Depuis l’orée des années 2000 de très nombreuses dispositions législatives, voire constitutionnelles, visent à réaffirmer l’importance de la démocratie participative supposée dynamiser l’action publique. Mouvement de fond ou effet de mode ?
La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, "relative à l’organisation décentralisée de la République", a introduit trois articles concernant la démocratie participative locale.
Le nouvel article 72-1 intéresse à priori l’ensemble des collectivités territoriales. Son premier alinéa prévoit la possibilité pour les électeurs d’une collectivité de demander, par l’exercice du droit de pétition, l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence, dans les conditions prévues par une loi ordinaire.
Le second alinéa ouvre aux collectivités territoriales la faculté d’organiser, dans les conditions fixées par une loi organique, des referendums locaux à la valeur décisionnelle sur des projets de délibération ou d’acte relevant de leur compétence.
Enfin le troisième alinéa ouvre deux possibilités de consultation des électeurs : la première consultation est d’initiative législative lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale à statut particulier ou de modifier son organisation. La seconde qui concerne les cas de modification des limites d’une collectivité territoriale doit voir ses modalités précisées par une loi ordinaire.
Le thème de la démocratie locale était présenté comme un axe majeur de cette révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Des procédures aussi différentes que la consultation des électeurs (en outre-mer et en métropole), le referendum décisionnel ou le droit de pétition, font désormais l’objet de dispositions constitutionnelles (articles 72-1, 72-4 et 73 dernier alinéa). Ces dispositions témoignent de la volonté de développer la démocratie participative locale, entendue comme l’ensemble des modes d’association des citoyens ou des habitants à la décision locale, en dehors du strict cadre de l’élection de représentants.
Reste à déterminer si, au-delà de l’intention affichée de "donner la parole au citoyen", ces dispositions sont réellement susceptibles d’atteindre cet objectif.
Une première analyse des nouvelles dispositions semble permettre de répondre par l’affirmative. En effet, la démocratie participative locale est sans conteste reconnue de façon très large, et ce à deux titres.
Tout d’abord, la compatibilité de ces procédures avec la Constitution est enfin établie. Les consultations locales d’initiative étatique bénéficient désormais d’un fondement textuel incontestable, alors que la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel les fondait de manière discutable sur une combinaison des articles 72 et 2 du Préambule de la Constitution de 1958. Cette jurisprudence avait en outre l’inconvénient de limiter les possibilités de recours à ce type de consultation à l’outre-mer, ce à quoi la révision du 28 mars 2003 a mis un terme, quoique de façon limitée. De même, la révision met un terme définitif à un débat récurrent, celui de la constitutionnalité du referendum local décisionnel. Ce dernier, longtemps combattu par une large partie de la classe politique, puis rejeté par les tribunaux administratifs, était considéré comme contraire (notamment) à l’article 72 de la Constitution interprété, là encore de facon discutable, comme instaurant un monopole absolu des conseils élus sur la prise de décision locale.
La démocratie participative locale est ensuite reconnue de façon très large au vu de la diversité des mécanismes consacrés. Ces derniers répondent en premier lieu à des logiques participatives différentes. Ainsi se complètent la logique ascendante du droit de pétition (pour la première fois reconnu par la Constitution au niveau local), où les préoccupations de l’électeur remontent jusqu’à l’élu, et la logique descendante de la consultation et du referendum, où l’initiative de l’élu devient à terme l’objet du vote de l’électeur.
La diversité des mécanismes se constate aussi au regard des procédures mises en place. L’on trouve aussi bien des procédures à objet particulier (comme les consultations d’initiative étatique qui ne peuvent porter que sur un nombre limité de sujets), que des procédures dont l’objet reste très général (droit de pétition ou referendum local, quoique le champ matériel de ce dernier connaisse certaines limites importantes, notamment en matière d’actes individuels). De même la portée juridique des mécanismes varie considérablement, passant du simple avis ne liant aucunement les autorités élues (par exemple s’agissant des consultations en métropole), à la véritable prise de décision (pour le referendum local), différences qui entraînent des conséquences majeures sur les modalités de contrôle contentieux des procédures.
La force et la richesse de la reconnaissance de la démocratie participative locale opérée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 sont donc indéniables.
