Feue la politique de l’eau agonise et la cohorte de vieux mâles blancs septuagénaires qui prétendent la régenter depuis des lustres s’agitent au son d’une avant-dernière valse.
Il aura suffi d’une annonce désinvolte de Michel Barnier au Sénat annonçant une « conférence de l’eau » au printemps pour que les squelettes sortent du placard.
Après le Grenelle, le Varenne, le Plan Macron, on prend les mêmes et on recommence les mêmes simagrées, comme viennent de l’illustrer une séance au Sénat ambiancée par LR, puis une journée au Conseil d’état, qui augurent à merveille de ce qui va suivre.
Ils sont venus, ils sont tous là, que la fête commence.
On réclame à cor et à cri la fin du plafond mordant, et de la ponction de l’état dans les caisses des Agences, un « Fonds bleu », des sous pour réparer les fuites dans les tuyaux (que ne l’ont-ils fait plus tôt ?), le retour de « l’eau paye l’eau », Aqua domitia 2 dans le sud…
Sans oublier la promotion du re-use à fond la caisse :
Sur la gouvernance, l’insubmersible sénateur LR Rémy Pointereau, exploitant agricole (koulak) de son état, (ça fait trente ans qu’on l’entend égréner ses marottes), a déploré à l’inverse « une politique de l’eau devenue illisible », dénonçant une « organisation technocratique et chronophage ». « Comités de bassins, Sage, PTGE, Papi, préfet coordonnateur de bassin, comité national de l’eau... C’est un labyrinthe crétois ! Qui peut encore identifier le décideur ? »
Y a ka faucon
Au Sénat, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a indiqué ce 12 novembre que la conférence nationale sur l’eau annoncée par le Premier ministre pourrait se tenir le 16 décembre prochain, avant d’être déclinée à l’échelle de chaque bassin lors du premier semestre 2025. À ce stade, il semble que ces travaux ne devraient pas se traduire par une nouvelle loi sur l’eau, pourtant souhaitée par plusieurs parlementaires, mais par de simples ajustements.
Et de citer pour exemple "la tarification, la gestion de la quantité, la gouvernance…", auxquelles "d’autres thématiques spécifiques pourront être ajoutées à l’initiative de ces territoires", comme la question "de la désalinisation en bordure de littoral". Ces débats territoriaux devraient, eux, se dérouler "à partir du mois de janvier pour s’égrener sur un semestre, avec des livrables au terme du semestre".
"J’inscris mes pas dans ceux de mon prédécesseur, Christophe Béchu", précisait-elle, faisant du plan Eau lancé par ce dernier sa boussole, sans "réduction de son ambition". Un plan dont elle entend "matérialiser les avancées mois par mois, semestre par semestre", sur "cinq chantiers" :
• la protection de l’eau potable, rappelant qu’un tiers [des captages] ont été abandonnés ces 40 dernières années pour des raisons de qualité de l’eau", ou encore que "certaines agglomérations, de plusieurs centaines de milliers de personnes, tiennent sur un seul captage". Elle indique que trois éléments sont attendus : "un arrêté de définition des captages sensibles ; un guide à destination des préfets [qui disposent déjà d’une circulaire] (…) et des outils financiers d’accompagnement de changement des pratiques".
Au passage, elle a rappelé que "notre objectif sur les PTGE (plans territoriaux de gestion de l’eau), qui s’articulent avec les PGSSE, c’est-à-dire le pendant sécurité sanitaire de l’eau, c’est de couvrir tout le territoire français".
Et de souligner que "l’étude Explore 2" récemment publiée "matérialise le mur d’investissement à réaliser pour traiter les métabolites dans l’eau brute".
"Derrière la non-protection des captages, c’est beaucoup de dépenses pour les collectivités", appuie le sénateur écologiste de Loire-Atlantique Ronan Dantec, invitant le gouvernementà soutenir la proposition de loi tout juste déposée en la matière par le député Jean-Claude Raux ;
• la mise en œuvre du plan d’action pour l’eau et l’assainissement dans les territoires ultramarins, une "absolue priorité", la ministre précisant que l’eau sera "l’un des enjeux du prochain comité interministériel d’outre-mer" ;
• la gestion quantitative de la ressource en eau, avec des travaux qu’elle juge "clairement enrichis" par la mission d’information sénatoriale Pointereau-Gillé dont elle rappelle que la stratégie repose "sur la sobriété de l’usage, sur l’optimisation de la disponibilité de la ressource et sur l’amélioration de la gestion des périodes de sécheresse".
