La Politique agricole commune (PAC) est critiquée de belle date. Elle ne parvient pas à stabiliser son budget. L’élargissement de l’Europe à vingt-huit pays a généré de nouveaux problèmes de fonctionnement. Et ses aides profitent essentiellement aux pays producteurs et aux propriétaires d’importantes exploitations agricoles. Mais désormais il y a plus, ou plutôt pire.
Car d’après une enquête du journaliste d’investigation Mark Lee Hunter, non seulement, les aides sont proportionnelles aux surfaces de l’exploitation, mais c e sont les exploitations les plus polluantes qui reçoivent le plus de subventions européennes…
Pour parvenir à cette conclusion, le journaliste a croisé deux jeux de données : la liste des bénéficiaires des aides de la PAC et les montants alloués d’une part, et celle qui répertorie les émissions d’ammoniac par exploitation d’autre part, seule pollution qui soit suivie à l’échelle des exploitations.
L’ammoniac qui provient principalement des activités agricoles est un composé chimique dont l’odeur âcre est caractéristique. Il peut impacter sévèrement la santé humaine et la vie sauvage lorsqu’il est relâché dans l’environnement.
Mais le système de suivi des émissions d’ammoniac est imparfait. Ainsi, seules 3% des émissions d’ammoniac liées à l’élevage sont répertoriées dans cette base de données, alors que l’élevage représente 64% des émissions d’ammoniac en France.
Par ailleurs, alors qu’il existe 31 000 fermes porcines et/ou avicoles, seules 727 d’entre elles figurent dans la base de données ! Sans compter que les fermes bovines n’y figurent pas alors qu’elles sont de grosses contributrices...
Une prime à l’élevage intensif
En 2015, les 20 premières fermes ont touché plus de 115 000 euros chacune, en moyenne, de la part de la PAC. Ces montants très importants par rapport aux versements standards fait que ceux qui déclarent le plus de pollutions reçoivent énormément de subventions.
Pour le gérant d’une exploitation porcine : « C’est simple, les prix des porcs sont bas, donc on doit en produire beaucoup pour s’y retrouver, et la PAC aide uniquement les agriculteurs sur le critère de la taille des exploitations ».
C’est en effet essentiellement sur la base du nombre d’hectares de terres cultivables que sont calculées les subventions versées aux exploitants. Cela incite donc à agrandir la taille de sa ferme en cultivant davantage d’hectares. Cela pousse aussi à intensifier les productions intervenant sur des petites surfaces comme les cochons et les poulets.
Ainsi les éleveurs porcins bretons possèdent deux fois plus d’animaux qu’il y a 10 ans, soit environ 1500 porcs pour une exploitation moyenne. C’est énorme et seule une véritable politique de réduction du nombre d’animaux pourrait permettre d’agir réellement sur la pollution à l’ammoniac liée à l’élevage.
Quant au suivi des pollutions environnementales, le minimum n’est même pas respecté. Il faudrait plus de transparence et un suivi digne de ce nom. Les seuils à partir desquels les fermes déclarent les pollutions de leur élevage devraient être abaissés et il serait bien sûr nécessaire de suivre d’autres polluants que l’ammoniac.
La PAC devrait encourager à respecter l’environnement et non pousser les agriculteurs à toujours plus d’intensification. Pour cela, il faudrait plafonner toutes les aides pour favoriser la création de valeur ajoutée et non l’agrandissement systématique des fermes, puis fixer un seuil à partir duquel les agriculteurs ne pourraient plus toucher de subventions s’ils possèdent plus d’un certain nombre d’animaux par hectare.
Prévue pour 2021, les négociations réformant la PAC ont déjà débuté. D’ici à la fin du premier semestre 2018, la Commission européenne devrait avoir remis ses premières propositions et les budgets de la politique agricole et des régions devraient diminuer, de l’ordre de 5 à 8%, voire jusqu’à 12% selon le quotidien Le Monde du 31 mai !
La France a déjà fait savoir qu’elle était opposée à cette baisse des subventions, mais Emmanuel Macron ainsi que Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, se gardent bien de proposer une autre proportionnalité des aides. Pour l’instant donc, avec ou sans baisse prochaine des aides, l’argent du contribuable continue à être utilisé pour financer les grosses exploitations et la pollution de l’environnement…
Lire aussi :
– La terre marchandisée
https://blogs.mediapart.fr/les-economistes-atterres/blog/310518/la-terre-marchandisee
Le blog des Economistes atterrés, Mediapart, 31 mai 2018.
– La séquestration du carbone dans les sols, une fausse solution miracle
http://www.liberation.fr/planete/2018/05/31/la-sequestration-du-carbone-dans-les-so
Libération, 31 mai 2018.
commentaires
le trou générationnelle d’installation cumulé aux prix toujours plus bas font que les agrandissements vont prendre une vitesse exponentielle compte tenu du nombre de départ à la retraite de la génération d’installés en 1985/1990. C’est mathématique !!! Si le consommateur continue de taper comme il fait et ne reconnaît pas les efforts faits on va inévitablement vers une financiarisation de l’agriculture et une industrialisation de l’agriculture. connaissez vous le montant de la future retraite de mon mari , 841 EUROS PAR MOIS POUR UN CHEF D’ENTREPRISE ; on a ce que l’on cotise d’accord, on ne peut que cotiser si l’on n’est pas payé pour nos produits !!! donc on est obligé de vendre à la retraite pour agrandir d’autres fermes . La solution donc c’est aussi et surtout LE CONSOMMATEUR
"ne peut cotiser que si l’on est payé"
c’est bizarre de ne le découvrir que maintenant, ça fait 20 ans qu’on le dit, nous les exploitations familiales , qu’il faudrait récompenser les efforts.... résultat on se meure, on se suicide, nous les exploitations familiales.... il faut toujours plus,pour encore moins cher que moins cher .... c’est valable pour tout, arrêtons de surconsommer, de vouloir des cerises en hiver bon sang !!! et de vivre au dessus de nos moyens et d’accuser toujours les autres parce que c’est plus facile,