Pour autant, en seconde analyse, elles apparaissent insuffisantes.
En effet, l’efficacité des procédures semble largement remise en cause par l’encadrement dont elles font l’objet, encadrement qui ne parvient pas à trouver un point d’équilibre entre une réglementation trop contraignante, voire étouffante, et un excès de souplesse risquant de (re) faire de ces procédures de simples gadgets politiques à la disposition des élus.
Tout d’abord, le cadre d’expression du citoyen est conçu de façon trop restrictive. Les limites procédurales posées à la mise en oeuvre des techniques de participation paraissent trop sévères. Ainsi, malgré l’extension de la démocratie participative à l’ensemble des collectivités territoriales, le cadre géographique de celle-ci reste trop étriqué, puisqu’il exclut les entités infra-communales, et surtout, allant en cela à l’encontre de toute l’évolution législative depuis dix ans, les structures intercommunales, dont l’importance croissante dans la vie locale est incontestable.
L’instauration de seuils élevés comme condition de validité des procédures, tel le seuil de participation de 50% des électeurs inscrits exigé en matière de referendum local, risque d’être très préjudiciable à la possibilité même de les mettre en oeuvre.
Surtout, au-delà de ces limites procédurales, c’est l’absence de prise en compte des spécificités de la vie locale que l’on peut regretter. En droit (s’agissant du referendum local), ou en pratique (s’agissant des consultations locales), le modèle démocratique national est plaqué sans nuance sur le cadre local, privant celui-ci d’une partie importante de ses potentialités.
Pour exemple, aucun rôle officiel n’est reconnu aux associations dans le déroulement des campagnes électorales, lors même que les associations jouent un rôle central dans la vie locale.
En second lieu, l’encadrement des procédures est insatisfaisant en ce qu’il confère aux élus une maîtrise absolue de celles-ci. Ainsi, n’ayant pas le contrôle de l’issue du referendum local décisionnel, les élus conservent l’entier contrôle de son initiative, alors que certaines lois précédentes avaient par exemple fait un pas vers la reconnaissance d’une initiative populaire. S’agissant du droit de pétition, le raisonnement est identique : n’ayant pas la maîtrise de l’initiative de la procédure, laissée aux électeurs, les élus conservent l’entier contrôle des conséquences de la pétition sur la décision locale.
Important sur le plan symbolique, l’impact de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 sur la démocratie participative locale risque donc, en pratique, d’être beaucoup plus restreint.
La loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005, "relative à la Charte de l’environnement".
Comme 11 autres états européens la France se réfère désormais au droit de l’environnement dans sa Constitution. Rédigée par une commission de 18 membres, présidée par le paléontologue Yves Coppens, la Charte affirme dans ses considérants que la préservation de l’environnement devra "être recherchée au même titre que les autres intérêts de la Nation" (article 2, alinéa 6). Dans les situations où le législateur ou le juge devra mettre en balance plusieurs éléments de l’intérêt général, l’environnement devrait donc désormais peser beaucoup plus lourd et conduire à des arbitrages différents de ceux rendus auparavant. Adossée à la Constitution, la Charte est donc réputée "s’imposer à toutes les politiques publiques". Alors que les textes existants, regroupés dans le Code de l’environnement, ne font "qu’inspirer" les politiques environnementales, la Charte opérerait désormais une "irrigation de tout notre droit". Les futures lois devront donc s’y conformer et la législation existante sera "peignée" au regard de la Charte à valeur constitutionnelle.
Parmi les premiers textes révisés devraient donc figurer, outre le Code de l’environnement, le Code de l’Urbanisme et le Code minier. En fait, sans révolutionner le droit existant, la Charte va jouer un rôle d’accélérateur de l’intégration du droit de l’Environnement dans le dispositif législatif et réglementaire francais.
Les travaux d’élaboration de la Charte avaient débouché sur deux versions plus ou moins "musclées", et donné lieu à des polémiques, portant notamment sur le principe de précaution et le principe « pollueur-payeur ».
