La commission du développement durable de l’Assemblée Nationale présidée par le député (PS) de l’Indre Jean Paul Chanteguet, a organisé le mercredi 23 novembre 2016 une table ronde consacrée à « l’usage et à la gestion équilibrée des cours d’eau ». Conformément aux procédures habituelles de travail des commissions du Parlement, elle a auditionné plusieurs experts sur le thème de la continuité écologique, dans le prolongement du rapport "Dubois-Vigier". Lesdits experts ont littéralement dynamité le consensus convenu sur ladite « continuité écologique », révélant les enjeux cachés d’une véritable supercherie, qui a déjà provoqué des dégâts considérables depuis une dizaine d’années.
Voilà qui va donner du grain à moudre aux cohortes de pénitents qui usent leur santé à élaborer les centaines de “Plans d’adaptation au changement climatique” qui mobilisent de véritables armées de fonctionnaires et d’élus qui y perdent leur latin, tant le concept “d’adaptation”, cache misère de l’époque, peine à dissimuler l’humble vérité, à savoir que puisqu’il est hors de question de changer quoi que ce soit, et surtout la FNSEA, nous allons dans le mur à vitesse grand V…
A cet égard la video accessible sur le site de l’Assemblée nationale est un document rare, qui devrait être diffusé de toute urgence à AgroParisTech, à l’Engees, à l’EIVP, et toutes autres officines formatrices, et formateuses, des petits soldats et soldates de l’environnement de demain, ce qui pourrait d’ailleurs les inciter à s’enfuir illico pour aller cuire du bon pain bio dans nos belles campagnes.
Il appert en effet que nos bons experts explosent littéralement les calembredaines (intéressées) du Ministère, de l’ONEMA et des DREAL, et s’inquiètent à juste titre de voir la qualité de la ressource en eau remisée au magasin des accessoires, tandis que l’on envoie des cohortes de bulldozers massacrer sauvagement jusqu’au moindre obstacle dans la plus minuscule ruisseau, histoire de rétablir la sacro-sainte « continuité », partout et en tous lieux, en dépit du bon sens… Dans le droit fil des interrogations qu’avaient déjà formulées le rapport "Dubois-Vigier"...
Et dans une veine il est vrai un rien polémique (rires...), le rapport Morandi : "Faiblesse scientifique, dimension subjective et résultats incertains des chantiers de restauration de rivière en France (Morandi et al. 2014) :
Mais voyons un peu notre audition à l’Assemblée…
Les propos tenus par les cinq intervenants de la table ronde :
– M. Christian Lévèque, hydrobiologiste ;
– M. Jean-Paul Bravard, professeur émérite de géographie, Université Lyon 2 ;
– M. André Micoud, directeur de recherche honoraire, CNRS ;
– M. Guy Pustelnik, directeur de l’EPTB, EPIDOR ;
– M. Patrice Cadet, association Sauvegarde des moulins,
bousculent pour le moins la doxa de la politique de l’eau, portée par la DEB et l’ONEMA, censée satisfaire à nos obligations européennes (DCE, notamment sur le volet de la continuité écologique), afin de nous épargner un éventuel contentieux européen.
Noter que cette liberté de ton, inusitée, s’explique à l’évidence.
Messieurs Bravard et Lévêque, chercheurs reconnus dans leurs disciplines respectives, sont aujourd’hui retraités.
En activité, leurs travaux étaient financés par le MEEM, le ministère de la Recherche, les agences de l’eau et l’ONEMA.
On imagine dès lors aisément les problèmes qu’ils auraient pu rencontrer s’ils avaient usé de la liberté de ton qui est la leur aujourd’hui…
Tous trois déclarent à l’unisson qu’il serait scientifiquement inepte d’avoir une position dogmatique sur la continuité écologique, et que l’on a fait fausse route avec la retranscription de la DCE dans la loi sur l’eau de 2006.
Vouloir restaurer la continuité écologique sur tous les cours d’eau et plusieurs milliers d’ouvrages est un non sens environnemental, social et économique.
Ils observent en premier lieu que la biodiversité que l’on a connu jusque dans les années 70 était le fait d’aménagements déjà conséquents, et que les populations de poissons alors présentes en France métropolitaine n’étaient pas en si mauvais état.
C’est le cumul d’autres facteurs qui a eu de graves répercussions sur les poissons, notamment les migrateurs.
La question n’est abordée depuis dix ans que sous l’angle de la « continuité écologique », qui occulte (délibérément ?), la contamination chimique, la disparition des zones humides, l’introduction volontaires d’espèces invasives pour satisfaire les pêcheurs récréationnels…
- Voir sur le Silure, Guy Pustelnik à 1h09.50 de la video
En fait les repeuplements opérés par la pêche de loisir sont bien loin de satisfaire à un objectif de naturalité. Le repeuplement est là pour satisfaire leurs besoins en matière de loisir pêche : on repeuple avec une espèce que l’on souhaite pêcher !
Patrice Cadet, ancien chercheur à l’IRD, retraité et propriétaire d’un moulin de famille, mentionne et fait le constat que l’on assiste à une disparition des espèces à partir des années 70, alors que l’on avait déjà des seuils et des moulins.
Il souligne que la disparition des espèces coïncide avec l’explosion de l’utilisation des énergies fossiles
- Patrice Cadet, diapositive à 1h17.28 de la video.
Les saumons déclinent, même dans des rivières dites « sauvages », notamment en Amérique du Nord, alors qu’on n’y trouve pas d’ouvrages. Il pointe les pollutions médicamenteuses et les perturbateurs endocriniens, dont on ne sait pratiquement rien et pour lesquels on ne fait rien...
Les cinq intervenants remettent donc en cause le principe même de la « continuité écologique » TOTALE.
