Un rappel bienvenu, surtout quand les observations de la Cour sont rituellement dénoncées, comme c’est à nouveau le cas avec leur critique impitoyable des Agences de l’eau comme une attaque « néo-libérale »… Dans son dernier rapport annuel, la Cour revient aussi sur les Partenariats publics privés (PPP) signés par les collectivités locales. Conclusion sans appel, à l’heure où le gouvernement a annoncé vouloir relancer ce type de contrats : « Sur le long terme, l’équilibre économique du contrat est souvent défavorable aux collectivités territoriales ».
Créés par une ordonnance de 2004, les PPP permettent à une collectivité ou n’importe quel autre acteur public (universités, hôpitaux) de confier à une entreprise ou un groupement d’entreprises non seulement la construction mais aussi l’exploitation et la maintenance d’un ouvrage.
En échange, l’entreprise reçoit un loyer, qui peut courir sur des périodes de 30, voire 40 ans. On trouve ainsi des PPP dans des domaines variés (équipements sportifs, transports urbains, musées, équipement urbain, gendarmeries, etc.), et 75 % des contrats signés l’ont été par des collectivités locales. Parmi ceux-ci, 73 % ont été conclus par des communes ou des EPCI.
Dès 2004, l’État a aussi créé une structure pour les promouvoir, nichée à Bercy, appelée « Mission d’appui aux PPP » ou MAPPP. La Cour fustige à raison cette structure qu’elle accuse d’être juge et partie, puisque sa compétence « couvre à la fois des fonctions de conseil et d’évaluation, et des missions de promotion des contrats de partenariat ». Les magistrats relèvent que les avis rendus par la MAPPP sont « systématiquement favorables » à l’option PPP.
Ses critiques ne s’arrêtent pas là. Elle dénonce aussi l’importance démesurée des coûts « purement financiers », et le manque de concurrence – lié au fait que les contrats de type PPP sont presque toujours proposés par des très grandes structures comme les géants du BTP, les plus petites entreprises n’étant pas capable de s’aligner.
Les contrats sont assortis de pénalités au cas où l’entreprise ne remplit pas les engagements prévus au contrat (délais, performances énergétiques, etc.). Mais la Cour énumère une série de cas dans lesquels les pénalités ne sont pas versées, ou tellement plafonnées qu’elles deviennent inopérantes. En revanche, les PPP font trop souvent la part belle aux entreprises, au détriment des collectivités, en matière de partage du risque. « Ainsi, les risques sont souvent assumés par les seules collectivités », déplore la Cour.
Elle rappelle aussi que les PPP ne sont rien d’autre qu’une forme de dette, puisqu’ils reviennent à « différer le paiement d’une dépense d’investissement ». Le paiement du loyer s’assimile de fait à un remboursement de prêt – ce qui fait dire à beaucoup de commentateurs que les PPP constituent en réalité de la « dette cachée ». De plus, ajoute la Cour, « le poids des loyers versés au titulaire obère en effet l’autofinancement et limite la capacité d’investissement des collectivités qui sont conduites à sacrifier d’autres investissements par ailleurs nécessaires. »
Le statut des PPP va certainement changer, puisque le gouvernement prépare une nouvelle ordonnance sur les marchés publics. Elle reprend l’essentiel des préconisations de la Cour des comptes, aux fins de mieux « sécuriser » les PPP. Il est fortement question, notamment, d’imposer un seuil en dessous duquel ce type de contrat ne pourrait être conclu – ce qui pourrait signifier que seules les très grandes collectivités pourraient être autorisées à signer des contrats de partenariat – et d’imposer une étude de soutenabilité budgétaire avant toute passation – ce que recommande vivement la Cour. Cette ordonnance, en l’état, ne provoque pas un enthousiasme délirant chez les élus consultés, beaucoup y voyant… un frein à la liberté contractuelle des collectivités.
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Marianne, 17 février 2015