Publié le 18 février 2011 au Journal officiel, le jour de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, un peu plus d’un mois après le « décret Le Fur », un second décret scandaleux signe le renoncement du gouvernement à faire respecter la loi par les irrigants, qui refusent violemment depuis deux ans de créer des « organismes uniques », instruments de gestion collectifs créés par la Loi sur l’eau du 30 décembre 2006, qui avaient pour objectif de responsabiliser les irrigants, et partant de diminuer les prélèvements excessifs, le plus souvent opérés pour la culture du maïs irrigué. Si la décision témoigne, à nouveau, que l’actuel gouvernement est prêt à tout pour reconquérir l’électorat agricole, cette « entrée en campagne » , après le décret Le Fur, témoigne par l’absurde du renoncement définitif à toute ambition environnementale, symbolisé par la petite phrase, prémonitoire : « L’environnement, çà commence à bien faire… ». Les conséquences prévisibles de cette dérobade obéreront hélas pour longtemps tout espoir d’aboutissement d’une politique de reconquête de la qualité des eaux, symbolisée par le « mantra » DCE, qui fait plus que jamais figure de village Potemkine…
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (LEMA), avait prévu, pour l’irrigation agricole, un dispositif destiné à promouvoir une gestion collective structurée de la ressource en eau, explicité par le décret 2007- 1381 du 24 septembre 2007 (codifié aux articles R.211-111 à R.211-113, R.214-23 et R.214-24).
La répartition des volumes d’eau d’irrigation devait être confiée à un organisme unique, personne morale de droit public ou de droit privé (le cas échéant associant les collectivités locales), qui représente les irrigants sur un périmètre déterminé adapté.
Sur le périmètre concerné, l’autorisation de prélèvement d’eau pour l’irrigation à des fins agricoles (à l’exception des prélèvements domestiques) serait délivrée à cet organisme unique pour le compte de l’ensemble des préleveurs irrigants à l’issue d’une seule et unique procédure d’autorisation.
Dans les Zones de répartition des eaux (ZRE), périmètres sensibles dans lesquels les prélèvements sont déjà trop importants, l’article L.211-3 prévoyait explicitement que l’autorité administrative puisse imposer la constitution d’un tel organisme.
Caractérisées par un déficit quantitatif, les ZRE ont en effet pour vocation de trouver un équilibre entre la ressource disponible (bassin hydrographique ou système aquifère) et les demandes de prélèvements, par un abaissement des seuils de déclaration et d’autorisation de prélèvements.
Il appartient au préfet coordonnateur de bassin de définir par arrêté ces zones "présentant une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources par rapport aux besoins". Le préfet de département constate ensuite par arrêté la liste des communes ainsi concernées.
Mais les irrigants, relayés par les Chambres d’agriculture et la FNSEA, ont catégoriquement refusé depuis deux ans l’application de ces dispositions, et ont multiplié les actions violentes pour manifester leur désaccord.
Refusant de créer ces structures, les irrigants ont dès lors été contraints de demander individuellement, comme par le passé, une autorisation de prélèvement.
Mais ils ne pouvaient plus bénéficier, à compter du 31 décembre 2010, d’autorisations temporaires, conformément à l’article R.214-24…
Notre fameux décret scélérat – colossale finesse -, prolonge donc jusqu’au 31 décembre 2011 la possibilité de recourir aux autorisations temporaires de prélèvement en eau, correspondant à une activité saisonnière commune à différents membres d’une même profession, dans les zones de répartition des eaux (ZRE).
Les activités saisonnières bénéficient en effet d’un régime dérogatoire en raison de la variabilité inter-annuelle de leurs besoins en eau, ce qui est le cas notamment de l’irrigation agricole.
Mais l’article R.214-24 du Code de l’environnement prévoyait, lui, qu’il serait mis fin à cette dérogation dans les ZRE au-delà du 31 décembre 2010 !
Il donc apparu judicieux (aux rédacteurs du décret et au gouvernement), de prolonger d’un an le recours à la procédure simplifiée d’autorisations temporaires de prélèvement en eau dans les ZRE…
C’est l’objet du décret du 16 février dernier, qui établit par ailleurs (pourquoi se gêner ?), un cadre dérogatoire temporaire pour les ZRE les plus récentes, afin de permettre la mise en place des organismes uniques de gestion collective.
Dans les ZRE délimitées après le 1er janvier 2009, la possibilité de recourir aux autorisations temporaires de prélèvement en eau sera ainsi permise... jusqu’au 31 décembre 2014 !
Et c’est ainsi que les irrigants vont pouvoir continuer à irriguer jusqu’à plus soif, et que les préfets des Deux-Sèvres, des Charente et du Sud-ouest seront contraints l’été prochain d’interdire aux habitants de ces riantes régions d’arroser leurs jardins et de laver leurs voitures…