Les centaines d’associations d’usagers actives sur le territoire français dénoncent depuis des lustres les « formules d’indexation » qui figurent systématiquement dans les contrats de délégation de service public signés par les collectivités locales en matière d’eau et d’assainissement avec Veolia, Suez ou Saur. Ces formules absconses provoquent en effet une augmentation automatique annuelle du prix de l’eau, totalement déconnectée des charges qui pèsent sur le service, et partant sur le délégataire qui en a la charge. Explications de Jean-Louis Linossier, président de l’Association des consommateurs d’eau du Rhône (ACER), et membre actif de la Coordination des associations de consommateurs d’eau (CACE).
« L’indexation du prix de l’eau par le coefficient K est la 2ème arnaque de l’affermage avec celle de la détermination du premier prix de l’eau par utilisation d’un "compte d’exploitation prévisionnel" dont tous les postes ont été surévalués pour surévaluer ce premier prix sensé être la variable d’ajustement des recettes et dépenses avec un solde égal à 0.
En matière de formule d’indexation, il n’y a rien de bon, puisque tout est faux si l’on se rapporte aux mathématiques. Sachant qu’aucune technique mathématique n’est capable de prédire l’avenir.
Tout est donc truquage, faussement habillé de rigueur mathématique pour rendre l’évolution des prix inflationniste.
D’une part, les paramètres choisis le sont pour que ces formules soient inflationnistes, et non pour que l’évolution des prix qu’elles indexent suivent les coûts réels correspondants, et d’autre part parce que les coefficients de la formule donnent des poids respectifs aux évolutions des paramètres qui accentueront l’inflation.
Dans la formule souvent proposée, 50 % de l’évolution du prix de l’eau sera imposée par le prix facturé de l’eau "achetée".
Or si le prix de cette eau est déjà indexé sur une formule du même type, nul doute que les usagers subiront une « double peine ».
Sachant que le prix de l’eau achetée ne représente pas 50 % du coût de l’eau mais pas plus de 10 à 20 % de ce coût, le seul juge de paix pour constater l’arnaque est de tester la formule sur le passé récent, et dans ce cas de tester deux formules : celle d’indexation du A et celle du K.
Pourquoi « l’indice K » augmente artificiellement le prix de l’eau
K(n) est le coefficient par lequel on multiplie P(0) le prix de l’eau de l’année (0) d’origine du contrat pour obtenir P(n) le prix de l’eau de l’année n.
K = cste + a*salaire horaire (n) / salaire horaire (0) + b*Elect (n) / Elect (0) + c*matériel (n) / matériel (0) + ...
cste = en général de 0.1 à 0.2
b = env 0.5
c = env 0.05
....
– le salaire horaire est l’indice INSEE pour cette donnée ;
– « elect » est l’indice de l’électricité basse tension ;
– matériel est l’indice du matériel
...
On voit aussi que l’évolution de ces indices est pondérée par des coefficients dont la somme doit bien sûr être égale à 1.
Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que "cste" est trop faible et "a" trop élevé, et que ceci entraîne une évolution de K beaucoup trop forte d’autant que le prix de l’eau n’est pas "plombé" par le salaire horaire, mais par la masse salariale, et que cette masse salariale est affectée par les gains de productivité mais pas le salaire horaire.
Bref, si au départ vous avez des recettes qui équilibrent les charges, tout change au fil des années.
Le prix de l’eau augmente en fonction directe de K, et entraîne celle des recettes dans le même rapport.
Dans le même temps, le montant des charges réelles diminue sous l’effet des gains de productivité.
Pour atténuer ce biais, les entreprises délégataires « optimisent » les montants des charges.
Chaque ligne du compte d’exploitation est à son tour chargée pour diminuer le résultat, mais il arrive un moment où le résultat dérape et atteint des sommets.
Il ne faut donc pas sous estimer ou faire l’impasse sur ce fameux indice, et ne s’attacher à vérifier que les charges pour justifier le prix de l’eau, qui est de fait injustifiable sans l’existence, entre autres entourloupes du même acabit, de ces fameuses « formules d’indexation » du prix de l’eau… »
commentaires
De toute façon, le débat se dépasse de lui même maintenant, une nouvelle façon de gérer le service a émergé du cerveau fécond d’un illustre ex de chez safege :
A déguster.
Lien très intéressant Feup : décidément SAUNIER a de la ressource !
Au moins sur le constat il est dans le vrai, pour le reste...je vois pas en quoi son système améliore la transparence car la question du contrôle se pose toujours, il rejoint néanmoins divers commentaires préconisant la création pour chaque contrat de sociétés filiales dont le périmètre correspondrait au contrat et permettant un contrôle comptable plus efficace.
Au passage, à part un habillage plus "managérial" (les 5 sages du CA) je vois pas trop bien la différence avec une SEM (système qui au demeurant n’a pas fait preuve non plus d’une transparence ou d’une efficacité d’enfer)
Et pourquoi pas plutôt une SPL (système déjà évoqué sur ce blog) ?
Bien pour quelques centimes.
Mais pourquoi J2L n’a pas l’idée de condamner fermement le mode de facturation de notre eau qui permet qu’entre voisin, le prix du mètre cube peut varier de 1 à 5 ( d’une vingtaine d’euros parfois ) ?
Faire du social et de l’équitable n’est plus à la mode ( ou du bout des lèvres ). SAUF sur ce blog. Il ne faut surtout pas déplaire. A qui ? On ne sait pas, c’est comme ça. Si ... , à sa carrière, à son égo-image.
Pourquoi demanda le citoyen ?
