsi que celui des cours d’eau non domaniaux dont ils assurent la restauration ou l’entretien. Cette taxe est perçue par l’établissement public auquel ces établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ont délégué ces missions.
« II. – La taxe est acquittée par l’ensemble des contribuables des établissements publics de coopération intercommunale ou du ressort de l’établissement public auquel la compétence en matière de protection contre les inondations et de gestion des milieux aquatiques a été déléguée par ces établissements publics de coopération intercommunale. Le tarif de la taxe est fixé par l’assemblée délibérante de l’établissement exerçant la compétence en matière de protection contre les inondations et de gestion des milieux aquatiques, dans la limite d’un tarif maximal fixé par la loi de finances.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application des I et II. »
Une nouvelle gestion publique privée du « grand cycle » de l’eau ?
Les tensions que provoque ce projet de nouvelle compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques par les communes, qui, après avoir du s’en doter, devraient immédiatement s’en défaire au profit des EPCI à fiscalité propre, trouvent leurs sources dans les ambitions désormais clairement affichées par les grandes entreprises du secteur de l’eau, au premier rang desquelles Suez Environnement, de trouver de nouveaux relais de croissance, au-delà de leurs missions classiques (adduction d’eau et assainissement), dans le domaine de la gestion de la ressource elle-même.
Suez Environnement a ainsi fait financer sur fonds publics par l’Onema ces dernières années, dans des conditions sur lesquelles tant la Cour de discipline budgétaire et financière, saisie par la Cour des comptes, que la justice pénale auront à se prononcer, des programmes de recherche développement en nouvelle ingénierie environnementale, qui pourront faire l’objet de nouvelles DSP octroyées par les collectivités locales dans un proche avenir : protection des captages, des zones humides, de la biodiversité, trame bleue, eaux de baignade, continuité hydrologique, etc.
Sur fond de désengagement programmé de l’état de ses missions régaliennes, et sous couvert d’apporter de nouvelles réponses à l’échec des politiques publiques en matière de préservation de la ressource (rapports de la Cour des comptes et du Conseil d’état…), ce sont dès lors des pans entiers des politiques publiques en matière de gestion de la ressource en eau qui auraient vocation à être prises en charge par les grands opérateurs privés du secteur.
Le colloque ADCF – AFEPTB – Suez environnement : « Grand cycle de l’eau et décentralisation »
Avant même que ne soient connues les conclusions des réflexions conduites au sein des différentes instances mobilisées à cet effet par l’Etat, l’Association française des EPTB, l’Assemblée des communautés de France (ADCF) et Suez environnement annonçaient l’organisation aux Invalides le 18 juin 2013 d’un colloque intitulé « Gestion du grand cycle de l’eau et décentralisation : quelle gouvernance pour quels résultats ? ».
Ce colloque se tenait donc avant même que les différents groupes de travail mis sur pied par le ministère de l’Ecologie aient rendu leur diagnostic, et à fortiori leurs préconisations qui ne devraient pas être connues avant la fin de l’été, avant la tenue de la Conférence environnementale les 21 et 22 septembre 2013.
Tout juste une quinzaine de jours après que le Sénat, en première lecture, ait finalement validé le principe de la création d’une nouvelle compétence « gestion des milieux aquatiques » qui sera impartie au bloc communal, et rétabli in extremis le rôle déterminant également imparti aux EPTB à l’avenir, qui avait pu sembler menacé.
Et moins d’un mois avant l’examen en première lecture à l’Assemblée cette fois du premier volet de l’Acte III, et des dispositions qui prévoient la mise en œuvre, obligatoire, de cette nouvelle compétence « gestion des milieux aquatiques ».
Sous cet angle, le programme du colloque avait le mérite de dissiper l’ambiguïté savamment entretenue jusqu’alors entre la « lutte contre les inondations », qui a semblé depuis l’origine motiver la création de cette nouvelle compétence « gestion des milieux aquatiques », et les nouvelles perspectives de dévolution de pans entiers de l’action publique dans le domaine de la gestion de la ressource en eau (« grand cycle ») aux grands opérateurs privés du secteur, par le biais de nouvelles DSP qui seront proposées à l’avenir aux EPCI à fiscalité propre dotés d’une nouvelle compétence.
