L’obligation de mise en concurrence des missions de service public exercées par les Satese, décidée dans le cadre de la LEMA, suscite de nombreuses protestations. Près de 1300 élus de toute obédience ont déjà signé une pétition réclamant la pérennisation des missions d’intérêt général exercées pour le compte des départements par 500 techniciens et ingénieurs territoriaux dans toute la France. Un ancien fonctionnaire d’une agence de l’eau, déplorant les évolutions actuelles, a confié à Eaux glacées ses souvenirs du fantastique travail effectué par les Satese. Un élu Vert des Hauts-de-Seine insiste sur l’importance de pérenniser leurs missions. Le comble ? Plusieurs services ou établissements de l’Etat font en permanence appel aux Satese, sans lesquels ils ne parviendraient pas à réaliser leurs missions ! Autant de témoignages qui confirment que le maintien de la mise en concurrence obligatoire décidée dans le cadre de la LEMA provoquerait de graves dysfonctionnements du service public de l’assainissement dans toute la France.
Alain Cadiou est l’une des figures historiques de la grande saga des Agences de l’eau. Il y a vécu les années pionnières de cette institution originale dans le bassin Seine-Normandie. Aujourd’hui retraité, il demeure attentif aux évolutions du monde de l’eau, tout en militant pour la renaissance de la Bièvre en région parisienne. Il témoigne de l’apport inestimable des Satese qui ont contribué à améliorer les performances du parc épuratoire français.
« Je suis assez triste quand je vois ce qu’on a fait d’une idée particulièrement astucieuse, à l’initiative de laquelle je me suis trouvé mêlé vers 1972 ainsi que mon collègue Claude Salvetti.
L’étude du rendement catastrophique des stations d’épuration de l’époque nous avait amenés à constater qu’elles souffraient principalement d’un manque de maintenance et d’entretien. Le maire pensait avoir fait son devoir lorsqu’il avait investi une somme rondelette dans la construction de ce tas de béton que l’on cachait le plus loin possible du centre de la commune.
Le garde champêtre allait y faire un tour de temps en temps et donnait un coup de balai.
Nous avons donc à l’époque imaginé de monter à l’Agence Seine-Normandie, dans chaque département une équipe d’assistance technique aux STEP.
L’Agence n’ayant pas encore l’aisance financière qu’on lui connaît aujourd’hui, la difficulté était de convaincre les départements de se lancer dans l’aventure, sachant que l’Agence ne pouvait fournir que 50% du coût de l’opération.
Pour éviter aux départements d’avoir à assurer la gestion, ces équipes étaient placées sous la direction des délégués régionaux que l’Agence avait placés en Basse et Haute Normandie.
Claude Salvetti (qui était à Caen) et moi (qui étais à Rouen), avons eu à nous battre pour convaincre les différents conseils généraux de nos régions qui ont fini par accepter une opération qui ne leur coûtait pas très cher, et qui montrait leur souhait d’améliorer la qualité des rivières et des nappes. Je me suis ainsi trouvé à la tête des Satese (qui ne s’appelaient pas encore ainsi), de l’Eure et de la Seine maritime.
Cela fonctionnait de la façon suivante : l’équipe visitait toutes les stations du département une fois par trimestre et établissait un rapport avec un certain nombre de préconisations pour le maître d’ouvrage. Pour les récalcitrants, nous faisions intervenir l’exécutif du département.
C’est ainsi qu’en deux ans le rendement moyen des STEP est passé de 40 à 70 % d’efficacité. Il faut savoir que les rapports des Satese servaient également à l’Agence a calculer ses primes pour épuration.
Le système a fait tache d’huile dans les autres Agences de Bassin et peu à peu chaque département a eu son Satese, avec différents montages administratifs selon le département.
Tout ceci fonctionnait parfaitement jusque dans les années 80 où l’État (Ministère de la Santé) s’est avisé qu’il n’était pas normal que les Agences soient gestionnaires de ces équipes. Le Directeur de l’AESN de cette époque (aux ordres de l’État) n’a absolument pas soutenu l’Agence, et les personnels se sont trouvés dans la situation délicate d’abandonner leur statut pour un autre moins intéressant.
Finalement l’Agence Seine-Normandie a réussi peu à peu à intégrer dans son personnel les techniciens des Satese et les nouveaux Satese ont recruté de nouveaux techniciens en perdant l’acquis technique et la connaissance de terrain des anciens.
J’ai très mal ressenti cela à l’époque car c’était sans conteste la réalisation la plus réussie de notre Agence qui avait ainsi mis en place, sur tout son territoire, un réseau extrêmement efficace de connaissance en temps réel de la qualité des ouvrages. Cela permettait également un contact régulier avec les élus locaux des petites communes.
Vous connaissez la suite mais je tenais à vous faire savoir comment tout cela a démarré et surtout quel a été le germe de cristallisation de la décadence. »
Le témoignage d’un conseiller général Vert des Hauts-de-Seine
Vincent Gazeilles, conseiller général Vert, est membre du conseil d’administration du Satese des Hauts-de-Seine. Il témoigne de l’activité d’un service vital car il contribue, dans la configuration particulière de la région parisienne, à la maîtrise des pollutions de l’eau d’origine industrielle qui sont une préoccupation constante des gestionnaires de l’assainissement.
