Avec la proposition de loi déposée à la Présidence du Sénat le 14 septembre 2016, le palais du Luxembourg poursuit et accentue sa danse du ventre obscène devant la FNSEA, et signe le 4ème acte d’une offensive réactionnaire sans précédent, dans la perspective de l’après 2017. L’imagination des irrigants se déploie à pleins tubes. Cette fois il s’agit de “réaliser des stockages d’eau entièrement enterrés financés par la valorisation des matériaux extraits pour réaliser le stockage sans faire appel aux finances publiques. »
"PROPOSITION DE LOI relative à la régulation de l’approvisionnement en eau des surfaces agricoles dans les régions agricoles,
PRÉSENTÉE Par M. Roland COURTEAU, Sénateur (PS) de l’Aude
(Envoyée à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il est désormais incontestable que l’agriculture française aura à souffrir prochainement d’un déficit chronique d’alimentation en eau pour l’irrigation, surtout dans les régions méridionales.
À ce titre, il faut rappeler que l’alimentation en eau agricole au moment des besoins en irrigation ne peut se faire que de deux manières : par le pompage dans les eaux de surface (rivières, etc.), procédé très limité à court terme du fait de la protection des débits d’étiage des cours d’eau ; par le pompage dans les masses d’eau souterraines, solution elle aussi limitée, face aux enjeux de préservation d’alimentation en eau potable des populations.
Dès lors, une solution privilégiée est de stocker l’eau en période de hautes eaux afin de la restituer en période d’irrigation.
Un nouveau procédé, qui constitue une adaptation de la méthode des retenues collinaires, est envisageable : réaliser des stockages d’eau entièrement enterrés financés par la valorisation des matériaux extraits pour réaliser le stockage sans faire appel aux finances publiques.
À l’heure actuelle, et dans la mesure où les matériaux sont utilisés en dehors du site, la réglementation française impose de considérer l’opération de création de la réserve d’eau comme une exploitation de carrière.
Cette particularité impose quelques contraintes majeures, et notamment l’obligation de faire appel à une personne physique ou morale ayant les capacités techniques pour exploiter une carrière et obligation de respect des dispositions du schéma régional des carrières qui s’impose aux documents d’urbanisme (plan local d’urbanisme, PLU) et donc aux tiers.
L’obligation de recours à une personne physique ou morale ayant les capacités techniques pour exploiter une carrière semble imposer le recours aux carriers.
Pour éviter de rendre le monde agricole tributaire de la politique commerciale des carriers, une solution a été trouvée : une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) disposant des capacités techniques et totalement indépendante du monde des carriers pourrait être créée.
Cette SCIC se chargerait d’obtenir les autorisations d’exploitation, les travaux de creusement de la réserve et la valorisation des matériaux seront sous-traités à des entreprises du monde des carriers ou des travaux publics.
Il serait nécessaire aussi d’intégrer ce dispositif dans la mise en place du schéma régional des carrières.
Le monde agricole ne participe pas aux travaux de création de ces schémas régionaux, ce qui n’est évidemment pas le cas des carriers qui vont délimiter les zones où l’exploitation des carrières est admise en fonction de leurs impératifs sans tenir compte des besoins du monde agricole. Le monde agricole est donc tributaire des zones définies par les carriers, ces zones ne correspondant pas forcément aux besoins en irrigation.
Il semble opportun de remédier à ce problème, en permettant de déroger à l’obligation de respect des dispositions du schéma régional des carrières, et ce, de manière permanente.
Le schéma régional des carrières ayant été imposé par un texte de loi, seul un autre texte de loi peut lui apporter une modification. C’est l’objet du premier article de cette proposition de loi.
Actuellement, la création de réserves d’eau à usage agricole est d’ores et déjà soumise à la réglementation « eau », et notamment au régime des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration (articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement).
