L’orée des années 2000 a vu apparaître dans le champ des politiques publiques de l’eau et de l’assainissement un grand nombre d’initiatives institutionnelles, le plus souvent sous la forme de création de dispositifs "extra-légaux", c’est-à-dire non contraignants, volontaires, qui n’entraînent pas l’application d’obligations légales pour les collectivités qui en prennent l’initiative. Ce foisonnement contribue malheureusement à brouiller la lisibilité du champ de l’information, de la concertation et de la participation de l’usager à l’élaboration des politiques publiques.
On assiste en fait à une véritable prolifération, dont les exemples abondent.
– Les schémas directeurs de l’eau et de l’assainissement. Celui du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), précise ainsi que :
"L’amélioration des résultats passe par une convergence d’objectifs et d’actions des usagers, des communes, des groupements de communes, des départements, des groupements de départements...".
Conformément à cet engagement le SIAPP a créé en 2004 un "Observatoire des usagers de l’assainissement de la région parisienne."
– L’élaboration d’Agendas 21 donne également souvent lieu à la mise en oeuvre de procédures visant à y associer le public.
– On note aussi la multiplication de consultations diverses pour "l’élaboration concertée" de projets communaux, départementaux, régionaux..., qui peuvent s’identifier comme autant de "Forums locaux", à la durée de vie éphémère, partiellement dédiés aux aspects environnementaux et au développement durable.
– Plusieurs "Conférences de citoyens", ou Conférences de consensus ont également été organisées ces dernières années autour de problèmes environnementaux sensibles (OGM, boues d’épuration...).
– Dans le domaine de l’eau de nombreuses collectivités ont aussi créé, sinon des CCSPL, des commissions extra-municipales, du type "Commission consultative des usagers de l’eau"...
Modernité oblige, tous les acteurs de l’eau mettent par aillerurs à la disposition du public des informations très nombreuses, mais aussi très hétérogènes, via des sites Internet et des « Observatoires »…
Ces derniers tendent à se multiplier. Dans une étude publiée le 13 décembre 2006 par la revue Développement Durable et Territoires, Agnès Grandgirard et Rémi Barbier abordent la question des méthodologies et pratiques territoriales de l’évaluation en matière de développement durable à travers l’analyse de 10 observatoires mis en place par les Conseils Généraux dans le domaine de l’eau.
Leur propos « se fonde sur l’examen de dix observatoires, identifiés lors d’une étude préalable à la mise en place d’un Observatoire de l’eau. Après un cadrage théorique et empirique de notre objet d’étude, nous présentons les démarches d’évaluation mises en place par ces observatoires et les obstacles rencontrés. Nous abordons notamment les questions de format des données à recueillir et de légitimité du maître d’ouvrage de l’observatoire. Ceci nous fournit des éléments afin de réfléchir à l’apport des Observatoires en tant qu’outils servant de support à l’évaluation des politiques publiques en matière de développement durable. »
Désireuses, par ailleurs, d’améliorer les prestations qu’elles offrent à leurs clients, les grandes entreprises spécialisées du secteur de l’eau et de l’assainissement, titulaires de milliers de délégations de service public en France, multiplient les démarches pro-actives en direction des usagers-abonnés du service public de l’eau et de l’assainissement :
– Informations diverses fournies avec la facture, ce qui leur confère une certaine légitimité,
– Numéros verts disponibles 24 h sur 24,
– Sites Internet,
– Journaux, brochures, campagnes d’information en direction notamment des publics scolaires ou de la profession médicale,
– Sondages, baromètres, dont le baromètre annuel du Centre d’information sur l’eau (C.I.EAU), largement repris par les medias. (Le C.I.EAU a été créé par le Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement (FP2E, ex-SPDE) constitué par Veolia, Suez-Ondeo et la Saur).
Dans un registre plus technique les divers opérateurs du domaine de l’eau multiplient également les initiatives découlant de l’exigence croissante de conformité à des procédures de normalisation de plus en plus contraignantes.
On enregistre dès lors une véritable prolifération des "indicateurs de performance", des normes, et des différents dispositifs de certification... (ISO, AFNOR, qualité HQE...)
– Les Chartes sont des indicateurs définis par l’opérateur. D’un nombre limité ils servent à vérifier l’atteinte des engagements chiffrés adoptés par l’exploitant.
– Les Certifications sont des indicateurs internes, un élément du processus de management. Ils visent à mesurer si le produit est conforme aux prescriptions que l’entreprise (ou la collectivité) s’est elle-même fixée pour pouvoir engager, si besoin, des mesures correctrices.
– Les Normes de service sont des indicateurs qui permettent de vérifier si les principaux éléments de service répondent aux attentes des clients.
– Les Indicateurs de suivi de performance par la collectivité. Fixés par elle, ils servent avant tout à contrôler les résultats du service dans toutes ses dimensions (prestations immédiates, pérennité du patrimoine, externalités...), dans une vision non seulement dynamique mais qui peut être comparative. Donc, d’enjeux d’organisation interne et d’image, centrés sur les moyens, on passe à des préoccupations de maîtrise de la gestion et de régulation externe par la collectivité, plutôt centrés sur les résultats.
Au total, si certains indicateurs peuvent être communs à ces différentes typologies, d’autres devront être choisis selon l’usage spécifique qui est visé.
Noter que des contraintes fortes s’exerçant aux fins de généraliser le passage d’une logique de moyens à une obligation de résultats, comme y incite clairement par exemple la Directive-cadre européenne sur l’eau, ces données techniques, en voie d’harmonisation pour ce qui concerne par exemple les indicateurs de performance des services publics de l’eau et de l’assainissement, sont en passe de muer en véritables outils de communication, tant à destination des autorités de tutelle du secteur que du grand public.
Ce qui ne va pas manquer de reposer de manière aigüe la question de l’apprentissage social des nouvelles dynamiques de concertation dont ces indicateurs vont devenir un outil essentiel. Ceci dans la mesure notamment où ils apparaissent de plus en plus clairement avoir vocation à devenir par ailleurs, après avoir été rendus obligatoires, l’un des instruments de la régulation du secteur.
commentaires
Nous n’en sommes qu’aux débuts. Les dérives déjà aisément identifiables vont considérablement s’aggraverà mesure que la problématique s’installe durablement dans le débat public. A cet égard les compte-rendus MEDD-AESN de la première phse de consultation "grand public", à laquelle, hélas, contraint et forcé, le FNE a du prêter la main, sont passablement affligeants(litote). Mais il en ressort que le pire est à venir avec les deux futures vagues de consultation "grand public"...
les Conseils régionaux dans la bagarre
dans la bagarre que se livre tout ce monde là pour savoir qui fait quoi dans l’eau et qui sait qui va piloter la barque, les Conseils Régionaux communiquent aussi un maximum : assises de l’eau, débats internet...
Les agences de l’eau ont fait pas mal avec "les enquêtes nationales" en 2005 (dans le cadre de la DCE) qui a suivi le débat public Bachelot de 2004 et tout ça pour donner quoi ?
ça communique tout azimut et ça n’aide pas le citoyen à y retrouver ses petits (poissons rouges)...