La ministre mettait en avant certains progrès, comme le fait que "57% des 170 collectivités considérées aujourd’hui comme des points noirs en matière de fuite d’eau font l’objet d’un accompagnement de la part des agences de l’eau, avec des investissements à la clé. Cela ne veut pas dire que tous les sujets sont réglés pour ces collectivités, mais la trajectoire a été entamée".
Elle précisait également que, "dans le cadre des PTGE", des "retenues de substitution" – "la terminologie ça permet parfois de mettre du liant entre les acteurs" –, qui "marchent très bien, pourront être construites" : "Il ne faut pas avoir de tabou sur des infrastructures qui nous permettent d’augmenter notre niveau de résilience sur l’eau", a-t-elle ajouté, en déplorant "certains hiatus dans nos réglementations qui fait qu’on peut dans certains cas dire blanc et noir sur le même sujet".
Une solution préconisée d’emblée par le sénateur Jean Sol (LR), pour qui "il n’est pas tenable de faire reposer l’essentiel de la stratégie eau des Pyrénées-Orientales sur des efforts d’économie", en évoquant "le risque d’abandonner des pans entiers du territoire qui sera rendu à la garrigue ou à la forêt dans un secteur à fort risque d’incendie" ;
• le bouclage "du financement du plan Eau, à hauteur de 1,95 milliard d’euros", mentionnant notamment "l’enjeu de travailler sur la redevance pour pollution diffuse".
Conseil d’état
Au Conseil d’État qui organisait le lendemain de 9h30 à 17h15 un débat sur la politique publique de l’eau, les mêmes en majesté : son financement et sa gouvernance sont-ils adaptés aux enjeux actuels ? Si la gestion des usages de l’eau s’est affirmée très tôt comme une activité relevant par nature des collectivités publiques, la prise de conscience de l’importance et de la rareté de cette ressource conduit aujourd’hui à une responsabilité accrue des pouvoirs publics dans ce domaine. Cette responsabilité ne pourra être pleinement et efficacement assumée que si les enjeux liés à la gestion de la ressource en eau font l’objet d’un débat d’ensemble entre tous les acteurs concernés. Financement et gouvernance sont évidemment à mettre en perspective avec la place centrale de l’eau dans les enjeux de transition écologique en tant que ressource essentielle devenue rare et avec les conflits d’usage que cette rareté génère.
– Vidéo de la table ronde sur le financement de la politique publique de l’eau :
Vidéo de la table ronde sur la gouvernance de la politique publique de l’eau
La durée de chaque vidéo est d’environ 3 heures. Parmi les intervenants, on retrouve les habituels représentants du lobby de l’eau et de celui de l’agrobusiness : Jean Launay, Eric Orsenna, Martin Gutton, Rémy Pointereau… Ces vidéos sont néanmoins à découvrir pour mesurer l’abîme qui nous guette.
Pendant de temps là
Barnier et Macron bloquent un projet de loi sur l’interdiction des polluants éternels.
http://r.newsletter.generations-futures.fr/mk/mr/sh/1t6AVsd2XFnIGFB6tjiI8vzAyeC7hB/haDutt9QeKeU
L’excellent site Contexte rend public un rapport sur la protection des captages, réalisé par les ministères de l’Ecologie, de l’Agriculture et de la Santé, enfoui au placard depuis sa remise par les mêmes.
Présentation du rapport de l’IGEDD, l’IGAS et le CGAAER :
https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0013548
Le rapport :
1- Synthèse (79 pages) :
2- Annexes (507 pages) :
La FNSEA remet le couvert sur « l’hystérie normative », après avoir déjà arraché le « contrôle unique », et quasiment désarmé l’OFB. Qu’est-ce que le gouvernement va encore pouvoir leur offrir, ils sont déjà tout obtenu…
FNE dénonce les exactions de la Coordination rurale, y compris les menaces physiques, contre ses militants :
Le Conseil d’état, saisi par le think tank libéral Montaigne vient de décider que les think tanks ne seraient pas soumis au contrôle de la HATVP.
Il existe aujourd’hui 1500 Inspecteurs des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), il en faudrait 9000 pour visiter les 500 000 ICPE.
Le Monde Planète révèle que la quasi-totalité de l’eau potable distribuée en France, de même que les eaux en bouteille sont polluées « Les autorités françaises et les gestionnaires de l’eau sont à l’aube d’une situation sans précédent : une majorité de Français pourrait prochainement se retrouver avec une eau potable non conforme aux critères de qualité. La faute d’une molécule, l’acide trifluoroacétique (TFA), un « polluant éternel » aujourd’hui non réglementé, et aux effets sanitaires mal documentés, qui contamine les ressources hydriques en France et en Europe. »
De sympathiques « représentants d’intérêts » font le siège des sénateurs aux fins qu’ils musellent les emmerdeurs de l’ANSES.
Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…