Par un communiqué en date du 5 mai dernier, trois commissions sénatoriales dénoncent les déclarations « obscures, contradictoires ou erronées » du gouvernement, s’agissant d’une éventuelle révision constitutionnelle, supposée « faciliter l’engagement de la responsabilité des personnes publiques et qu’il attribuerait une forme de priorité à la préservation de l’environnement sur les autres principes constitutionnels, mais les meilleurs juristes sont en désaccord entre eux sur son interprétation. C’est la théorie du “en même temps” appliquée au droit constitutionnel... »
« Réunies les 4 et 5 mai 2021, la commission des lois et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ont adopté deux amendements identiques visant à modifier la rédaction de l’article unique du projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, adopté sans modification par l’Assemblée nationale en première lecture.
Convaincues de la nécessité de rechercher de nouveaux instruments juridiques pour mettre fin à la dégradation continue de notre environnement, les deux commissions ont néanmoins considéré que le projet de révision constitutionnelle déposé par le Gouvernement ne pouvait pas être adopté en l’état.
« Une fois n’est pas coutume, le Gouvernement a voulu transmettre “sans filtre” l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat », a observé François-Noël Buffet, président et rapporteur de la commission des lois. « Mais les effets juridiques du texte proposé sont beaucoup trop incertains, le Gouvernement lui-même ayant entretenu la confusion par des déclarations obscures, contradictoires ou erronées. Le texte qui sera adopté par le Constituant ne doit laisser aucun doute sur son interprétation future par le juge. »
« Nos auditions ont confirmé cette très grande incertitude », a précisé Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. « Les termes employés laissent entendre que ce texte faciliterait l’engagement de la responsabilité des personnes publiques et qu’il attribuerait une forme de priorité à la préservation de l’environnement sur les autres principes constitutionnels, mais les meilleurs juristes sont en désaccord entre eux sur son interprétation. C’est la théorie du “en même temps” appliquée au droit constitutionnel... »
Afin de lever toute équivoque, les amendements identiques des deux commissions, inspirés des recommandations du Conseil d’État, énoncent que
« [La France] préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004. » Cette rédaction aurait le double mérite, sur le plan symbolique, de réaffirmer l’attachement du peuple français à la préservation de l’environnement et d’y inclure expressément la lutte contre le dérèglement climatique, que la Charte de l’environnement ne mentionne pas.
« La protection de l’environnement mérite mieux que des manœuvres politiciennes ou des phrases creuses », selon Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. « Face à l’accélération du changement climatique, à la réduction brutale de la biodiversité, nous attendons du Gouvernement des actes, pas des faux semblants. »