« Le Satese 92 est une entité du conseil général des Hauts-de-Seine, en partie financée par l’agence de l’eau Seine-Normandie, qui a pour but de mesurer la qualité de l’eau rejetée par les gros industriels du département utilisant des systèmes de traitement des eaux.
Le Satese conseille aussi ces industriels afin de mieux gérer leurs rejets en eau (station d’épurations, systèmes de mesure quotidienne etc..).
Un bilan est dressé chaque année notant les points positifs et négatifs et peut être demandé à la direction de l’eau du département*.
Le Satese n’a pas de pouvoir de police sur les entreprises pollueuses. Il se contente de conseiller, de mesurer et de rendre compte.
Quatre salariés dans les Hauts-de-Seine, ce qui est très peu, moins que la moyenne nationale, effectuent donc des missions essentielles, pour un budget annuel qui n’excède pas 300 000 euros.
Le Satese s’occupe des plus grosses entreprises. C’est très bien, mais il faut relativiser : ces entreprises rejettent environ 10% du volume global partant à l’égout vers les stations d’épuration. Le reste de ces rejets (petites entreprises, collectivités, particuliers), n’est pas spécifiquement contrôlé sauf en cas de détection de problèmes spécifiques par les syndicats qui gèrent les égouts du département, essentiellement la SEVESC, entreprise titulaire d’une délégation de service public en matière d’assainissement collectif dans les Hauts-de-Seine.
Ceci démontre clairement le besoin d’une extension des activités du Satese vers une mission de conseil, de sensibilisation des petites industries ou entreprises afin d’améliorer la qualité des eaux rejetées. »
Quand l’Etat se tire une balle dans le pied
L’absurdité de la mise en concurrence obligatoire des missions de service public exercées par les agents des Satese dans la quasi-totalité des départements français, pour un coût minime, si on le compare au budget global des politiques publiques de l’eau et de l’assainissement, s’impose sans coup férir dès lors que l’on prend connaissance des innombrables sollicitations qui leur sont adressées en permanence par d’autres services ou établissements de l’Etat, qui plébiscitent sans équivoque leur implantation sur le terrain et leur connaissance fine du fonctionnement du parc épuratoire français.
A cet égard si les missions aujourd’hui effectuées par les Satese devaient disparaître sous peu, on n’ose imaginer les dégâts collatéraux !
– Le 25 janvier 2007 l’Agence de l’eau Loire-Bretagne sollicite ainsi les Satese du bassin afin de « s’appuyer sur les compétences et sur les études qu’ils ont déjà réalisées (…)-, afin de contribuer à une étude réalisée par l’Office international de l’eau (OIEau), et portant sur les conditions de fonctionnement réelles des « dispositifs d’épuration de petite taille à caractère novateur. » Etude à laquelle va également participer le Cemagref, qui témoigne de son vif intérêt pour ce partenariat…
– Le 29 mars 2007 le Centre d’étude technique de l’équipement Méditerranée (CETE), sollicite le Satese du Calvados. Il est chargé, avec les autres CETE français, de réaliser le bilan d’application de la loi Littoral pour le compte du ministère de l’Equipement. Il doit impérativement collecter à cet effet l’ensemble des données concernant les stations d’épuration de tous les départements littoraux français. Ici encore, sans l’expertise des Satese, le ministère de l’Equipement ne pourrait manifestement pas accomplir sa mission…
– Le 1er juin 2007 la Direction de l’eau du MEDAD sollicite les Agences de l’eau afin de pouvoir « répondre au questionnement européen concernant le suivi de la Directive 86/278 relative aux boues d’épuration, informations concernant la période 2003-2006. » Vers qui vont se tourner les Agences de l’eau ? Vers les Satese…
Lire aussi :
La loi sur l’eau privatise les services publics (1)
La loi sur l’eau privatise les services publics (2) : Menaces sur la police de l’eau
La loi sur l’eau privatise les services publics (3) : Les Satese soumis à la concurrence
La loi sur l’eau privatise les services publics (4) : Plaidoyer pour les Satese
Je confirme que les Satese sont devenus un élément clé dans l’assainissement des départements. Leur avis est demandé pour les projets par les Polices de l’eau et les agences, et bien sur les départements et collectivités. Ce sont bien souvent les seuls à fournir des données sur le parc de step < 2000 EH, les seuls à aider les régies à exploiter leurs step et leur autosurveillance.
Leur disparition est peut-être aussi le fruit de lobbies privés qui d’une part aiment bien travailler seuls sans oeil neutre extérieur mais aussi le fin des Satese rime avec fin des régies donc affermage et implantation encore plus forte des privés.
Ne pourrait-on pas imaginer les Satese intégrés aux Agences avec mis à disposition des personnels par les départements ?