Le 22 septembre 2012 la SAUR, par le biais de la presse locale, faisait état d’un problème de "couleur brune" sur l’eau de la petite bourgade de Pouilly-en-Auxois en Côte d’Or. Explications.
« Depuis quelques jours les habitants remarquaient que leur eau avait une couleur franchement marron. Comme ce problème semblait persister certains ont commencé à demander des explications auprès du délégataire.Les cadres de la Saur ont d’abord confirmé "la potabilité de l’eau". Quant à sa couleur, ils ont invoqué le passage depuis quelque temps sur l’alimentation par l’eau du lac de Grosbois.
Les cadres de la Saur nous expliquent à demi mot que cette turbidité proviendrait de la piètre qualité de l’eau du lac de Grosbois. En effet pendant la période hivernale la commune de Pouilly-en-Auxois est principalement alimentée par la source de "Bois brûlés" à quelques kilomètres de la commune. Comme il s’agit d’une source, l’eau est forcément limpide, et ne nécessite aucun traitement sinon un peu de chlore.
Mais lorsque durant l’été cette source, comme toutes les autres, commence à devenir défaillante et ne fournit plus les 200 ou 250m3 par jour nécessaires à la population, la Saur met en route le pompage du lac de Grosbois qui vient ainsi en complément de la source.
Et en ce début d’automne la source serait même à sec. Seulement comme l’eau provient désormais d’un lac, ce qui signifie la présence de vase et autres micro organismes, que l’on trouve d’ailleurs dans toutes les eaux de surface, il devient alors impératif de filtrer cette eau, et de la traiter afin de garantir une qualité minimale.
C’est pourquoi l’eau de Grosbois est d’abord acheminée jusqu’au lieu de la source de "Bois brûlés" où elle y est "traitée", puis ensuite mélangée à celle de ladite source avant d’être à nouveau pompée jusqu’au réservoir de tête qui alimente Pouilly-en-Auxois.
Mais alors me direz vous, pourquoi ce phénomène "d’eau brune" ne se produit-il pas tous les étés ? Eh bien il se pourrait qu’il y ait un autre phénomène sur lequel la Saur ne souhaiterait pas trop s’exprimer, et qui viendrait en plus aggraver la situation : l’état de la station de traitement de Grosbois...ou plus exactement sa vétusté.
Cette station est dans un état de délabrement à effrayer tous ceux qui boivent encore l’eau du robinet à Pouilly-en-Auxois. Tout d’abord les filtres : ce sont deux grosses cuves en tôle contenant du sable.C’est ce qui choque le plus quand on rentre. Ceux-ci ressemblent depuis plusieurs années déjà à une épave de bateau échoué, et sont tellement rouillés que la corrosion se détache toute seule et tombe régulièrement au sol.
Pour leur bon fonctionnement ils doivent être régulièrement lavés. Sans rentrer dans les détails, on dira simplement que cette opération se fait quand la station est à l’arrêt. On doit d’abord insuffler de l’air sous le sable pour décoller toutes les impuretés qui se sont agglutinées pendant la filtration, puis on effectue un rinçage à l’eau claire pendant quelques minutes.
Cette eau sale est évacuée tout simplement devant la station directement dans le talus. Premier hic, si l’eau "propre" est déjà chargée, c’est qu’il doit déjà y avoir un problème au niveau de la filtration qui n’est pas suffisante, en raison par exemple d’un mauvais ou d’un manque de lavage des filtres. On ne s’étendra pas sur le compresseur d’air qui donne depuis longtemps de gros signes de fatigue et qui aurait besoin d’une bonne maintenance.
Deuxième hic : si vous remplissez quotidiennement un réservoir avec de l’eau qui sent la vase (le terme n’est pas exagéré), ce réservoir à son tour s’encrasse petit à petit, et même lorsque la qualité de l’eau s’améliore celui-ci vous sert toujours de "l’eau brune" à votre robinet.
La situation se complique d’ailleurs lorsque sur le trajet, comme c’est le cas à Pouilly-en-Auxois, il y a un petit réservoir intermédiaire.
Alors en dépit des analyses qui confirmaient qu’il "n’y a aucun risque sanitaire", certains, comme les responsables du collège, ont préféré distribuer de l’eau en bouteille à la cantine.