« Maîtrise de la qualité de l’eau, préservation des écosystèmes, gestion économe de la ressource, anticipation sur les risques naturels liés à l’eau… les objectifs fixés par la réglementation européenne notamment pour atteindre un bon état écologique des eaux en 2015 mettent la question du grand cycle de l’eau sur le devant de la scène.
Il s’agit pour les collectivités locales d’aller au-delà de leurs missions traditionnelles de distribution d’eau potable et d’épuration des eaux usées en intégrant des missions nouvelles à l’échelle des bassins versants.
Aujourd’hui, l’exercice de ces missions fait intervenir de nombreux acteurs et recouvre une grande diversité d’interventions : gestion des rivières et des cours d’eau, prévention des inondations, conseil en urbanisme et en aménagement notamment pour la gestion des eaux pluviales, gestion des ressources foncières, contact avec les agriculteurs pour protéger les points de captage et réduire les flux polluants…
Ces actions sont aujourd’hui éclatées entre différents niveaux de collectivités et de responsabilité, leur mise en oeuvre manque encore de coordination et de stratégie d’ensemble, les logiques de solidarité restent partielles.
C’est pour favoriser une approche « plus intégrée » de la gestion de l’eau que le législateur souhaite confier aux communautés une compétence élargie en matière de « gestion locale des milieux aquatiques ».
C’est également dans cet esprit que se sont mis en place les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) comme instances de coordination, de programmation, et de maîtrise d’ouvrage au service du grand cycle de l’eau.
Fort d’un important déploiement sur le territoire, les établissements publics territoriaux de bassin entendent assurer une meilleure cohérence entre les politiques publiques, une plus grande responsabilisation des acteurs, une meilleure lisibilité dans la gestion de l’eau à l’échelle des bassins.
Ces leviers seront-ils suffisants pour permettre aux collectivités de participer efficacement à la reconquête des milieux naturels et de la ressource en eau ? De quels moyens disposent-elles pour y parvenir ?
L’objectif de la journée est d’observer et de comprendre à partir de cas concrets et d’échanges avec les participants les enjeux d’une plus grande lisibilité dans l’organisation et le fonctionnement de la gouvernance de la gestion de la ressource en eau pour atteindre un bon état écologique de l’eau à l’horizon 2015. »
Nombre d’incertitudes demeurent donc quant au contenu, au périmètre, à l’échelon territorial qui l’exercera et au financement de l’exercice de cette nouvelle compétence « gestion des milieux aquatiques ». Mais l’issue des débats en cours bouleversera l’exercice actuel des compétences en matière de gestion des milieux aquatiques, et donc la nature et les charges financières de ce nouveau bloc de compétences qui pourrait se voir attribuer au bloc communal. »
Les échanges intervenus lors de ce colloque, organisé dans un somptueux ancien hôtel particulier tout juste rénové, situé… juste en face, de l’autre côté de la rue, de l’entrée arrière du « 101 », annexe de l’Assemblée nationale, ne laissent planer aucun doute quant aux « opportunités » attendues de la nouvelle compétence, quand bien même Suez-Lyonnaise nous a affirmé, « les yeux dans les yeux », que nous nous méprenions gravement sur leurs intentions, pourtant claires comme de l’eau de roche…
Examen en 2ème lecture à l’Assemblée nationale
Le texte issu des travaux parlementaires instituant la nouvelle compétence et la nouvelle taxe a été transmis le 8 octobre 2013 à l’Assemblée nationale en vue d’y être examiné en 2ème lecture (Voir article 35b et suivants).
En juillet dernier, à l’Assemblée, lors de la première lecture, un amendement de suppression parfaitement argumenté, soutenu par Christian Estrosi, député et président (UMP) de la métropole niçoise, avait été sèchement retoqué par Marylise Lebranchu.
Le nouveau texte modifie donc les dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT) en ce qui concerne les compétences des métropoles (art. 31 du projet), des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines (art. 35 B du projet).
Et l’article 35 B modifie l’article L211-7 du Code de l’environnement pour attribuer aux communes la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations ».
Cette compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » pourrait recouvrir les activités suivantes :
– l’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ;
– l’entretien et l’aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau ;
– la défense contre les inondations et contre la mer ;
– la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
Dans le but d’assurer ces nouvelles compétences, le projet de loi crée la possibilité pour les collectivités concernées d’instituer une taxe ayant pour objet « le financement des travaux de toute nature permettant de réduire les risques d’inondation et les dommages causés aux personnes et aux biens ».
