L’emballement médiatique au coeur de l’été sur une pollution de l’eau potable par du tritium provenant des 58 tranches nucléaires installées sur tous les fleuves français pour permettre leur refroidissement a charrié nombre d’inexactitudes, d’approximations, voire de contre vérités manifestes. Mise au point.
Si on retrouve du tritium dans l’environnement à proximité des centrales, c’est parce que ses molécules sont tellement petites qu’elles migrent à travers le béton.
Il n’y a en fait aucun moyen de le confiner vraiment. Il franchit toutes les barrières et profite des menues imperfections de conditionnement (soudures, ...). Mais ce n’est pas très grave sauf en cas d’émission accidentelle, ce qui est un autre sujet.
En revanche, les données de pollution des eaux, telles qu’exigées par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE), ne portent aucun obligation concernant la pollution radioactive. C’est en dehors du champ, point-barre. Etonnant, non ? Simplement le fruit d’un lobbying à la Commission au moment de l’élaboration de la Directive à la fin des années 90 et au tout début des années 2000.
Où sont ces données, alors ? Il faut se tourner vers l’IRSN et le CRIIRAD, mais ne pas compter, aujourd’hui, sur un bon état des milieux aquatiques qui tienne compte de cette pollution.
Il faudrait voir également du côté des normes de potabilité à la sortie des usines de potabilisation (je n’ai jamais vu aucun critère à ce propos, mais ça pourrait exister tout de même). Les enjeux sanitaires, vu de l’extérieur, n’ont pas l’air fort.
Il faut regarder du côté du Césium 137, du Radon 222, de l’iode129, par exemple. Encore que certaines régions de France, comme la Bretagne ou la Creuse (à cause du granit), pourraient être décrêtées hors norme du coup.
L’enjeu actuel, concret et délétère de la pollution chimique des centrales nucléaires sur l’environnement, ce sont en réalité les biocides utilisés dans les circuits de refroidissement fermés des tranches nucléaires, notamment au niveau des asperseurs de refroidissement des grandes cheminées qui font des nuages.
C’est de l’eau recyclée qui, sans biocide, serait envahie d’algues et boucherait les tuyaux. On n’a pas tellement le choix, donc.
Toujours est-il qu’ils se retrouvent dans les rivières où, à l’instar des refroidissements en circuit ouvert qui réchauffent les eaux, ils dégradent le milieu aquatique.
N’oublions pas également que, même si les centrales thermiques, comme les centrales nucléaires, rendent l’eau à l’environnement après usage, les conditions de continuité d’accès à la ressource nécessitent de recourir à des grands barrages qui, eux, ont un impact fort sur l’environnement, et entrent en conflit d’usage au moment de la collecte et de l’utilisation de l’eau.
(*) Pascal Maugis, expert en ressources en eau et adaptation au changement climatique.
Lire aussi :
– La surveillance des nappes phréatiques est à revoir autour des sites nucléaires :
Pierre Le Hir, Le Monde, 12 août 2008.
– La contamination de l’eau du robinet au tritium ou au titanium, histoire d’un emballement
Checknews, Libération, 23 juillet 2019.
– Canicule, sécheresse, inondations : le nucléaire face aux aléas du réchauffement climatique
Blog Energie et développement.
Voir le communiqué de presse de l’association ARCO à l’origine de l’affaire :
– Une mise au point de l’ARCO, 24-07-19 :
https://www.acro.eu.org/contamination-au-tritium-de-leau-potable-mise-au-point-de-lacro
quoiqu’il en soit, de fait, il y a de plus en plus de nombreuses origines distinctes de radiations ionisantes en milieu de travail, qui tendent donc à être présentes dans l’environnement de manière croissante : maîtrise du risque radiologique indispensable ! : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/rayonnements/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=126&dossid=164