Portée aux nues par le « Grenelle », la sacro-sainte « continuité écologique » prend l’eau de toute part, sous les assauts conjugués des lobbies qui auraient beaucoup à perdre à la voir entrer dans les faits. Confer les questions que multiplient les parlementaires sur le sujet, ou les critiques, bien différentes, de certaines associations de défense de l’environnement…
Moulins à eau et continuité écologique. La question écrite n° 17228 de M. Jean-Marc Pastor (Tarn - SOC), publiée dans le JO Sénat du 17/02/2011 - page 376.
« M. Jean-Marc Pastor attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur la circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’État et ses établissements publics d’un plan d’action pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau.
Ce texte contient de nombreuses précisions sur les pouvoirs de police des préfets. Il enjoint à ces derniers de poursuivre l’objectif de suppression d’un nombre conséquent d’ouvrages inutiles pour restaurer la continuité écologique des cours d’eau.
Les travaux qui seront organisés en application de cette circulaire ne manqueront pas de poser de nombreuses difficultés d’ordre pratique comme juridique et c’est la raison pour laquelle la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins s’y oppose.
En effet, l’effacement de leurs seuils pose de gros problèmes aux propriétaires de moulins à eau qui craignent que le bouleversement d’un équilibre hydraulique et écologique ait des conséquences irréversibles. Il lui demande donc si elle envisage qu’une concertation ait lieu avec les propriétaires de moulins. »
La réponse du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, publiée dans le JO Sénat du 08/09/2011 - page 2334 ;
« La directive cadre sur l’eau du 23 octobre 2000 (DCE) impose d’appréhender la qualité de l’eau, non plus seulement dans sa dimension chimique, mais aussi dans sa dimension écologique.
Cette dimension nouvelle implique la réorientation de la politique de l’eau en France vers une meilleure prise en compte des impacts sur la circulation des espèces aquatiques et sur le transport sédimentaire c’est-à-dire sur les fonctionnalités naturelles des cours d’eau.
Il a été évalué que les barrages et endiguements de cours d’eau seraient responsables d’environ 50 % des risques de non-atteinte du bon état des eaux en 2015. La restauration de la continuité écologique est donc indispensable au respect des objectifs de la DCE.
Toutefois, la question du maintien ou non des barrages présents dans les rivières ne peut pas trouver de réponse générale de principe, dans un sens comme dans l’autre.
C’est pourquoi le Gouvernement a lancé en novembre 2009 un plan national de restauration de la continuité écologique dont la mise en oeuvre progressive et hiérarchisée est encadrée par la circulaire du 25 janvier 2010.
Cette circulaire fixe les priorités d’interventions au regard de l’enjeu majeur de la protection des cours d’eau à grands migrateurs amphihalins (plus particulièrement à anguilles dont la restauration répond à un règlement européen de 2007), de la réponse aux objectifs et aux programmes de mesure des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), et des gains écologiques attendus des interventions pour l’atteinte du bon état.
Le plan de restauration de la continuité écologique ne saurait être réduit à un plan d’effacement systématique des moulins.
Dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, la circulaire fixe un objectif de 1 200 ouvrages dont l’influence sur la continuité écologique doit être prioritairement supprimée, soit par un aménagement, soit par un démantèlement, d’ici à 2012.
Cet objectif est à rapprocher des 60 000 ouvrages recensés sur les cours d’eau métropolitains, dont environ 10% seulement ont un usage identifié.
Il impose de doubler le rythme annuel actuel de ces actions de suppression d’obstacles à la continuité écologique. Il s’agit donc d’un objectif à la fois ambitieux et mesuré.
Les moulins en bon état, exploités, et dont le droit est reconnu, ne sont pas remis en cause par ce plan d’action. La circulaire préconise des mesures hiérarchisées, concertées, adaptées au cas par cas et visant en priorité le maintien des usages.
Elle indique que, dès lors qu’un ouvrage a un usage identifié, et qu’il est actuellement autorisé, exploité et géré, notamment lorsque cet usage est hydroélectrique, l’intervention à privilégier doit concilier le maintien de cet ouvrage ainsi que son ou ses usages, avec la restauration d’un niveau de continuité écologique partiel mais dont l’efficacité est suffisante.
Dans ce cadre, l’arasement des ouvrages n’est qu’une solution parmi d’autres, réservée en priorité aux ouvrages abandonnés ou sans usage. La circulaire insiste également sur l’importance de la prise en charge des opérations de restauration de la continuité écologique à l’échelle d’un cours d’eau par une collectivité publique, facilitant ainsi l’approche globale, la conciliation et la définition plus adaptée des interventions sur chaque barrage.
Selon les témoignages des élus locaux porteurs de ces opérations, la concertation, l’information, l’écoute des riverains et des propriétaires de seuils ont été à chaque fois privilégiées et sont considérées comme indispensables à la réussite des projets.
Il convient toutefois de préciser que l’obligation d’aménager les ouvrages dans les cinq ans sur les cours d’eau classés dans cet objectif est imposée par la loi. Ces opérations sont éligibles aux aides des agences de l’eau.