Cette réponse de la part des pontes de la Saur me fait penser à un ingénieur en traitement de l’eau qui travaillait justement à la Saur. Celui-ci, sur la fin de sa carrière, était devenu formateur au siège de Lyon, d’où dépendent d’ailleurs les personnes qui travaillent en Côte d’Or.
A chacune de ses formations il aimait souvent dire à ses stagiaires avec son accent ardéchois : "Si vous chlorez de la merde, vous obtiendrez de la merde chlorée !". C’est par cette lapalissade qu’il entendait démontrer que la désinfection de l’eau ne faisait pas tout. Encore faut-il avoir au départ une eau de qualité, et si possible limpide. Et si l’eau est très chargée le chlore n’arrange absolument rien.
Certains cadres, et surtout ceux qui assurent la communication, feraient bien d’aller faire un stage de remise à niveau à Lyon.
Enfin , troisième hic : les stations équipées de filtres à sable comme celle de Grosbois sont très nombreuses en France, seulement elles sont quasiment toutes automatiques depuis longtemps, avec des contrôles de colmatage des filtres, des temps de lavage de filtres définis, des contrôles de la turbidité de l’eau en sortie, un contrôle automatique du bon fonctionnement du chloromètre, et autres appareils qui injectent des adjuvants nécessaires au traitement.
A Grosbois rien de tout cela. Tout se fait à l’ancienne comme en 1950, mais avec des normes sanitaires du 21ème siècle. Le lavage des filtres se fait par un opérateur qui manoeuvre des vannes selon un ordre logique. Il lui appartient de respecter les temps de lavage selon sa conscience professionnelle et surtout selon le temps qu’on lui accorde. C’est lui qui détermine aussi la fin du rinçage selon l’aspect visuel de l’eau.
Pour le contrôle du chlore par exemple c’est à peu près la même chose. Partout ailleurs qu’à Grosbois les stations qui désinfectent au chlore gazeux sont équipées de deux bouteilles. Lorsque l’une est vide, un inverseur automatique le détecte et bascule la chloration à partir de la seconde.
A Grosbois, c’est à l’agent d’anticiper le remplacement de la bouteille, ce qui évidement rend un peu aléatoire la continuité de la chloration.
Alors évidemment il ne s’agit là pas de remettre en cause la compétence des agents qui travaillent à la Saur, mais plutôt la politique d’exploitation, d’entretien et de renouvellement des ouvrages qui lui sont confiés.
Il s’agit là d’un débat sur lequel les élus de la collectivité locale feraient bien de se pencher. Faut-il leur rappeler que sur leur facture les usagers payent un pourcentage de leur consommation qui doit servir au renouvellement des équipements, des infrastructures, des ouvrages ?
Apparemment ces sommes n’ont encore jamais été utilisées pour la station de traitement de Grosbois. Même l’armoire électrique de commande est à l’image de son installation hydraulique. Avec son appareillage d’une technologie d’après-guerre et ses câbles électriques dont la gaine isolante des fils est parfois encore en tissu, il serait intéressant de savoir combien de fois cette station, maintes fois rafistolée, a occasionné des manques d’eau, des défauts de chlore, de traitement.
Pour remédier à cette couleur peu engageante, la Saur a décidé d’augmenter considérablement la fréquence des lavages. Cette opération ingrate est habituellement réservée aux fontainiers du coin. Selon certains témoins, même le responsable du secteur a été réquisitionné un dimanche,ce qui ne s’était encore jamais vu, surtout le dimanche où les filtres ne sont habituellement jamais lavés ! Au moins on ne peut pas reprocher à ce cadre de ne pas prendre les problèmes à coeur...
Seulement voilà, même l’implication n’est pas toujours payante, et en dépit des efforts déployés la couleur de l’eau semblait persister après une semaine.
La Saur a alors décidé de mettre en oeuvre son plan B, et annonce dans un deuxième article de presse le 26 septembre qu’elle va désormais alimenter Pouilly-en-Auxois entièrement par l’eau de la station du lac de Chamboux.
Comme ça, en attendant que l’eau veuille bien revenir à la source de "Bois brûlés" les élus de Pouilly pourront en profiter pour aller visiter à loisir le traitement de Grosbois, et par exemple pourquoi pas, consulter le carnet de bord de la station sur lequel normalement tout est consigné, et sur lequel ils ont droit de regard. Qui sait, peut-être auront-ils plus envie de s’occuper de leur eau ? »