Sur la définition du principe de précaution finalement retenue, plusieurs participants ou observateurs divergent quant à sa portée. France Nature Environnement y voyant "l’avancée la plus substantielle du texte", tandis que le philosophe Dominique Bourg, professeur à l’Université de technologie de Troyes, et membre de la Commission Coppens, adoptait une position tempérée, reconnaissant que "la version la plus dure, celle qui aurait permis à tout juge d’incriminer tout décideur technologique (industriel ou chercheur), aurait pu donner lieu à des dérives".
Mais France Nature Environnement soulignait, en le regrettant, que seule la précaution soit érigée en principe. Le terme ne s’applique donc pas à la prévention (art. 3), à la réparation (art.4), ni à la participation (art.7).
Quant au principe « pollueur-payeur », il ne figure pas dans la Charte, qui lui substitue la notion de réparation. Le premier pouvait être perçu comme déresponsabilisant par l’opinion publique, "qui avait le sentiment que payer autorisait à polluer", faisait observer M. Christian Brodhag, directeur de recherche à l’Ecole nationale supérieure des Mines de Saint-Etienne et membre de la commission Coppens. Pour Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de l’Ecologie, la seconde notion, celle de réparation, "donnait un fondement à un régime de responsabilité envers l’environnement".
Jusqu’alors le Code civil n’envisageait d’indemnisation que pour les seules atteintes aux biens et aux personnes. A l’avenir, les dommages environnementaux seraient associés, d’après le ministère de la Justice, "à une responsabilité plus exigeante que celle fondée sur le principe pollueur-payeur".
Il appartiendra en fait au législateur de définir les règles de contribution et de réparations de ces atteintes à l’environnement. Et si les professionnels du droit s’attendent à une multiplication des contentieux, sur la base des nouveaux arguments juridiques fournis par la Charte, pour Christian Brodhag, elle devrait minimiser les recours devant les tribunaux "dès lors qu’elle conduira à anticiper la question environnementale".
La Loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.
Dans une communication en date du 1er mars 2006, Mme Nelly Olin, ministre de l’Ecologie et du Développement Durable, précisait les actions déjà conduites relativement à la mise en oeuvre de la Charte de l’environnement.
Précisant que le juge constitutionnel ainsi que plusieurs juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire en avaient déjà fait application, elle rappelait notamment que la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 avait mis en oeuvre les dispositions de la Charte en matière d’évaluation des incidences des projets sur l’environnement et d’accès à l’information environnementale.
Visant à combler le retard de la France en matière de transposition de directives, la loi du 26 octobre 2005, contient en fait, au-delà des obligations communautaires y afférent, des dispositions complémentaires en matière de droit à l’information environnementale, de protection de l’environnement par le droit pénal, de contrôle des produits chimiques, de mise en décharge de déchets inertes, ou encore de mise en oeuvre des mécanismes de flexibilité prévus par le Protocole de Kyoto.
Son article 1er complète ainsi l’article L. 122-1 du Code de l’environnement afin de prévoir que l’autorité administrative chargée d’approuver ou d’autoriser un projet d’ouvrage d’aménagement, public ou privé, susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement (qui peut-être une collectivité territoriale), recueille au préalable l’avis de l’autorité de l’Etat compétente en matière d’environnement, c’est-à-dire, selon l’importance du projet, soit le préfet du département, soit le ministre en charge de l’écologie.
Par ailleurs, tant les projets de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, les parcs nationaux et les parcs naturels marins devaient appliquer les principes de la Charte. De même que la stratégie nationale de développement durable, la future contractualisation entre l’Etat ou les régions ou le nouveau Code des marchés publics.
Le Décret n° 2006-578 du 22 mai 2006, modifiant certaines dispositions relatives à l’information et à la participation du public.
Paru au Journal Officiel du 23 mai 2006, il prévoit que ne seront pas soumis à la procédure d’étude d’impact les travaux d’entretien et de grosses réparations, quels que soient les ouvrages ou aménagements auxquels ils se rapportent.
Par ailleurs, un droit d’accès spécifique aux informations sur l’environnement est créé : l’autorité publique saisie d’une demande d’information concernant ce domaine est tenue de statuer de manière expresse dans un délai d’un mois - deux, en cas de dossier complexe - à compter de la réception de la demande. La personne responsable de l’accès aux documents administratifs, désignée en application de l’article 24 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, est responsable de l’accès à l’information relative à l’environnement.