La multiplication d’incendies et d’accidents chimiques aux conséquences environnementales désastreuses à l’usine d’épuration d’Achères du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne entâche à nouveau la réputation d’une institution qui fait déjà l’objet par ailleurs de plusieurs procédures judiciaires relatives à l’attribution, contestée, de marchés publics de plusieurs centaines de millions d’euros aux multinationales françaises de l’eau et à leurs filiales. L’octroi d’importants marchés relatifs à des systèmes informatiques de télégestion de l’usine d’Achères à une seule et même entreprise prolonge ces questionnements.
Dans deux vidéos promotionnelles de la société Schneider Electric France, le DG du SIAAP, le directeur adjoint à la Direction Technique et le chef de service équipement/ingénierie n’hésitent pas en effet à vanter les mérites du matériel de télégestion installé par l’entreprise Schneider Electric France, notamment à l’usine de Seine Aval d’Achères, où un incendie aux causes encore inconnues vient de totalement détruire l’unité de clarifloculation.
On peut tout d’abord s’interroger sur le respect du devoir de réserve qui devrait s’imposer en la matière, conformément au statut du fonctionnaire territorial, titulaire ou contractuel, comme c’est le cas des responsables en question.
De surcroît ce sont ces mêmes responsables qui ont imposé au fil du temps l’adoption puis le renouvellement de ces matériels, et incitent à les installer sur les autres usines du SIAAP, au risque de flirter allégrement avec l’encadrement réglementaire des marchés publics, en invoquant un "partenariat", notion qui n’existe pas dans le Code des marchés publics.
Mais il y a un problème, un énorme problème. Le système de contrôle-commande (SCC) de l’usine Seine-Aval d’Achères est donc exclusivement du matériel Schneider-FOXBORO.
Or ce système de télégestion n’est pas fiable : il a été vendu avec l’assurance que chaque nouvelle version serait interopérable avec la précédente.
C’est-à-dire que lors du lancement d’une nouvelle version logicielle, les anciennes versions présentes sur l’usine doivent pouvoir dialoguer avec la nouvelle, et que les éléments des anciens ateliers de l’usine doivent pouvoir apparaître sur les écrans du nouveau système.
Une exigence impérative, du fait de la volonté du SIAAP de renouveler l’usine et de la moderniser par étape, atelier par atelier, l’un après l’autre.
Ce n’est pas le cas !
Les versions proposées par Schneider au cours du temps ne sont que très imparfaitement compatibles entre elles. Un peu comme avec Windows par exemple : il n’est pas possible de faire tourner un jeu développé sous Windows XP avec un PC Windows 7, et encore moins avec Windows 10 !
On se retrouve donc à Achères avec un système de gestion automatisé spécifique pour le prétraitement, un autre système pour la clarifloculation (l’unité qui a brûlé), et la NIT-DENIT (nitrification-dénitrification), et enfin un troisième système pour la dernière nouvelle tranche, la File Biologique.
Ce qui oblige les opérateurs à jongler avec plusieurs PC et une multitude d’écrans dans la salle de commande du PC central.
Chaque système ayant ses caractéristiques particulières, il n’est pas toujours facile de se rappeler qu’une action sur une pompe dans un système peut ne pas donner les mêmes résultats sur le même type de pompe via un autre système.
En termes de gestion industrielle du process et de la sécurité, et pour un site classé Seveso 2 « seuil haut », on fait mieux…
Ajouter à cela une réorganisation de l’ensemble du personnel de l’usine conduite à la hussarde, et a déjà été à l’origine de plusieurs grèves, un management de plus en plus coercitif aux pratiques féodales, voire népotiques, que ne cessent de dénoncer les syndicats du personnel, et l’occurrence d’accidents industriels à répétition s’éclaire d’un tout autre jour.
Lire aussi :
– Val-d’Oise. Pollution à Herblay et La Frette : plusieurs tonnes de poissons morts ramassés dans la Seine
Le triste bilan de la pollution après le rejet d’eaux usées directement dans le fleuve, par le Siaap, après l’incendie d’une unité (clarifloculation) de son usine d’Achères.
Actu.fr, 12 juillet 2019.
– Un journaliste dénonce des incohérences techniques au SIAAP
Environnement magazine, 15 juillet 2019.
commentaires
Vu aussi sur https://www.constructioncayola.com/reseaux/article/2019/07/15/125292/journaliste-denonce-des-incoherences-techniques-siaap
le rédacteur a oublié le lien de la source, sans parler des fautes d’orthographe
Misère du journalisme professionnel ubérisé !
Les politiciens commencent à remuer - après n’avoir rien fait depuis 79 ans qua la SIAAP existe :
https://blogs.mediapart.fr/jacques-myard/blog/150719/incendie-du-siaap-du-3-juillet-reunion-presidence-du-prefet-du-15-juillet-2019
Dans le Parisien du 8 juillet 2019, le directeur du SIAAP Yann Bourbon ose affirmer : « Nous donnons à chaque fois toutes les informations à la population, en toute transparence. Cet incendie a démontré que nos systèmes d’alerte et de secours fonctionnaient. »
Le SIAAP n’a même pas informé les mairies voisines.
J’habite depuis des années dans le voisinage du SIAAP et je n’ai JAMAIS entendu aucune information émanant de cette usine sur les incidents, accidents et catastrophes - qui s’y multiplient ces derniers temps.
Pourtant ce dernier incendie en date a duré très longtemps et il y avait un réel risque. D’après le fabriquant du chlorure ferrique « En cas d’incendie il peut y avoir dégagement de gaz toxique. Le chlorure ferrique n’est pas classé comme inflammable selon les critères de la CE, mais peut présenter des risques en cas d’incendie. Formation d’un gaz inflammable au contact de certains métaux. » http://www.cadilhac.ma/cariboost_files/chlorure_20ferrique_fds_02122011.pdf
J’ai du mal à retenir le mot que j’aurais envie de jeter à la tête de Yann Bourbon .
Peut-être faudrait-il déléguer la gestion à Veolia ou Suez ?
Si je comprends bien, Achères, c’est "Seino’byl" !