On note ici un hiatus entre l’étendue relativement large de cette nouvelle compétence (aménagement des bassins, entretien des cours d’eau, protection des sites) et son champ d’application plus restreint (réduction des risques d’inondations et de dommages).
Hésitation du législateur ?
Le produit de cette « taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations » serait plafonné à 40 euros par habitant résidant sur le territoire.
Outre ces dispositions de l’article 35 B qui concernent les collectivités territoriales, le projet de loi vient préciser les compétences, les procédures de création et les ressources possibles des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB).
Surprise de taille, alors qu’ils étaient absents du paysage depuis le lancement de l’opération par le « gang des EPTB », les EPAGE ont fait leur apparition à l’Assemblée en juillet dernier…
Ces nouveaux « établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) sont un projet porté depuis plusieurs années par cinq Conseils généraux du Sud-est de la France, impliqués dans la gestion de centaines de contrats de rivière, et qui n’entendaient pas se faire manger la laine sur le dos par le gang des EPTB...
En schématisant l’EPTB intervient au niveau du bassin, l’EPAGE, lui, s’occupera des sous-bassins et des territoires, et entend bien en fait exercer l’essentiel de la nouvelle compétence, ce qui promet d’ores et déjà des batailles homériques pour le partage du gâteau…
Le projet de texte prévoit de confier cette nouvelle compétence aux communes et aux EPCI à fiscalité propre au plus tard le 1er janvier 2016.
La gestion des ouvrages appartenant à l’État et aux établissements publics d’État ne serait transférée que 10 ans après l’entrée en vigueur de la loi.
Les charges liées à la gestion des ouvrages publics de protection contre les inondations ou les submersions qui seraient transférées par l’État, la région ou le département pourraient faire l’objet d’une compensation dans le cadre d’une convention.
Les dispositions du projet de loi entraîneront quoiqu’il en soit une augmentation significative des dépenses de fonctionnement et d’investissement à la charge des communes et des EPCI à fiscalité propre désormais compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations.
Coup de force
L’opération a tout du coup de force. Elle a été conduite, de main de maître, par moins d’une vingtaine de personnes, que l’on retrouve présentes à chaque étape du processus.
Noter à cet égard que la "prévention des inondations", stricto sensu, fait parallèlement
l’objet d’une autre proposition de loi, dite "Collombat", qui n’a pas même encore été examinée par le Parlement, c’est dire la célérité avec laquelle ont agi nos conjurés...
Des centaines de milliers de foyers français vont être frappés d’une nouvelle taxe de 40 euros chaque année, en sus de leur facture d’eau.
D’innombrables nouvelles usines à gaz vont éclore sur le territoire, pourvoyant postes et prébendes aux obligés de « l’eau-ligarchie ».
Les Agences de l’eau, les services de l’état et les collectivités locales, à nouveau un peu plus dépouillés de leurs missions historiques, vont voir fleurir de nouveaux acteurs, dotés d’une appétissante manne de 600 millions d’euros par an, un peu moins d’un tiers des redevances perçues chaque année par les Agences de l’eau.
Le partage de la rente s’annonce complexe...
Versant DCE et "rapportage communautaire" c’est l’extase : plus personne n’y comprendra rien, et la France pourra arguer que "le législateur" ayant profondément modifié notre modèle, il faudra de nouveaux délais avant que de pouvoir valider la nouvelle architecture d’information qu’il va falloir mettre en place. Du grand art. Pas sur que la DG environnement goûte la plaisanterie. Mais on comprend sans peine le nihil obstatde la fraction DEB-Onema, fort intéressée elle aussi à l’affaire sous cet angle...
Il y a quelques mois le Directeur général des finances publique, à Bercy, adressait une circulaire aux percepteurs, leur enjoignant, pour cause de surcroît de travail, de ne plus accepter d’effectuer la facturation des régies publiques. Gageons qu’il va donc refuser de percevoir cette nouvelle taxe...
Suez et Veolia sont confiants.
L’Institut Veolia environnement vient tout juste de lancer un appel à communications pour un vaste projet de restauration des écosystèmes, SAPIENS, en partenariat avec l’AFD, l’IUCN et l’Académie nationale des sciences US...
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