De nombreuses expériences diversifiées en matière de restauration de cours d’eau ont déjà eu lieu. Elles sont toutes détaillées dans un « recueil d’expériences sur l’hydromorphologie » réalisé par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et accessible sur son site Internet :
http://www.onema.fr/recueil_restauration_hydromorphologie.
La consultation de ces expériences par les acteurs intéressés devrait apporter des réponses à la plupart des questions qu’ils se posent. Elles montrent parfaitement l’importance de la concertation, l’adaptation des mesures aux enjeux et au contexte local, l’absence de remise en cause d’un véritable patrimoine hydraulique et l’intérêt écologique de la démarche globale de restauration des cours d’eau. »
L’avenir du patrimoine des moulins à eau. La question écrite n° 18750 de M. Yvon Collin (Tarn-et-Garonne - RDSE), publiée dans le JO Sénat du 02/06/2011 - page 1427.
« M. Yvon Collin attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur l’avenir du patrimoine des moulins à eau.
La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques et la circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’État et ses établissements publics d’un plan d’actions pour le rétablissement de la continuité écologique des cours d’eau encouragent l’effacement des ouvrages qui feraient obstacle à la libre circulation des espèces.
Cette stratégie, qui découle d’une interprétation radicale de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, semble méconnaître l’intérêt des seuils qui sont notamment un rempart aux phénomènes d’érosion.
En outre, il n’a pas été scientifiquement démontré, d’une part, que les moulins étaient exclusivement responsables d’une accumulation de sédiments et que, d’autre part, celle-ci était éventuellement préjudiciable au maintien d’une faune piscicole abondante. En conséquence, il lui demande ce qu’il envisage afin de concilier l’impératif de continuité écologique et le respect du patrimoine des moulins hydrauliques."
La réponse du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, publiée dans le JO Sénat du 08/09/2011 - page 2336.
« La restauration de la continuité écologique, c’est-à-dire la restauration de la circulation des espèces piscicoles et d’un transport sédimentaire suffisant, est un enjeu majeur pour l’atteinte du bon état des cours d’eau en 2015, révélé, notamment, par les états des lieux des cours d’eau réalisés en 2004-2005.
Ces derniers ont fait ressortir en effet que les barrages et endiguements, qui sectionnent et compartimentent les cours d’eau, seraient responsables d’environ 50 % des risques de non-atteinte du bon état des eaux en 2015.
Plus de 60 000 ouvrages barrant le lit mineur des cours d’eau sont recensés jusqu’à présent.
Les classements de cours d’eau en cours de révision, comme le plan de restauration de la continuité écologique mis en oeuvre par la circulaire du 25 janvier 2010, sont des outils spécifiques permettant de répondre à cet enjeu, en imposant des aménagements d’ouvrages et, dans certains cas d’ouvrages abandonnés, en préconisant leur suppression.
Il n’existe cependant aucun plan d’effacement généralisé d’ouvrages ou de moulins. Toutes les instructions données sur ces actions prescrivent une hiérarchisation des interventions, visant en priorité les cours d’eau où cette restauration est la plus nécessaire (axes à migrateurs amphihalins, programme de mesures du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux - SDAGE - identifiant les cours d’eau pour lesquels des opérations de décloisonnement sont inscrites comme indispensables à l’atteinte du bon état en 2015, etc.) et les ouvrages les plus impactants.
Les mesures d’aménagement ou de suppression doivent être établies au cas par cas et de manière proportionnée, même si une vision des impacts cumulés des ouvrages et des effets des interventions à l’échelle du cours d’eau est indispensable à leur efficacité.
Les moulins sont concernés par ces interventions de restauration de la continuité écologique, au même titre que tout ouvrage transversal barrant le lit mineur d’un cours d’eau.
Leur aménagement est possible et ne remet pas en cause le respect du patrimoine qu’ils peuvent, dans certains cas, représenter. La compatibilité entre restauration de la continuité écologique et respect du patrimoine hydraulique est donc possible.
Néanmoins, la préservation d’un patrimoine ancien exige une certaine sélectivité eu égard au respect d’un autre patrimoine que représente la biodiversité aquatique.
Des suppressions d’ouvrages permettant la restauration non seulement de la circulation des espèces mais aussi de zones d’habitats essentielles à leur reproduction ou leur croissance sont indispensables au-delà des aménagements.
Or de nombreux moulins abandonnés et non exploités ont, par leur cumul, de forts effets négatifs sans représenter une valeur patrimoniale particulière. Leur réhabilitation systématique n’est pas nécessairement une solution pertinente pour le développement de l’énergie hydraulique renouvelable.
Pour une production supplémentaire qui resterait très limitée, leur maintien en nombre serait incompatible avec l’atteinte du bon état des cours d’eau et avec le respect de la préservation et de la restauration des milieux aquatiques, notamment des migrateurs amphihalins. Il est donc indispensable de trouver un équilibre, au cas par cas, entre les enjeux éventuellement divergents. »
Continuité écologique : l’analyse d’une association
Président de l’Association pour la protection des vallées de l’Erve, du Treulon et de la Vaige (53), Loup Francart dénonce les « dérives concernant l’amélioration des cours d’eau… »