Alors que le gouvernement s’apprête à publier un arrêté qui regrouperait (« simplification, et allégement des procédures » oblige, toujours la même chanson), une cinquantaine de textes relatifs à l’épandage des effluents agro-industriels, en coulisses le lobbying fait rage…
- La question écrite n° 25379 de Mme Françoise Férat (Marne - UC), publiée dans le JO Sénat du 18/11/2021 - page 6432 :
« Mme Françoise Férat attire l’attention de Mme la ministre de la transition écologique sur le projet d’arrêté ministériel relatif aux prescriptions générales applicables aux matières destinées à être répandues provenant d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), notamment leur épandage et leur stockage.
Ce projet d’arrêté, soumis à la consultation depuis septembre 2021, vise à harmoniser, simplifier et réglementer le stockage et l’épandage des matières fertilisantes provenant des ICPE (stations d’épuration, élevage…).
Il existe une hétérogénéité de ces prescriptions réparties dans plus de 50 arrêtés différents. Le projet de nouvel arrêté devrait regrouper dans un texte unique, afin de simplifier la lecture, la modification et l’allègement des procédures. Ce texte s’articule avec les autres réglementations existantes ou à venir comme le décret matières fertilisantes et support de culture.
Ce projet inquiète les agriculteurs et les entreprises agro-industrielles telles que les féculeries ou les sucreries. Ils ne seraient par exemple pas en mesure d’évacuer la totalité des eaux car classées en type 2.
Autre problème technique : pour les sucreries, les effluents épandus à l’automne seraient classés en type 1a sur la base d’une analyse de l’ISMO (indice de stabilité des matières organiques). Néanmoins, cette analyse n’étant pas réalisable sur les produits liquides, les effluents de sucrerie seraient également classés en type 2.
Par ailleurs, la période d’interdiction d’épandage (3 mois et demi) pourrait être bien supérieure aux capacités de stockage (70 jours) des entreprises.
Enfin, la ferti-irrigation ne serait possible qu’avec des eaux dont la DCO (demande chimique en oxygène) n’excèderait 60 mg/L. Parfois, il existe des seuils moyens de 10 000 mg/L, et pour atteindre ces valeurs, il faudrait mettre en place une action d’épuration des eaux, mais cela enlèverait une grande partie des éléments fertilisants et une partie de l’intérêt de la ferti-irrigation pour les agriculteurs.
Elle lui demande comment le Gouvernement entend prendre en compte ces impératifs agronomiques et économiques dans la rédaction de cet arrêté ministériel. »
- La réponse du Ministère de la transition écologique
publiée dans le JO Sénat du 13/01/2022 - page 257 :
« Le stockage et l’épandage de matières fertilisantes sont des sujets très sensibles, de toute première importance pour notre environnement car ils sont directement responsables de pollutions conséquentes du sol, de l’eau et de l’air, qui présentent un facteur de risques pour la santé.
94 % des émissions nationales d’ammoniac dans l’air proviennent de l’activité agricole.
Par ailleurs, les effluents d’élevage émettent des nitrates dans les sols qui se retrouvent ensuite dans les eaux.
Cela dégrade la qualité sanitaire des eaux, avec notamment une eutrophisation des cours d’eau et la prolifération sur certains bassins versants d’algues vertes.
Des captages d’alimentation en eau potable sont arrêtés du fait de concentrations trop importantes en nitrates.
Pour d’autres, la présence de ce polluant génère un surcoût de traitement. Enfin, un contentieux entre la France et l’Europe subsiste en raison de la pollution des eaux par ces nitrates.
Du fait d’une trop grande hétérogénéité des prescriptions applicables au retour au sol des matières fertilisantes au sein des installations classées pour la protection de l’environnement, un arrêté ministériel est actuellement en préparation.
Il permettra de rassembler dans un texte unique l’ensemble des prescriptions actuellement réparties dans plusieurs arrêtés ministériels.
Ce texte vise par ailleurs à permettre la mise en œuvre des simplifications de procédures relatives aux plans d’épandages et la révision de ceux-ci, ce qui devrait en premier lieu bénéficier aux éleveurs. C’est justement l’objectif des consultations en cours sur ce projet de texte que de recenser l’ensemble des difficultés qu’il pourrait présenter. Tout le temps nécessaire sera pris pour parfaire la concertation et toutes les difficultés rencontrées devront trouver une solution. »