– " Car cela peut apparaître, de manière certes simpliste, comme uniquement bête et méchant "
( citation authentique et assumée d’un irresponsable "grand chef" )
Sans autres commentaires
Bonne fin de semaine à tous.
Bonjour Messieurs,
Je crois comme Olivier que les propos qui suivent : "En matière de formule d’indexation, il n’y a rien de bon, puisque tout est faux si l’on se rapporte aux mathématiques. Sachant qu’aucune technique mathématique n’est capable de prédire l’avenir. Tout est donc truquage, faussement habillé de rigueur mathématique pour rendre l’évolution des prix inflationniste" sont pour le moins très erronées. Il y a clairement une très grosse mésentente sur le nature, l’objet, et le but de ce qu’est une formule de variation, fussent son effet pour des raisons que je vais tacher d’exposer, conduire à une augmentation naturelle du prix ou des prix.
Je crois que pour comprendre les clauses d’indexation dans les contrats publics il faut revenir à l’origine juridique du concept. "Grossièrement", chaque fois que qu’un fait étranger ou non au parties vient modifier l’équilibre initialement défini, celui-ci doit être rétabli (dans ce sens les travaux du Professeur Francis Paul BENOIT, De l’inexistence d’un pouvoir de modification unilatérale dans les contrats administratifs, JCP, 1963, travaux dans lesquelles il considère que l’équation financière n’a aucun sens en dehors du cas de modifications dues à des événements extérieurs aux parties).
Ce préalable étant posé, qu’est-ce que l’indexation en droit public ?
C’est une garantie, une garantie de l’équation contractuelle. En effet si la nature de l’aléa et la probabilité qui lui est attachée déterminent en grande partie l’équilibre contractuel, celui ci commande lui une garantie accordé au cocontractant de la personne publique. Il y a dès lors 2 manières de voir les choses, soit :
– on considère que le contrat de DSP est un contrat aléatoire, parce que toute garantie en est exclue est alors la qualification d’aléatoire ne permet que de désigner ce qui est exclu de la garantie (autrement dit, l’aléa se déduit des limites de la garantie ; il ne produit alors aucun effet juridique et se confond avec les risques du contrat) ;
– ou bien l’on considère qu’aucune garantie n’est due parce que le contrat est aléatoire ; l’aléa devient alors prégnant, puisqu’on va en déduire que toute partie à un contrat aléatoire est présumé faire siennes les conséquences de la réalisation du risque, les limites de la garantie se déduisant alors de l’aléa.
Dans la première hypothèse, le droit français des contrat administratifs montre que l’aléa ne se déduit pas des limites de la garantie. Dit autrement, le fait qu’un événement sorte du champs de la garantie n’emporte pas sa fusion avec les risques du contrat, que le cocontractant de l’administration devrait seul supporter. Ici procède donc la logique des clauses de variation fondée sur une système d’indexation qui actualise, ajuste, révise les prix. Cet outil est donc un outil d’équilibrage. En droit public, l’équilibre en cas d’aléa se forme sur la durée, aussi en introduisant un mécanisme d’indexation, l’administration ne s’acquitte pas, d’emblée, de son obligation de garantie. Notons que l’obligation de garantie qui procède de l’équilibre contractuel suit donc en cas d’aléa ou d’événement imprévisible, les avatars de ce dernier.
Dans la seconde hypothèse, la logique du droit aurait dû entériner le principe selon lequel, la connaissance du risque lié au mécanisme du prix forfaitaire réduit ou supprime toute garantie. Tel n’est pas le cas. Classiquement les solutions jurisprudentielles repose sur l’idée qu’avoir connaissance d’un risque ne revient pas automatiquement à l’assumer.
Pour résumer, et j’emprunterait ici les propos du Professeur Laurent VIDAL, auteur d’une thèse de droit public, portant sur L’équilibre financier du contrat dans la jurisprudence administrative, : "on peut certes concevoir que l’imprévisibilité de la survenance de certains événements de même que la probabilité de la réalisation d’un risque ou d’un aléa permettent seules de justifier une entorse à la rigueur du principe de la force obligatoire du contrat. On est toutefois obliger de constater qu’elles n’offrent qu’un outil insuffisant pour mesurer les conséquences de leur réalisation effective et prononcer les mesures correctrices requises".
“En matière de formule d’indexation, il n’y a rien de bon, puisque tout est faux si l’on se rapporte aux mathématiques. Sachant qu’aucune technique mathématique n’est capable de prédire l’avenir.”
Une phrase comme on aimerai en voir plus souvent !!!
Tout faux, mon petit Jean Louis !!
La formule d’indexation ne vise pas à "prédire l’avenir" mais plutôt à constater le passé.
Ceci dit, là où tu as raison, c’est qu’il ne faut pas sous estimer cette part de la négo. Mais au lieu de crier au loup, le mieux est d’être plus rusé que lui.
Apprenons donc à nos élus et fonctionnaires à faire fonctionner leurs neurones. On y va :
1/ prendre le compte d’exploitation et en déterminer la part de salaire, la part energie et la part achats divers. Quand on a fait ça on a en général fait le tour à 90 % des charges.
2/ choisir les indices ad hoc dans la liste de l’INSEE
3/ négocier une neutralisation la plus forte possible (0,2 c’est bien...)
4/ calculer les coef a, b, c,... en fonction de ce que l’on vient de négocier
5/ Négocier les gains de productivité attendus. Rajouter au terme Main d’Oeuvre un coef fonction du temps qui reflète cette négociation.
6/ servir chaud
Voila donc la recette pour bien cuisiner un fermier...
Si tu as besoin de moi pour rédiger un petit guide pratique à l’égard des déléguant souhaitant manger du délégataire, call me...
A + dans l’bus