La priorité, avant de s’adresser aux têtes de bassins, devrait dès lors être donnée aux cinq ou six grands ouvrages en aval des bassins versants, comme Dordogne, où l’état ne fait rien, car c’est EDF qui les exploite et dicte sa loi…
Certains parlementaires confirment ce diagnostic, prônant que l’accent soit enfin mis vraiment sur le volet chimique de la DCE…
Pour Guy Baillart (Video 1h46), pour être cohérent sur les poissons migrateurs il faut d’abord traiter les ouvrages en aval.
Une autre députée, Sabine Buis, dénonce un débat par trop partisan, en indiquant qu’un autre intervenant, Gilbert Cochet, ferait la démonstration inverse quant à l’intérêt de restaurer la continuité écologique. Elle prône dès lors une approche pragmatique, au cas par cas.
Pour Jean-Paul Chanteguet, président de la commission (Video 2h03), c’est l’application des textes qui pose problème, et les pouvoirs publics comme l’Onema, ont parfois des positionnements excessifs.
Martial Saddier mentionne que la réglementation ne peut pas être uniforme sur l’ensemble du territoire national, et prône un retour aux fondamentaux de la loi sur l’eau de 1992 (SDAGEs et SAGE). Il revendique une approche du territoire pragmatique. Là où il y a des SAGE, il y a moins de problème. Là où l’ONEMA veut passer en force, les oppositions se multiplient.
En conclusion :
Pour Crhistian Lévèque la continuité écologique est un des éléments de gestion des cours d’eau. Elle ne devrait concerner que quelques espèces emblématiques exploitées à bon escient pour porter les actions, mais n’a pas de sens sur l’ensemble du territoire et l’ensemble des cours d’eau. "Est-ce que l’on bâtît une politique sur quelques espèces ? La diversité biologique en France est issue d’un long processus d’usages et d’aménagements".
Pour Jean Paul Bravard : "le discours de la continuité écologique est monopolisé par l’Etat et ses fonctionnaires !" (Video 2h22)
Il alerte sur la contamination chimique et le SEQ (Video 2h22.30). Et prône le retour à une approche éco-régionale de la gestion de l’eau, et le maintien des SAGEs. « Ce qui se passe en France est trop sectorisé. On a une approche monolithique des services de l’Etat. »
Pour GuyPustelnik, on doit libérer la continuité écologique, d’abord vers l’aval, avant de s’attarder aux ouvrages d’amont, et remonter progressivement en sachant que certaines espèces (Alose) ne franchiront pas plus de 5 ou 6 ouvrages. Il est dès lors inutile de pousser à la continuité écologique en amont d’ouvrage bloquants. Les services de l’Etat ne font montre d’aucune souplesse. La loi sur l’eau est trop rigide et trop précise : la précision des textes nuit à l’intelligence locale. Le problème de la qualité de l’eau est central sur les poissons migrateurs (Video 2h32). La majorité des déclassements est due à 70% aux pollutions diffuses d’origine agricoles. Mais on ne veut pas toucher au sacro-saint dogme de l’agriculture, tant sur le volet quantitatif que qualitatif.
Alors que l’agriculture représente, avec l’irrigation et les épandages, un problème majeur.
En l’état, la GEMAPI aussi est un problème.
Par ailleurs il faut obliger les grands opérateurs (EDF) à faire leur boulot en aval, comme avec ses trois ouvrages sur la Dordogne sur lesquels il faut agir prioritairement.
Aujourd’hui c’est le rapportage à Bruxelles (DCE) qui fait peur aux Agences de l’eau et qui conditionne les actions actuelles (DEB).
- Voir la video de la table ronde sur l’usage et la gestion équilibrée de la ressource en eau, organisée par la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2016 :
- Lire aussi :
– L’invasion du Silure
http://www.eauxglacees.com/L-invasion-du-Silure
Eaux glacées, 14 juillet 2015.
– Politique de continuité écologique : une nouvelle controverse scientifique ?
Actu environnement, 11 janvier 2017.
commentaires
Il faudrait, au nom de la directive 2000/60/CE, supprimer un maximum de seuils pour la migration de poissons. Alors que, dans le même temps, l’Europe érige des murs, des enceintes contre les migrants.
Étonnant, non ?
en gros l’onema fait chier, ça tombe bien l’onema est morte et enterrée avec la création de l’agence française pour la biodiversité. Mais faut pas pousser mémé dans les orties, les agents de l’onema ne font que leur travail, ce qui est bien difficile parfois, avec l’opposition des élus, de la DTT (ex DDAF) et voire même d’un chef de service qui ne veut pas d’emmerde. Si l’avis de l’onema n’avait pas été enterré pour les cas de Sivens ou center parc de Roybon, notre dame des landes etc... l’environnement s’en porterait bcp mieux. Ceci dit, c’est vrai qu’il y des projets de renaturation qui coûtent un bras (ex re méandrage d’un cours d’eau entre 2 sections busées, renaturation d’un cours en zone d’activité industrielle, tout ça ne sert strictement à rien, mais comme "on" l’a rappeler aux agents de l’onema, ils n’ont pas à s’exprimer sur le choix mais sur les critères techniques. Mais qui fait ces choix ? les élus à travers les sage, cle, cre et autres syndicats de bassin, c’est l’hystérie un vrai gaspillage de fond public, alors que justement il faudrait cibler les aménagements et y mettre les moyens, ex : écluses sur un port qui bloque toute montaison d’anguilles, de l’amproie, truite de mer, saumon et alose en dessous d’un coefficient de marée de 100, mais là ne fait rien, "on" préfère financer des projets à la con, que l’onema se doit de valider puisque l’onema ne s’exprime pas sur le bien fondé, sur le choix...