A l’occasion de la commission permanente du 3 juin 2010, à la demande des élus écologistes, Jean-Yves Le Drian, président du Conseil régional de Bretagne, s’est engagé à inscrire dans le budget primitif 2011 une nouvelle ligne budgétaire « aide à la décision des collectivités locales souhaitant revenir à une gestion publique de l’eau ».
L’information est tout sauf anodine. Veolia et Saur vont-ils, dans la lignée de la guerilla engagée contre le département des Landes et Henri Emmanuelli depuis plus de douze ans, déclencher une nouvelle chouannerie juridique à l’encontre du Conseil régional ? Il est fortement à redouter que dans ce cas de figure le Cartel n’en ressorte en capilotade. Ce qui, nonobstant, ne serait pas de nature à nous chagriner…
Je ne serais pas aussi catégorique : un budget d’aide à la décision peut contribuer à prendre la meilleure décision pour la collectivité, en dehors justement des arguments idéologiques, qu’ils soient à visée libérale ou inverse.
Mais non, la conclusion n’est pas forcément dans votre sens, systématiquement anti-Veolia et autres, au contraire même à mon avis.
En effet, prendre la meilleure décision n’est pas une décision universelle, unique et intangible.
Comparons deux exemples récents et parmi les plus emblématiques et importants, dans un sens et dans l’autre : le SEDIF et Paris.
Paris a une histoire en régie municipale, cela veut dire que la culture des intervenants, les infrastructures et leur richesse, mais aussi la relative simplicité de l’exploitation (avec des installations surabondantes en capacité, des conduites en égouts visitables,...), tout cela fait que le retour en régie était tout à fait possible et envisageable. Je parle en technicien bien sûr.
Chirac a privatisé pour des raisons sans doute d’abord politiques ou politiciennes, mais il en avait aussi et en particulier marre des grèves à répétition.
Et cette délégation temporaire au privé a également permis de remonter le rendement des réseaux, pour atteindre aujourd’hui des niveaux record, le meilleur de France grâce aussi aux égouts : et c’est bien là un gain d’une gestion privée.
Puis en 2008, les audits et conseils ont montré que le retour en régie était parfaitement possible, et ont permis à la volonté politique de confirmer son choix.
Quand au prix de l’eau, il n’a pas baissé et devrait même augmenter... Dites-moi quel est l’intérêt des usagers consommateurs ?
Le cheminement inverse reste naturellement possible, lui l’est toujours, il dépend également de la volonté politique, mais peut parfois aussi intervenir à son inverse lorsque la gestion de l’exploitation devient trop difficile ou rencontre des problèmes particulièrement délicats.
A l’inverse, le contrat SEDIF possède une histoire et une culture dans le privé. Contrairement à ce qu’on peut lire parfois (par amalgame avec Paris), le SEDIF ne dispose pas d’un excédent de production (il est minimal) et la constitution du réseau s’est effectué un peu dans le désordre inhérent à la forte croissance de l’après guerre, exponentielle (et jusqu’au premier choc pétrolier) : à comparer donc avec la restructuration complète, posée et les moyens de Haussmann et Belgrand. Pour connaître assez bien les deux services (technicien de Veolia que je suis), je vous dirais que l’exploitation des réseaux SEDIF est plus complexe, beaucoup plus complexe et tendue que celle de Paris. Il n’y a pas photo !
Et donc, pour son appel d’offre, le SEDIF s’est justement donné les moyens du choix et a réalisé un audit.
A mon avis, le passage en régie publique présentait d’énormes risques techniques.
Le régime amincissant imposé à Veolia depuis quelques années, même si c’est à juste titre, présente déjà à lui seul un certain nombre de risques…
Notez cependant que le SEDIF a également émis des exigences pour le nouveau contrat, avec l’aide de son conseil, de telle sorte que le retour éventuel en régie soit beaucoup plus possible à l’échéance, dans 10 ou 12 ans. Ce sera alors un choix qui sera uniquement politique, et dont le résultat n’aura, là non plus, quasiment aucune influence sur le prix de l’eau.
Juste l’étiquette public ou privé.
Par contre aujourd’hui, il me semble bien que la procédure d’appel d’offre va apporter un certain nombre de choses comme une tarification sociale de l’eau pour les démunis baisse du prix de l’eau (je n’en sais rien mais on s’en doute).
Le ou les gains de l’appel d’offre du SEDIF seront visibles, c’est certain qu’il y en aura ; à comparer avec Paris donc !
Et l’autre différence essentielle est que le privé peut être viré et qu’il est beaucoup plus contrôlé : alors où sont les garanties et quel est l’intérêt du consommateur ?
Oui des moyens pour auditer, c’est une bonne chose pour éviter du grand n’importe quoi !
Ainsi, l’histoire joue un rôle que les gens oublient trop, c’est elle qui a fait les grandes sociétés comme les grandes régies.
Vouloir la défaire obstinément est une erreur.
Se donner les moyens de la réflexion et du meilleure choix est un élément positif… à condition évidemment que les cabinets « conseils » soient à la fois compétents et impartiaux, ce qui n’est pas forcément gagné, ne serait-ce que par la pression politico-financière qu’ils vont subir. C’est quand même un gros gâteau pour eux, non ?