Saisi par la FNSEA et plusieurs Chambres d’agriculture, le Tribunal administratif de Paris vient d’annuler pour vice de forme le Schéma d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Seine Normandie, instrument de programmation de la politique de l’eau, censé soutenir la mise en œuvre des objectifs fixés par la Directive cadre européenne sur l’eau d’Octobre 2000.
On savait déjà que le gouvernement faisait feu de tout bois pour mettre à bas les politiques publiques de l’eau, dans l’indifférence générale. Un nouveau coup d’arrêt vient cette fois d’affecter Seine Normandie, le plus important bassin français.
Le recours des chambres d’agriculture et fédérations du syndicat FNSEA contestait 44 des 191 dispositions arrêtées par ce document de programmation, pourtant voté par le Comité de bassin.
Révisé tous les six ans, il donne des objectifs pour améliorer la qualité et la gestion de l’eau.
« Les mesures du schéma ont été jugées trop contraignantes, notamment dans les zones humides, par les agriculteurs et par les carriers, et les compensations, trop faibles » , a déclaré à Ouest-France Mme Patricia Blanc, directrice générale de l’agence de l’eau Seine-Normandie.
Mais pour Mme Émilie Cheron, responsable du service environnement à la chambre d’agriculture de Normandie, le document comportait des incohérences : « L’épandage d’engrais de synthèse à proximité de certains effluents devenait interdit alors que la directive nitrates le permet… Le Sdage doit donner des orientations et des objectifs, pas fixer des interdictions. »
Manière de placer les éléments de langage habituels, relayés sans vergogne par le grand quotidien régional : « Avant de savoir ce qu’il peut faire dans son champ, un agriculteur doit ingérer quelques kilos de littérature. Nouvelles dispositions plus sévères, nouvelles procédures administratives pour des agriculteurs déjà submergés de paperasses, interférences avec le Code de l’environnement… »
Mais, poursuit Ouest France, si les mesures ont été durcies, c’est que le compte n’y était pas. « La Normandie compte davantage de rivières en mauvais état qu’en bon état », soulignait une récente étude de l’agence de l’eau. Pire, la qualité des eaux souterraines et celle des zones humides continuent de se dégrader. « Ces éléments justifiaient une plus forte ambition », considère Mme Patricia Blanc.
Le préfet de Paris a deux mois pour interjeter appel. La nature ayant horreur du vide, le tribunal administratif a demandé la remise en application du précédent schéma.
L’émotion reste contenue : toutes les dispositions découlant du schéma qui vient d’être annulé n’étaient pas encore entrées en vigueur. Et les travaux pour l’élaboration du schéma 2022-2027 sont déjà lancés.
(Source : Ouest France.)
Lire aussi :
– L’étude "Elevage et qualité de l’eau en Normandie", qui vient, fort opportunément, d’être publiée par les chambres d’agriculture normandes :
https://normandie.chambres-agriculture.fr/pub/actualites/elevage-et-qualite-de-leau-en-normandie/
Et pendant ce temps là, noter que le 22 janvier débuteront à l’Assemblée nationale les débats sur le projet de loi fusionnant l’Agence française de la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage…
commentaires
Si les plaignants n’ont attaqués le document que sur la forme (purement et simplement) mais pas sur le fond, c’est que ces derniers validaient le programme pluri-annuel.
Et par conséquent ils ne voyaient rien à redire sur les dispositions prises par ce SDAGE.
Donc quel intérêt de l’attaquer et de perdre temps et argent sur des dossiers longs à mettre en créer puis à mettre en oeuvre ... sauf si certains points dérangent ...
@ Alex : pour info, les requérants ont bien attaqué le forme ET le fond, le tribunal ne s’est prononcé que sur la forme. En règle générale lorsqu’il y a un vice de forme (légalité externe), le juge se limite à ça. Rien ne servirait de se prononcer sur le fond si l’acte est de toue façon irrégulier sur la forme.
Il est important de préciser que c’est un vice de procédure qui a entrainé cette annulation (le fait que l’autorité environnementale, qui a donné son avis, n’était à l’époque pas indépendante du préfet, qui a arrêté le SDAGE). Vice de procédure qui potentiellement aurait pu faire annuler d’autres documents y compris les autres SDAGE, s’ils avaient été attaqués sur ce point. Ce n’est donc pas sur le fond mais sur la procédure que les plaignants ont eu gain de cause.