Ainsi, il est inutile que se surajoute l’article L. 515-3 du code de l’environnement, selon lequel les carrières doivent s’inscrire dans un schéma régional des carrières. Et ce, d’autant plus, que les réserves d’eau à usage agricole ont des conditions d’implantation et d’exploitation différentes des carrières.
Dans un souci de simplification et de souplesse, et dans le cadre d’une autorisation unique qui vaut autorisation au titre de la loi sur l’eau et de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, cet article vise donc à préciser que les dispositions de l’article L. 515-3 du code de l’environnement ne sont pas applicables à la réalisation d’affouillements du sol rendus nécessaires pour l’implantation de réserves d’eau à usage agricole.
Par ailleurs, avec le système d’autorisation unique, les agriculteurs ont la garantie de disposer à terme de retenues d’eau qu’ils pourront utiliser à des fins d’irrigation.
Enfin, dans la mesure où comme indiqué précédemment, la création de réserves d’eau à usage agricole est d’ores et déjà soumise à la réglementation « eau » (notamment articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement), la demande relative aux travaux d’affouillement liés à la création de retenues d’eau devrait donc être instruite dans le cadre de la réglementation « eau » afin que le projet fasse l’objet d’une autorisation unique. Cette simplification permettrait de favoriser des projets de réserves d’eau, aujourd’hui nécessaires à une agriculture durable. C’est l’objet du second article de cette proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
Après le I de l’article L. 515-3, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. - La réalisation d’affouillements du sol rendus nécessaires pour la création de réserves d’eau à usage agricole est soumise, avant l’octroi de l’autorisation d’exploiter, à l’avis de la ou des chambres départementales d’agriculture concernées par le lieu d’implantation du projet.
« Par dérogation aux dispositions du présent article, et ce, dans le cadre d’une autorisation unique qui vaut autorisation au titre des articles L. 214-3 et L. 515-1, la réalisation d’affouillements du sol rendus nécessaires pour la création de réserves d’eau à usage agricole n’est pas soumise au respect des prescriptions des schémas régionaux des carrières. »
Article 2
Après l’article L. 214-3 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 214-3-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 214-3-1 A. - Quand un projet de retenue d’eau à usage agricole prévoit des travaux d’affouillement du sol, cette demande est soumise aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6. »
Lire aussi :
– 2017 : vers un bond de 15 ans en arrière des politiques de l’eau
http://www.eauxglacees.com/2017-vers-un-bond-de-quinze-ans-en
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 juillet 2016
– Rapport Pointereau : seconde “feuille de route” réactionnaire pour la politique de l’eau après 2017
http://www.eauxglacees.com/Rapport-Pointereau-seconde-feuille
Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 août 2016
– Eau et agriculture : troisième offensive réactionnaire au Sénat
http://www.eauxglacees.com/Eau-et-agriculture-troisieme
Les eaux glacées du calcul égoïste, 15 septembre 2016
– Irrigation : l’économie circulaire pour les Nuls, par la FNSEA…
http://www.eauxglacees.com/Irrigation-l-economie-circulaire?var_mode=calcul
commentaires
Ce n’est pas d’un truc à la Shadock dont il s’agit ici : ce qu’ils veulent c’est faire les travaux eux-mêmes quand ils construisent une retenue, en s’affranchissant de la réglementation carrières pour ces travaux aujourd’hui effectués oar des carriers, qui seraient dans leur idée à l’avenir le monopole d’une SCIC dont ils seraient actionnaires... Ce qui déboucherait accessoirement sur un nouveau business puisqu’ils commercialiseraient dès lors à leur plus grand profit les déchets enlevés par leurs bulls quand ils construiraient une retenue...
Mais très ironiquement vous anticipez à merveille la suite du feuilleton, puisque le prochain billet va porter... sur encore un autre rapport, qui veut promouvoir le stockage souterrain de l’eau pour l’irrigation !
Fausse "bonne" idée : comment faire remonter l’eau stockée en sous sol ou, en tout cas, dans un trou, sans pomper ?
C’est plutôt lassant en effet.